L’initiative populaire «Financer l’avortement est une affaire privée» n’est pas la solution

Berne: Les évêques suisses s’engagent en priorité pour la protection de la vie

Berne, 6 décembre 2012 (Apic) Les évêques suisses s’engagent en priorité pour la protection de la vie et contre l’acceptation généralisée de l’interruption de grossesse, a déclaré jeudi 6 décembre à Berne la Conférence des évêques suisses (CES). Par contre, l’initiative populaire «Financer l’avortement est une affaire privée» n’est pas la bonne solution, ont souligné tant Mgr Markus Büchel, évêque de Saint-Gall, que Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle.

La CES ne donne pas de mot d’ordre en vue de la votation, mais renvoie à la conscience de chacun.

Lors de leur 298e assemblée ordinaire du 3 au 5 décembre 2012 au couvent bénédictin de Fischingen, en Thurgovie, les évêques suisses ont longuement analysé cette initiative populaire. Elle demande que le financement des avortements soit radié de la liste des prestations de l’assurance obligatoire. Les initiants ne veulent pas co-financer des avortements par le biais des primes d’assurance-maladie.

L’avortement n’est pas une affaire privée

Les évêques présents à Berne jugent positif que l’initiative combatte la «normalité» institutionnalisée de l’avortement et lance un débat en Suisse. Mais ils doutent de la façon d’aborder le problème. Mettre en cause la manière de financer l’interruption de grossesse ne suffit pas pour se déterminer pour ou contre l’avortement. Les initiants disent en effet qu’ils ne veulent pas interdire l’avortement. Ils veulent seulement l’adoption d’un nouvel article de la Constitution fédérale – l’Art. 117, al. 3 – disant que «sous réserve de rares exceptions concernant la mère, l’interruption de grossesse et la réduction embryonnaire ne sont pas couvertes par l’assurance obligatoire».

Le débat est plus fondamental, a relevé Mgr Büchel, président élu de la CES. En effet, en regard du droit naturel, l’Eglise s’est toujours opposée à l’avortement, déjà à l’époque de l’initiative dite des délais. «Nous sommes pour la protection de la vie dès sa conception, et cela n’a pas changé!»

Aider pour que l’avortement ne soit plus une option pour les femmes en détresse

L’Eglise considère l’avortement comme un péché grave, qui porte durablement atteinte à toutes les personnes concernées et à la société. Elle est convaincue que l’homicide de l’enfant non encore né ne constitue jamais une bonne solution à une situation de détresse, a-t-il insisté. Mgr Büchel a estimé néanmoins qu’il fallait en faire davantage pour aider les femmes en situation de détresse suite à une grossesse. L’IVG reste pour nombre d’entre elles une expérience traumatisante. Il faut faire en sorte que l’avortement ne soit plus une option pour ces femmes.

Ainsi l’Eglise doit soutenir de toutes ses forces celles et ceux qui s’engagent en faveur de la protection de la vie, de la conception jusqu’à la mort naturelle. Les évêques demandent à la société de prendre parti pour l’enfant non encore né. Mgr Büchel a encore estimé qu’il n’était pas acceptable que l’on dise que les opposants à cette initiative, qui ne résout pas le problème de l’IVG et ne met pas fin à l’avortement, sont favorables à la mort d’enfants à naître. Mgr Gmür a lui aussi refusé l’aspect culpabilisant de l’initiative.

L’œcuménisme, c’est plus que l’»unité dans une diversité réconciliatrice»

Les évêques réunis à Fischingen ont reçu, lors d’un échange «très riche», le pasteur Gottfried Locher, président du Conseil de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). Gottfried Locher a repris les thèses développées le 5 novembre 2012 devant l’assemblée des délégués de la FEPS. Il a plaidé pour «un œcuménisme réaliste immédiatement» et pour un renforcement de l’œcuménisme à l’intérieur du protestantisme. Il a cependant souligné qu’il ne fallait pas pour autant abandonner l’œcuménisme avec l’Eglise catholique-romaine.

Les évêques ont affirmé pour leur part que le but de l’œcuménisme exprimé par la formule «Unité dans une diversité réconciliatrice» ne suffisait pas, a souligné Erwin Tanner, secrétaire général de la CES. Le but auquel il faut aspirer doit être «le véritable rétablissement de l’unité en une seule Eglise», «même si cette perspective ne semble pas si proche à vue humaine».

