France: Jérôme Anciberro quitte la rédaction en chef de «Témoignage chrétien»
Paris, 4 février 2013 (Apic) Jérôme Anciberro a annoncé lundi 4 février 2013 sa décision de quitter ses fonctions de rédacteur en chef de «Témoignage chrétien» (TC). Confronté à d’énormes difficultés économiques, survivant comme par miracle à des crises de financement récurrentes, TC s’est relancé en janvier 2013 avec une nouvelle formule.
L’hebdomadaire français, fondé en 1941 par des jésuites engagés dans la Résistance contre les nazis, paraît désormais sous forme d’une lettre hebdomadaire de 4 pages et d’un supplément mensuel d’une centaine de pages le dernier jeudi de chaque mois.
L’Apic a rencontré Jérôme Anciberro lors des Journées d’Etudes François de Sales, tenues les 24 et 25 janvier 2013 à Annecy, sous l’égide de la Fédération Française de la Presse Catholique (FFPC). Le malaise concernant la ligne éditoriale, notamment la distance nécessaire avec le pouvoir politique, était déjà patent. Jérôme Anciberro était rédacteur en chef depuis mars 2011, ayant succédé à Luc Chatel, journaliste à TC depuis 1997. Auparavant, Jérôme Anciberro était journaliste à l’hebdomadaire des «chrétiens de gauche» depuis 2004, notamment comme chef de la rubrique religion de 2009 à 2011.
La direction bicéphale en place depuis décembre dernier – soit l’éditeur Bernard Stéphan et l’avocat Jean-Pierre Mignard, un proche du président français François Hollande – annonce ce changement dans un communiqué du lundi 4 février 2013. Le recrutement d’un nouveau rédacteur en chef est en cours.
En près d’une décennie passée à TC, «j’ai traversé les crises les unes après les autres… On veut tenter le coup d’une nouvelle formule. Evidemment, refonder le journal en 3 mois, c’est parfaitement déraisonnable, mais toute l’histoire de TC est déraisonnable!», confie Jérôme Anciberro.
A la grande époque, dans les années 60, TC tirait à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, pour finalement stabiliser sa chute et se fixer à plus ou moins 7’000 abonnés ces deux dernières années. La descente avait été continuelle dans les années 70-80 et on pensait que l’hebdo allait mourir, avec un déficit structurel à chaque fois comblé par les appels aux dons. En 2009, il n’y a pas eu de déficit. Mais ce résultat avait été obtenu par la vente d’actifs (les locaux du journal). Les années précédentes, le déficit annuel se montait à 250’000 Euros, réduit à 128’000 Euros en 2011.
En automne 2012, près de la moitié de la rédaction, qui comptait une dizaine de journalistes, était licenciée. «Il devenait alors impossible de produire un hebdo de 32 pages… On approchait de la fin. Il fallait refonder TC sur des bases plus saines. Avec une équipe réduite, on ne pouvait faire plus qu’un mensuel, avec toutefois un lien hebdo, une feuille de quatre pages, un site internet et l’accès aux archives pour les abonnés».
«On a arrêté début octobre, en maintenant seulement un hebdo de liaison de 5 pages, expliquant ce que l’on était en train de faire. Le succès des pré-abonnements pour la nouvelle formule a été inespéré. Nous avons un lectorat extrêmement fidèle. Mais il faut également penser aux plus jeunes, qui ont des attentes nouvelles et pas le même parcours que les ’cathos de gauche’ traditionnels».
Des catholiques ’classiques’ s’abonnent également. «Ils ne supportent plus la ’langue de bois’ de la presse confessionnelle en général». Certes, admet-il, le manifeste de TC en faveur de la Loi Taubira sur le «Mariage pour tous, un progrès humain» a aussi provoqué des désabonnements. «Mais avec les nouveaux abonnements que cette prise de position a suscités, le solde est largement positif!». Alors qu’en mars dernier, l’»Osservatore Romano» rendait hommage «de façon totalement inattendue» à TC, en particulier pour sa position sur les questions de morale et de bioéthique, en décembre dernier, le quotidien du Vatican critiquait par contre vivement son manifeste en faveur du «mariage pour tous».
Jérôme Anciberro regrette que l’attitude de la presse confessionnelle, dans cette affaire, soit restée longtemps «unisono» avant de faire entendre d’autres voix. Car, estime-t-il, les catholiques à la base ont des positions très diverses sur ces problèmes.
Le journal veut sortir du flux continu de l’information pour tenter d’en «donner le sens». Contrairement à ce qui est continuellement rabâché, souligne le rédacteur en chef sortant, «nos lecteurs ont besoin de formats longs, de longues enquêtes, de longs reportages. Nous n’avons pratiquement pas de brèves. S’il y a un besoin urgent, l’internet est là… L’hebdo subsiste dans une formule de quatre pages, avec une mise en page austère, qui ne contient que du texte».
«Si l’on achète TC, ce n’est pas pour s’amuser, c’est pour s’énerver! Nos lecteurs ne nous demandent pas de plaire. On fait intervenir dans nos colonnes des collaborateurs qui ne sont pas de notre bord, pour lancer le débat».
«Le lien de TC avec son lectorat est très fort. Nombre d’abonnés nous suivent depuis 30 ou 40 ans! Le retour des campagnes d’appels aux dons est phénoménal. Les dons moyens que nous recevons sont très élevés. Nous mettons sur pied des rencontres avec les lecteurs de TC à Lyon, Nantes, Marseille. L’identification avec le journal est très forte». La nouvelle formule veut privilégier les reportages hyperlocaux, en lien avec les lecteurs sur place.
Le lectorat du journal s’est grandement diversifié, avec des abonnés protestants, 17% de lecteurs agnostiques ou athées. «C’est un vieux journal qui se renouvelle, avec un lectorat dont la moyenne d’âge dépasse les 65 ans». Il note un «frémissement» avec l’arrivée de jeunes lecteurs. Malgré tout, le profil reste «catho». 50% des lecteurs sont des pratiquants réguliers et également actifs dans l’Eglise. Près de 90% d’entre eux sont de plus très militants dans les associations, les syndicats, les partis politiques. JB
Encadré
L’hebdomadaire français, une publication historique du catholicisme de gauche, a fêté ses 70 ans de combats en novembre 2011. L’automne dernier, pour se donner le temps de penser son avenir, TC cesse la publication de son hebdomadaire de 32 pages pour se «refonder» en trois mois et lancer en janvier sa nouvelle formule. La revue a été créée au scolasticat de Fourvière par des jésuites se révoltant contre le totalitarisme nazi: Pierre Chaillet, devenu «Juste entre les Nations», le futur cardinal de Lubac, Gaston Fessard, Yves de Montcheuil, aumônier du Vercors qui sera fusillé par les nazis… Le journal des chrétiens engagés entend s’appuyer sur son glorieux passé pour se relancer (la Résistance, la décolonisation, Vatican II, la gauche au pouvoir…) (apic/be)
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