Entre enfermement, traitements inhumains et travail forcé
Paris/Dakar, 7 octobre 2012 (Apic) Plusieurs organisations internationales de défense des droits de l’homme et des migrants ont lancé un appel aux Etats africains pour qu’ils exigent des autorités libyennes la libération de leurs ressortissants internés dans des «camps d’enfermement». Dans ces camps, ils subissent des traitements «inhumains et dégradants».
Les pays africains sont également invités à condamner toutes les pratiques et attitudes xénophobes qui stigmatisent les ressortissants de l’Afrique subsaharienne en Libye. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), Migreurop et Justice sans frontières pour les migrants (JSFM) ont publié le 5 octobre 2012, le rapport «accablant» d’une mission d’enquête sur la situation des migrants, réfugiés et demandeurs d’asile en Libye, en particulier ceux originaires d’Afrique subsaharienne. Cette mission a eu lieu en juin dernier. Ces membres ont pu visiter 7 camps de détention à Tripoli, Benghazi et dans la région de Djebel Nafoussa.
Le rapport dénonce les violations flagrantes et généralisées des droits humains fondamentaux des immigrés, pris au piège de milices incontrôlées dans le pays. Pour les migrants d’Afrique subsaharienne qui entrent en Libye par le sud, souligne-t-il, le voyage est particulièrement dangereux: ils sont souvent victimes de réseaux de passeurs, d’extorsions de fonds et de violences, abandonnés dans le désert ou refoulés aux frontières. En Libye, les étrangers considérés comme «illégaux» risquent d’être capturés au passage de check points ou arrêtés à leur domicile ou sur leur lieu de travail par des katibas (groupes d’ex-rebelles), hors de tout contrôle des autorités gouvernementales.
Les arrestations se font «au faciès» et les migrants d’Afrique subsaharienne sont les premiers visés, sur un fond de «racisme très prégnant», poursuit le rapport. Il cite à ce sujet les propos tenus aux membres de la mission, par le dirigeant d’une katiba nommée «Libye libre». Le plus important aujourd’hui, a dit ce chef de katiba, «c’est de nettoyer le pays des étrangers qui ne sont pas en règle et de mettre fin aux pratiques de Kadhafi qui avait laissé entrer beaucoup d’Africains en Libye. Nous ne voulons plus de ces gens ici, qui amènent des maladies et des crimes».
Des milliers de migrants sont aujourd’hui détenus dans des camps gérés par des katibas sans perspective de solution légale ou de possibilité de recourir à des instances nationales ou internationales pour en sortir, poursuit le rapport. Ils survivent dans des cellules surpeuplées et leurs sorties à l’air libre sont exceptionnelles. Ils subissent au quotidien «l’arbitraire et la brutalité des gardes», a déclaré Sara Prestianni, membre de Migreurop et de JSFM, membre de la mission.
Lors de leur mission, les enquêteurs de la FIDH, de Migreurop et de JSFM ont découvert que des employeurs extérieurs, avec la complicité des gardiens des camps, recrutent des migrants détenus pour travailler sur des chantiers ou dans des exploitations agricoles. Ces méthodes de recrutement s’apparentent à du travail forcé. Pendant ces déplacement, les migrants ne savent pas combien de temps ils vont travailler, ni s’ils seront payés, a ajouté Geneviève Jacques, membre du Bureau international de la FIDH, qui a participé à la mission en Libye.
Le rapport montre également comment la Libye a été intégrée au dispositif européen visant à externaliser les contrôles des frontières pour empêcher les arrivées de migrants, réfugiés et demandeurs d’asile sur le territoire européen, et comment ce dispositif est en cours de renouvellement dans le cadre de négociations avec les nouvelles autorités libyennes. Le rapport critique aussi le rôle de l’Union européenne et de ses Etats membres, dans la définition et la mise en œuvre des politiques migratoires en Libye. (apic/ibc/be)
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