Suisse: Campagne œcuménique de carême 2013 sur l’accaparement des terres

Sans terre, pas de pain !

Lausanne, 10 janvier 2013 (Apic) «Sans terre, pas de pain !», tel est le leitmotiv de la campagne de carême 2013 qui se déroule du Mercredi des cendres 13 février, date de l’entrée en carême, au dimanche 31 mars, fête de Pâques. Les œuvres d’entraide chrétiennes «Action de Carême» (AdC), «Pain pour le prochain» (PPP) et «Etre partenaires» (EP) vont animer la campagne œcuménique avec l’aide de milliers de bénévoles dans toute la Suisse.

Cette campagne œcuménique, menée chaque année depuis 44 ans par les trois organisations de développement des Eglises chrétiennes en Suisse, est «unique en son genre dans toute l’Europe», relèvent Antonio Hautle, directeur de l’AdC et Jean-Claude Huot, chef du Secteur formation et sensibilisation de l’oeuvre d’entraide catholique.

La terre cultivable est au cœur de la campagne 2013. Base de subsistance, la «terre-mère» est de plus en plus vendue ou louée à bas prix à des fins de placements financiers, dérobée ainsi aux pauvres qui ne parviennent plus à nourrir leur famille, souligne AdC. Et pourtant, seule l’agriculture vivrière peut nourrir le monde, car les petites exploitations familiales produisent la majorité des aliments sur le plan mondial. Elles sont de plus davantage productives que les grandes entreprises agro-industrielles.

Dans le collimateur de fonds spéculatifs ou de sociétés asiatiques ou arabes

«Pourtant, les petits risquent d’être de plus en plus évincés par les grands !», affirment les ONG chrétiennes de développement. A l’exemple de l’Afrique, où les terres arables, objets de spéculation et biens d’investissement pour les entreprises occidentales implantées sur le continent, sont également dans le collimateur de fonds spéculatifs ou de sociétés venues de Chine, d’Asie de l’Est, voire de riches pays arabes.

«Notre indignation, notre prière et la recherche de solutions seront au centre du carême, période privilégiée de l’année qui invite à prendre du recul pour mieux voir puis agir au nom de la justice», écrivent les responsables de l’AdC. C’est d’ailleurs le nouveau slogan «Voir et agir» qui sera au cœur de la campagne œcuménique ces prochaines années.

Le danger des agro-carburants

La campagne 2013 des trois ONG chrétiennes met en évidence la thématique de l’accaparement des terres et la nécessité de lutter pour la souveraineté alimentaire des populations dans les pays du Sud. Depuis le début des années 2000, l’intérêt des acteurs économiques pour les terres agricoles a explosé.

L’une des raisons en est l’augmentation vertigineuse de la demande en agro-carburants, notent les œuvres d’entraide. Des millions d’hectares sont aujourd’hui affectés à la production de canne à sucre, de maïs ou encore de jatropha, une plante sauvage poussant dans les zones les plus arides et produisant une huile affichant les mêmes propriétés que le diesel.

L’accaparement des terres, précarité pour des centaines de milliers de personnes

D’autre part, la crise alimentaire de 2008 a réveillé les inquiétudes de nombreux Etats qui ne sont pas autosuffisants en matière alimentaire. Ces derniers cherchent désormais à sécuriser leur approvisionnement. Pour ces raisons, le phénomène de l’accaparement des terres dans les pays du Sud a pris une ampleur sans précédent, et a déjà plongé des centaines de milliers de personnes dans la précarité.

Un commerce au détriment des populations locales

«C’est le drame de populations entières au Brésil, à Madagascar ou en Inde, où la terre est accaparée par de grands propriétaires et enlevée aux familles paysannes qui en vivaient parfois depuis des générations», note Jean-Claude Huot.

A l’aide de méthodes «souvent douteuses et déloyales», des Etats et des investisseurs privés (banques, fonds spéculatifs, multinationales…) concluent avec les gouvernements locaux des contrats leur accordant un droit de gestion exclusive sur la terre et l’eau d’une région.

«Après une telle cession, les villages et les petites exploitations familiales se trouvant sur le terrain concerné ne tardent pas à être rasés puis remplacés par de grandes monocultures industrielles, dopées à grand renfort de semences OGM et d’engrais chimiques. Les récoltes sont ensuite exportées pour la production d’agro-carburants, de fourrage pour les animaux de rente ou vers les étalages de supermarchés», déplorent les œuvres d’entraide suisses.

Les communautés locales souffrent de ce commerce de plusieurs manières. Chassés des terres qui les faisaient vivre depuis des générations, privés de leur moyen de subsistance, les petits paysans se retrouvent contraints à l’exil. Les cultures mises en place requérant très peu de main d’œuvre, seuls quelques-uns d’entre eux trouvent un emploi sur place, pour un salaire de misère qui ne suffit pas à nourrir leur famille.

Les grandes cultures menacent les petits exploitants

Ceux qui peuvent conserver leurs terres ne sont pas beaucoup mieux lotis: les cours d’eau avoisinants se retrouvent souvent asséchés par les énormes besoin en irrigation des grandes cultures, ou pollués par l’usage excessif d’engrais. Dans des pays où l’insécurité alimentaire est une préoccupation constante, l’exportation de denrées vers l’étranger aggrave encore la pénurie et fait monter les prix. Les familles, déjà privées de la terre qui les nourrissait, plongent encore plus avant dans la précarité.

L’agronome forestier malgache Parany Rasamimanana, 51 ans, est depuis 2002 l’un de deux coordinateurs du programme d’ADC à Madagascar. Il sera de passage en Suisse du 1er au 12 mars 2013, afin d’apporter un témoignage direct sur cette réalité auprès des paroisses ou lors de conférences. Cf. http://www.campagneoecumenique.ch. (apic/com/be)

webmaster@kath.ch

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/sans-terre-pas-de-pain-1/