Les autorités voulaient marquer la publication d’un nouvel arrêté sur les activités religieuses
Saigon, 22 janvier 2013 (Apic) L’archevêché de Saigon, au Sud du Vietnam, a refusé de participer la veille de Noël à une manifestation officielle destinée à marquer la publication d’un nouvel arrêté sur les activités religieuses, apprend-on le 22 janvier 2013. Intitulé «Arrêté n° 92/2012/ND CP», un nouveau texte législatif a été promulgué le 8 novembre 2012 et mis en vigueur le 1er janvier 2013.
Ce document est censé orienter l’application de la célèbre Ordonnance sur la croyance et la religion de 2004. Il vient remplacer l’arrêté n° 22 publié le 1er mars 2005 qui lui aussi avait pour but de préciser un certain nombre de dispositions de cette ordonnance.
Pour présenter le nouveau document et lancer sa diffusion, le bureau gouvernemental des Affaires religieuses avait invité des représentants de l’archidiocèse de Saigon à participer à une manifestation organisée à Saigon le 24 décembre 2012, révèle le 22 janvier 2013 «Eglises d’Asie» (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP).
La réponse du cardinal archevêque, Mgr Pham Minh Mân, a été sans ambiguïté. Il a annoncé qu’aucun représentant de son diocèse ne serait présent à la réunion envisagée. Deux raisons étaient avancées pour justifier ce refus. La veille de Noël, le personnel de l’archidiocèse est trop occupé par son ministère pastoral pour participer à de telles réunions. Par ailleurs, la présence des prêtres à cette manifestation a été jugée inutile, car de nombreuses réunions ont été organisées à ce propos dans le diocèse et une analyse critique et détaillée de l’arrêté a été envoyée en 2011 aux autorités compétentes.
L’arrêté n° 92/2012/ND CP comporte cinq chapitres et 46 articles. Le premier chapitre proclame en particulier la liberté d’adhérer ou de ne pas adhérer à une religion. Cette proclamation est suivie d’une impressionnante avalanche d’interdictions: «Il est interdit d’utiliser la liberté de croyance et de religion pour attenter à la paix, à l’indépendance, à l’unité du pays, pour inciter à la violence, pour propager des idées bellicistes, pour diffuser de la propagande contre la loi et la politique de l’Etat, pour semer la division au sein de la population, entre les diverses minorités, entre les religions, pour troubler l’ordre public, pour attenter à la vie, à la santé, à la dignité, à l’honneur et aux biens d’autrui, pour s’opposer à la réalisation des droits et des devoirs du citoyen, pour s’adonner à la superstition ou mener d’autres actions illégales. Les organisations ou les individus qui violeront la loi sur la croyance et la religion seront sanctionnés conformément aux dispositions de la loi».
Le second chapitre traite des croyances, terme dont il importe de connaître la définition actuelle. Longtemps, dans les textes officiels concernant la religion, les deux termes «croyance» et «religion» ont été pratiquement synonymes. Depuis les années 1990 et surtout à partir de l’Ordonnance sur la croyance et la religion mise en vigueur en 2004, les textes officiels distinguent très nettement ces deux termes.
L’Ordonnance de 2004 précise que «les activités croyantes» sont des activités exprimant la vénération des ancêtres, la mémoire et l’exaltation des personnes ayant acquis des mérites à l’égard du pays et de la communauté. Cette vénération est accompagnée d’offrandes aux esprits, aux symboles sacrés de caractère traditionnel.
Pour l’idéologie officielle, contrairement aux religions de caractère universel et transnational, les croyances sont qualifiées de «nationales», «régionales» ou «populaires». Les religions possèdent une doctrine systématique qu’elles enseignent aux fidèles, une organisation ecclésiale, des lieux de culte. Elles instituent une séparation nette entre profane et sacré. Les croyances, selon la nouvelle conception, s’appuient sur des mythes, des traditions ésotériques. Elles sont parties prenantes de la culture. Croyances et religion sont nettement séparées dans le nouvel arrêté. Un chapitre entier est consacré aux croyances.
Les points les plus importants sont contenus dans le chapitre III qui traite des organisations religieuses et dans le chapitre IV consacré aux activités religieuses. Ces deux chapitres énumèrent, d’une façon fastidieuse, les innombrables «enregistrements» que doivent effectuer auprès des autorités, les organisations religieuses et leurs responsables non seulement pour se faire reconnaître comme tels par l’Etat, mais aussi pour lui faire connaître la moindre des activités auxquelles ils se livrent.
Au mois de mai 2011, dans une lettre adressée aux autorités, l’archevêque de Saigon, au nom des évêques de la province ecclésiastique, avait reproché au nouvel arrêté de faire preuve de discrimination à l’égard des responsables religieux en les dépouillant des droits accordés aux simples citoyens et, même, aux étrangers.
En de nombreux domaines où ces derniers agissent en toute liberté, les responsables religieux doivent obtenir une autorisation de l’Etat. Pour remédier à cette situation, les évêques proposaient que la loi reconnaisse aux communautés religieuses et à leurs représentants le statut de personnalité juridique.
Après une première lecture de ce texte, certains observateurs ont conclu que le gouvernement s’apprête à resserrer fortement son emprise et son contrôle sur les religions. Certains autres ont affirmé qu’il s’agit d’un pas en arrière dans la politique de liberté religieuse.
Pour le moment, il n’existe pas de réaction officielle de la Conférence épiscopale. Seules ont été rendues publiques l’analyse critique des évêques de la province ecclésiastique de Saigon, en mai 2011, et la lettre par laquelle l’archevêque de Saigon signifie son refus de participer à la manifestation officielle organisée à l’occasion de la publication de l’arrêté. (apic/eda/be)
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