Berne: L’action sociale dans le judaïsme et dans l’islam présentée par la FEPS

La Conférence de Diaconie invite à la réflexion sur l’acte de charité

Berne, 13 novembre 2012 (Apic) L’action solidaire reposant sur la foi n’est pas l’apanage du christianisme. Elle fait également partie intégrante des autres religions monothéistes, souligne la Conférence de Diaconie de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). A l’invitation de la plate-forme de réflexion de la FEPS, une quarantaine de personnes venues de toute la Suisse ont participé mardi 13 novembre à Berne à un débat sur l’action sociale tant dans le judaïsme que dans l’islam.

La diaconie chrétienne, c’est-à-dire la mise en œuvre de l’Evangile en faveur des pauvres, puise sa source dans le judaïsme, a rappelé d’emblée Regula Kummer, membre du Conseil de la FEPS et vice-présidente du Conseil de l’Eglise réformée du canton de Thurgovie. De son côté, la conception juive de la «tsedaka» – plus que «charité» le mot signifie plutôt «justice» – diffère d’une charité qui ne serait que le résultat d’une décision inspirée par la philanthropie.

Une obligation donnée par Dieu, pas seulement un acte philanthropique

La «tsedaka» est une obligation donnée par Dieu à tous les juifs, indépendamment de leur situation financière ou de leur volonté de donner. «Il s’agit ici de la relation entre Dieu et les hommes… Le judaïsme enseigne que Dieu est l’ultime propriétaire de toute chose, l’homme n’étant qu’un locataire temporaire ou un serviteur sur le sol qui lui est alloué», a relevé le rabbin orthodoxe Marcel Yaïr Ebel, de la Communauté de culte israélite de Zurich (ICZ). Rappelant que le Talmud, un des textes fondamentaux du judaïsme rabbinique, met 318 fois en avant le concept de la «tsedaka», le rabbin Ebel souligne que «nous devons ainsi comprendre que notre richesse matérielle ne sert que pour accomplir la justice distributive».

Citant le grand rabbin andalou du XIIe siècle Maïmonide, Marcel Yaïr Ebel souligne que ce dernier distingue huit niveaux de «tsedaka», selon la proximité entre le donateur et celui qui reçoit le don, que le don soit connu publiquement ou anonyme, qu’il soit fait de façon spontanée ou sollicitée, qu’il réponde partiellement aux besoins du pauvre ou qu’il lui permette l’autosubsistance (offrir du travail ou un partenariat). Le plus haut degré de cette action solidaire, rappelle-t-il, est de donner à celui qui est dans le besoin la possibilité de se maintenir par lui-même. «A l’homme qui a faim, précise-t-il, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson!»

Une aumône réservée aux membres de la communauté

De son côté, Eran-Shoham Simchi, directeur de l’Union suisse des comités d’entraide juive (VSJF), précise à l’Apic que l’obligation de charité s’exerce en priorité en direction des membres de la communauté. L’individu peut cependant également donner, s’il le veut, à des œuvres d’entraide qui viennent, sans distinction, au secours de populations dans le besoin, comme par exemple en cas de catastrophe.

Chez les musulmans, la «zakat» est l’aumône obligatoire, mais elle ne peut pas profiter à un non musulman, à moins qu’il appartienne à la catégorie des «coeurs à gagner». C’est l’un des cinq piliers de l’islam, après l’attestation qu’il n’y a d’autre Dieu en dehors d’Allah et que Mahomet est le Messager d’Allah, et l’observation de la prière. Après viennent le jeûne durant le mois de Ramadan et l’accomplissement du pèlerinage à la Mecque.

Présentant la «zakat», Rifa’at Lenzin, spécialiste de l’islam et codirectrice du Zürcher Lehrhaus (une institution à Zurich dirigée conjointement par une personnalité chrétienne, juive et musulmane), rappelle que l’aumône est effectivement une obligation religieuse.

La «zakat» a un aspect spirituel, car elle permet de purifier l’âme humaine de l’avarice, de l’avidité et de la convoitise. Il s’agit de consacrer 2,5% de ses revenus ou de sa fortune aux nécessiteux pour rendre «pur» le reste de ses biens ou, en terme musulman, les rendre «halal».

L’aumône permet de rendre «pur» le reste de ses biens

La «zakat» fut rendue obligatoire dès l’année 622, soit après l’hégire, le départ de Mahomet de La Mecque pour Médine. Dans la conception musulmane, ce n’est pas simplement une aumône aux pauvres, mais un droit des moins bien lotis à participer au bien-être de ceux qui sont mieux placés, souligne Rifa’at Lenzin. La «sadaqa» est l’aumône volontaire, qui, elle, peut bénéficier à un non musulman.

Pour le musulman pratiquant, insiste-t-elle, la pratique de l’aumône n’est pas simplement l’accomplissement d’un devoir matériel, c’est un chemin pour se rapprocher de Dieu. L’institution de la «zakat» fut mise à mal, voire interdite, dans les pays musulmans durant l’époque coloniale, avec l’instauration d’un système d’impôts. Elle perdit alors le rôle essentiel pour la vie de la communauté musulmane, tout en restant étroitement liée au droit islamique, la charia.

Réintroduction de la «zakat»

Après l’indépendance, le rétablissement de la «zakat» a été rendu difficile dans les pays musulmans, car les nouveaux Etats avaient opté pour un mélange de traditions juridiques importées de l’Occident et de droit islamique. Le système de la «zakat» a toutefois été réintroduit dans des pays comme la Jordanie, l’Arabie Saoudite, la Malaisie, le Pakistan, le Koweït, la Libye, l’Iran et le Soudan. Les méthodes utilisées pour percevoir cette contribution sont très diverses, précise Rifa’at Lenzin. La spécialiste de l’islam pense qu’il va falloir encore beaucoup de temps avant que cette institution ne retrouve l’importance qu’elle avait dans le passé. (apic/be)

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