Une œuvre de «propagande» qui pourrait engendrer un conflit islamo-chrétien

Liban: Des milieux chrétiens ont fait suspendre la sortie du film turc «Fetih 1453»

Beyrouth, 10 octobre 2012 (Apic) La projection du film «Fetih 1453» du réalisateur turc Faruk Aksoy est toujours suspendue au Liban. Des milieux chrétiens dénoncent ses «falsifications historiques» et le décrivent comme «une opération de propagande politico-religieuse qui pourrait engendrer un conflit islamo-chrétien».

«Fetih 1453» (Conquête 1453), dont la sortie dans les salles libanaises était prévue le 27 septembre, dépeint la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, indique le 9 octobre le quotidien libanais «L’Orient-Le Jour». Cette super-production de 160 minutes dotée d’un budget de 17 millions de dollars s’ouvre sur un flashback à Médine, où le prophète Mahomet promet la félicité à celui qui fera la conquête de Constantinople. Ce sort envieux est revenu au sultan ottoman Mehmet II.

S’il a connu un franc succès en Turquie, le film a suscité un important mouvement de protestation au Liban, où certaines organisations chrétiennes ont fait actionner le levier de la censure. Rodrigue Khoury, fondateur de al-Machreq, un nouveau parti indépendant se voulant le porte-parole des jeunes chrétiens orthodoxes, a envoyé une critique historique détaillée du film à la Sûreté générale, en charge de la censure au Liban. «Le film ne raconte pas la bataille de deux empires, comme son sous-titre l’indique, mais montre une bataille de deux civilisations, la musulmane et la chrétienne», dénonce-t-il. «Une civilisation ’blanche’ (la musulmane) et une autre ’noire’».

Massacre des chrétiens oublié

Le Père Abdo Abou Kassem, du Centre catholique d’Information, confirme. «Avec ses vérités historiques falsifiées qui portent atteinte à l’image du christianisme, présenté comme une religion corrompue, ce film incite au conflit islamo-chrétien», assure le religieux à Lorientlejour.com. Et de citer un exemple parmi d’autres. «Dans une scène du film, Mehmet II entre dans la basilique Hagia Sophia, où des milliers de personnes sont réfugiées. Il embrasse un petit garçon et se déclare conquérant protecteur. Nous savons tous que cela n’est absolument pas vrai. Le massacre de près de 3’000 chrétiens et le viol des femmes sont une vérité historique qui ne peut être falsifiée», dénonce-t-il.

Le Père Kassem a précisé à Lorientlejour.com qu’un comité de religieux auquel il appartient a envoyé une demande de censure à la Sûreté générale.

«Le débat commence après la projection du film»

Dans une prise de position diffusée le 8 octobre, l’association «Journalistes contre la violence» a déploré la campagne de censure contre «Fetih 1453» menée par certains prêtres et politiciens. Il a rappelé sa «position constante de rejet du principe de la censure préalable, de la violence morale et du terrorisme intellectuel, ainsi que des pressions en cours pour empêcher la projection du film». «Le débat commence après la projection et pas avant, et il faut respecter en même temps la justice et la liberté d’expression», estime l’association. (apic/olj/bb)

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