L»’initiative des paroisses»

Questionnés sur la «passivité» des évêques face à «l’initiative des paroisses» (*), Mgr Gmür a contesté cette interprétation. «Nous ne sommes pas restés passifs, nous avons réagi. Mais le problème de ce texte est qu’il ne différencie pas les niveaux ni les missions… Nous l’avons signalé aux initiants. Il y a des questions qui relèvent de diocèses en particulier, d’autres de toute l’Eglise en Suisse, et d’autres enfin de l’Eglise universelle. Tout a été mis dans le même panier. Nous en appelons à un discernement! Effectivement, il y a un travail pédagogique à faire, et nous dialoguons avec les initiants».

A propos des questions et difficultés abordées par l’initiative, l’unité avec l’évêque et le pape reste décisive, estiment les évêques. Une pratique pastorale en contradiction avec la doctrine de l’Eglise et les directives des évêques «conduit à une impasse». Certaines pratiques pastorales dans quelques paroisses, présentées comme «des évidences», ne le sont pas en regard de la discipline ecclésiale et du droit canon. Les évêques de Bâle, Coire et St-Gall ont informé les membres de la CES sur leur rencontre du 26 novembre 2012 avec les auteurs de l’initiative des paroisses. Les conséquences du manque de prêtres et les défis amenés par des questions structurelles, comme la formation des unités pastorales, sont des préoccupations que les évêques partagent avec les initiateurs.

Tenir compte des détresses et des incertitudes dans les paroisses

Mgr Büchel a relevé qu’il y avait effectivement des détresses et des incertitudes chez les agents pastoraux, notamment face aux demandes de fidèles pas toujours au fait de la théologie et de la discipline de l’Eglise. «C’est un problème que nous reconnaissons et dont il faut tenir compte…. Les fidèles ne font pas toujours la différence entre des théologiens ordonnés et ceux qui ne le sont pas».

Les évêques ont également relayé l’»appel à davantage de solidarité, de collaboration et de sobriété dans l’utilisation des fonds» lancé par la Commission paritaire de planification et de financement de la Conférence des évêques suisses, l’Action de Carême et la Conférence centrale catholique-romaine de Suisse (RKZ). Les membres de la CES soutiennent cette demande de solidarité financière adressée en premier lieu aux corporations ecclésiastiques catholiques cantonales et aux paroisses.

Nécessité de la conversion de l’Eglise en tant qu’institution

Mgr Gmür, qui a représenté les évêques suisses lors du synode d’octobre dernier à Rome sur «La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne», a souligné la nécessité de la conversion non seulement des individus, mais également de l’Eglise en tant qu’institution, afin qu’elle soit «crédible». La conversion, c’est un terme déjà utilisé par Jésus, au début de l’Evangile de Marc, a-t-il insisté.

Dans la société ou dans les médias, a-t-il souligné, l’Eglise est considérée comme un bloc, comme une institution qui a une certaine importance. Ainsi, son agir et sa communication peuvent être plus ou moins crédibles, comme cela s’est vérifié dans le cas des abus sexuels. L’évêque de Bâle a souligné la nécessité d’un discours plus proche des fidèles. «Il faut que l’Eglise soit de plus en plus apte à entendre les soucis, les demandes et aussi les joies des fidèles!». Il a proposé au synode à Rome que l’Eglise s’appuie toujours davantage sur les laïcs en vue de l’évangélisation. Il a ensuite incité l’Eglise à donner un mandat officiel aux laïcs engagés dans l’évangélisation.

A la fin de la conférence de presse, soulignant la nécessité de soutenir le travail diaconal de l’Eglise, les évêques ont lancé un message de solidarité avec l’Action de Carême, dont certains projets aux Philippines ont été anéantis par le cyclone tropical Bopha, qui a déjà fait plus de 200 morts à Mindanao et à Negros.

(*) Les signataires de l’appel des paroisses soutiennent le partage de la table eucharistique avec les frères réformés, la distribution de la communion aux divorcés-remariés et la bénédiction de leur nouvelle union. Par ailleurs, l»’initiative des paroisses» demande que les personnes, indépendamment de leur orientation sexuelle, puissent appartenir à l’Eglise avec tous les droits et tous les devoirs qui s’y rattachent. Les homélies devraient pouvoir être prononcées par des laïcs, hommes et femmes, formés et mandatés. L’appel demande encore qu’en accord avec les prêtres, ces mêmes laïcs puissent prononcer des parties de la prière eucharistique. (apic/be)

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