Washington dénonce l’atteinte à la liberté religieuse
Tunis, 6 février 2013 (Apic) Le courant islamiste wahhabite, qui se développe en Tunisie depuis la «Révolution de jasmin» qui a renversé le président Ben Ali, prend désormais pour cible les mausolées soufis. A la fin janvier 2013, 37 mausolées avaient déjà été saccagés ou détruits depuis huit mois, selon l’Union soufie de Tunisie. Cette organisation, fondée après une première vague d’attaques des salafistes, dénonce une mouvance islamiste radicale qui veut détruire le courant mystique islamique.
Ces attaques systématiques et planifiées ont également été dénoncées le 5 février par le gouvernement des Etats-Unis, qui demande que les autorités tunisiennes mènent l’enquête sur ces actes de vandalisme et protègent la liberté religieuse. Les Etats-Unis s’inquiètent des attaques incessantes contre des mausolées en Tunisie, a déclaré le 5 février Victoria Nuland, porte-parole du Département d’Etat américain.
Les Etats-Unis condamnent ces attaques contre des sites religieux et soutiennent l’appel des citoyens tunisiens et des dirigeants politiques qui ont exigé une enquête approfondie sur les causes de ces attaques, a-t-elle ajouté. Victoria Nuland a déploré de tels actes qui ont porté atteinte à des éléments importants du riche patrimoine culturel du pays. Elle a exhorté le gouvernement tunisien à améliorer la protection des divers sites religieux et historiques importants de la Tunisie. «Nous appelons également tous les Tunisiens à respecter la primauté du droit et la liberté religieuse», a-t-elle poursuivi.
Les intégristes islamiques, sous influence du courant wahhabite véhiculé depuis la Péninsule arabique, veulent détruire ces mausolées érigés à la mémoire de saints musulmans, estimant qu’ils contreviennent au précepte de l’unicité de Dieu.
Vice-président de l’Union soufie de Tunisie, Mazen Cherif craint que cette vague d’attaques ne soit qu’un début: «Ils vont ensuite s’en prendre aux sites archéologiques de Carthage, d’El Jem ou de Dougga, classés au patrimoine mondial de l’Unesco». A l’instar des talibans en Afghanistan, ils imposeront le niqab pour les femmes et la barbe pour les hommes, craint l’Union soufie. L’apparition dans les rues de barbus vêtus à la manière afghane suscite la perplexité chez les Tunisiens. Ils sont certes, dans leur majorité, conservateurs et pieux, mais ils rejettent cet islam très rigoriste importé d’Arabie saoudite, qui veut nier l’identité tunisienne.
Les salafistes ne sont qu’une très petite minorité en Tunisie, mais ils sont déterminés. Ils prônent un retour à une «religion des origines» pure, qui ferait disparaître les traits spécifiques de l’islam maghrébin. La majorité des Tunisiens appartient à l’islam sunnite de tradition malékite. La pratique soufie est largement répandue dans le pays, mais c’est une culture en totale opposition avec le courant wahhabite que cette minorité tente d’imposer par la violence.
Dans un certain nombre de pays musulmans, des mausolées ont été érigés pour des saints à qui le peuple des fidèles attribue des miracles ou une dévotion particulière à Allah. Ces sites religieux attirent chaque année des pèlerins par millions, qui se rassemblement pour des offrandes et des sacrifices autour de ces lieux sacrés. Pour les courants obscurantistes, la destruction des mausolées des saints au Mali, en Libye et en Tunisie, lieux d’enseignement, de recueillement et de mémoire respectés depuis des siècles, a également pour but d’éliminer l’islam maraboutique, un islam populaire, pour ramener la société musulmane à un prétendu «islam des origines». JB
L’UNESCO a condamné les destructions des mausolées soufis. Irina Bokova, directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, intervenant après la profanation et l’incendie, le 12 janvier 2013, du mausolée datant du XIIIe siècle dédié au saint et savant soufi Sidi Bou Saïd, a dénoncé «la campagne de destruction de monuments appartenant au patrimoine culturel et à l’histoire de la Tunisie». Sidi Bou Saïd a donné son nom au village dominant le golfe de Tunis et Carthage. «Cette destruction tragique, a-t-elle déclaré, porte atteinte non seulement au patrimoine spirituel et historique du pays, mais aussi aux valeurs de tolérance et de respect de la société tunisienne pour les différentes croyances et la diversité culturelle». (apic/com/unesco/be)
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