Les salafistes jubilent, les laïcs et les chrétiens s’inquiètent

Egypte: Le «coup d’Etat» institutionnel du président Morsi suscite la colère de la rue

Le Caire, 23 novembre 2012 (Apic) Des manifestants, en majorité de tendance libérale et laïque, ont incendié vendredi 23 novembre les sièges du Parti de la liberté et de la Justice (PLJ), formation issue des Frères musulmans, à Suez, Ismaïliya et Port Saïd. Ils entendaient protester contre le président islamiste Mohamed Morsi, qui s’est arrogé le droit, soi-disant «pour protéger la révolution», de renforcer considérablement sa mainmise sur tous les rouages de l’Etat.

Ces mesures ont été qualifiées par l’opposition de véritable «coup d’Etat contre la légalité» et d’»atteinte à la légitimité». Elles instituent «un régime dictatorial jamais vu en Egypte, à l’exception de l’époque Moubarak», peut-on lire dans un communiqué des partis libéraux-démocrates. L’opposition exhorte «l’ensemble du peuple égyptien et les forces de la révolution» à «résister à ce coup contre-révolutionnaire (…) par des manifestations pacifiques dans toutes les régions du pays».

«L’Egypte fait face à un grave danger», affirme le Père Rafic Greiche

«L’Egypte fait face à un grave danger. Les Frères musulmans disposent désormais de tous les pouvoirs: ils contrôlent le législatif, l’exécutif et le pouvoir judiciaire. Personne ne peut les arrêter maintenant», déplore le Père Rafic Greiche, porte-parole de l’Eglise copte catholique d’Egypte.

Dans une interview à «AsiaNews», l’agence d’information des PIME (Institut pontifical des missions étrangères, à Milan), le Père Greiche a déploré le 23 novembre le fait que le président Mohamed Morsi s’attribue tous les pouvoirs. C’est une mesure destinée à «verrouiller le pouvoir des Frères musulmans et des salafistes». Selon le prêtre catholique, les Frères musulmans suivent «un plan précis» afin que l’Egypte devienne un pays basé sur la charia, le droit islamique.

Mesures pour distraire l’opinion publique

La «Déclaration constitutionnelle» dévoilée par le président égyptien le jeudi 22 novembre au soir donne au chef d’Etat égyptien le droit de «prendre toute décision ou mesure pour protéger la révolution». Désormais les instances judiciaires ne seront plus autorisées à surveiller les activités du Conseil de la Choura (chambre consultative du Parlement) et de la Commission constitutionnelle chargée de mettre au point la loi fondamentale du pays.

Le Front salafiste égyptien a exprimé son soutien à la Déclaration constitutionnelle promulguée par le président Mohamed Morsi, rapporte vendredi le correspondant de l’agence de presse russe RIA Novosti au Caire. «La Déclaration constitutionnelle est entièrement conforme aux revendications des forces révolutionnaires nationales», lit-on dans un communiqué diffusé par l’alliance islamiste. Selon le Front salafiste, les décrets du président Morsi ont permis de «sauver l’Egypte du vide constitutionnel et de l’instabilité politique qui guette le pays».

Mohamed Morsi, qui a limogé le procureur général de la République Abdel Mahmoud, a également ordonné de revoir les enquêtes sur les crimes commis par des partisans de l’ancien régime lors de la Révolution de 2011, notamment les violences contre les manifestants de la Place Tahrir. Il a également augmenté les indemnités versées aux familles des «martyrs de la Révolution». Selon le Père Greiche, ces mesures ont été prises pour distraire l’opinion publique des réelles intentions du leader islamiste.

«Morsi a attendu que les libéraux et les chrétiens abandonnent leurs sièges – explique le Père Greiche – et de cette façon, seuls les islamistes écriront la Constitution et personne ne pourra les arrêter.»

«La seule arme, poursuit-il, c’est est de voter ’non’ lors du référendum constitutionnel. Cependant, les 40% de la population sont pauvres et vivent dans les zones rurales, où les islamistes recueillent la majorité des voix. Et cela parce qu’en échange de leur vote, ils leur donnent des sacs de blé, de la viande et du riz».

Morsi, «nouveau pharaon d’Egypte»

Le prêtre estime qu’à l’heure actuelle, en cas d’élection, ce sont les libéraux qui récolteraient la majorité des voix auprès de l’électeur égyptien. «Les islamistes sont désormais en minorité, et c’est la raison pour laquelle ils ne veulent pas de nouvelles élections», assure-t-il. De son côté, Mohamed el-Baradeï, l’un des leaders de la tendance laïque, relève que le président Morsi a «usurpé tous les pouvoirs de l’Etat pour s’autoproclamer nouveau pharaon d’Egypte». (apic/orj/asian/be)

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