«Les petites communautés chrétiennes, une aubaine pour la Suisse!»

Fribourg: Missio ouvre le Mois de la Mission universelle par un colloque à l’Université

Fribourg, 26 septembre 2012 (Apic) Une cinquantaine de personnes venues de toute la Suisse – agents pastoraux, étudiants, professeurs, bénévoles, membres des groupes de «L’Evangile à la maison» – ont participé mercredi 26 septembre à Fribourg à un colloque organisé à l’occasion de l’ouverture du Mois de la Mission universelle.

Mis sur pied par Missio, la branche suisse des Œuvres Pontificales Missionnaires internationales, et la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg, cette journée a fait connaître les petites communautés chrétiennes d’Afrique et d’Asie, présentées comme «une aubaine pour la Suisse».

Après avoir relevé la présence de Mgr Joseph Roduit, abbé de Saint-Maurice, «notre ambassadeur auprès de la Conférence des évêques suisses», le diacre Martin Brunner-Artho, directeur de Missio, a allumé une bougie en souvenir du théologien pastoral Michael Felder, décédé le 5 août dernier d’une crise cardiaque, à l’âge de 46 ans. C’est le professeur Felder qui avait donné l’impulsion à cette journée. De l’Amérique latine à l’Asie en passant par l’Afrique, ce sont les petites communautés chrétiennes qui forment le noyau dynamique des paroisses. Leur expérience de la Parole de Dieu, vécue au quotidien, est une richesse dont l’Eglise en Suisse devrait pouvoir tirer profit, estime Missio.

On ne peut plus faire abstraction des petites communautés ecclésiales

Dans un monde moderne de plus en plus complexe et indéchiffrable, on ne peut plus faire abstraction des petites communautés ecclésiales, a relevé le théologien allemand Arnd Bünker, directeur de l’Institut suisse de sociologie pastorale (SPI) à Saint-Gall. En effet, a-t-il souligné, beaucoup recherchent des espaces qui soient clairement maîtrisables, où les gens se connaissent par leur nom. Nombre d’entre eux les considèrent comme l’image idéale de l’Eglise.

Dans les faits, l’Eglise n’échappe pas au mouvement de concentration qui met en place une organisation de plus en plus étendue au plan pastoral. Si cette recherche de petites communautés, une Eglise «format de poche», où l’on se connaît encore, peut être positive, elle peut aussi avoir un côté négatif: celui de la fuite du monde, du refuge sur une île, entourée d’un vaste monde menaçant.

Vatican II a changé l’image de l’Eglise

Pour Arnd Bünker, Vatican II a changé l’image de l’Eglise, qui n’est plus vue comme la «société parfaite» face au monde. Le Concile n’a cependant pas fixé une forme d’organisation spécifique de l’Eglise. La vision de l’Eglise s’est élargie, et son rôle dans le monde et dans l’histoire a été davantage mis en avant.

On n’affirme plus qu’»hors de l’Eglise, il n’y a point de salut», souligne-t-il, mais bien que l’Eglise doit se montrer irrémédiablement solidaire de tous les hommes, particulièrement des plus pauvres. L’Eglise n’est plus européo-centrée, elle est désormais ouverte sur les cultures du monde, avec plus de responsabilités pastorales pour les Eglises locales et plus de poids pour la base.

Le directeur de l’Institut suisse de sociologie pastorale estime que les petites communautés ecclésiales, si elles ne servent pas de refuge pour échapper au monde réel et ne se retranchent pas dans une Eglise aux traits préconciliaires, peuvent être une grande chance pour redécouvrir la signification de l’Evangile.

L’Afrique est caractérisée par une culture orale

Capucin et bibliste, Frère William Ngowi a rappelé le rôle des petites communautés chrétiennes dans son pays, la Tanzanie. Le religieux, professeur au Jordan University College de Morogoro, à quelque 200 km à l’ouest de Dar es Salaam, n’a voulu parler que de son pays, 23 fois plus grand que la Suisse. «L’Afrique couvre aujourd’hui 55 pays et parle 2 à 3’000 langues, dont 126 dans la seule Tanzanie, qui compte encore plus de 200 dialectes!» Il existe bien dans cette région une langue commune, le kiswahili. Le défi, affirme-t-il, est la traduction de la Bible dans le contexte africain, «car il n’y a pas du culture africaine en tant que telle, mais une mosaïque de cultures».

De plus, ajoute-t-il, l’Afrique est caractérisée par une culture orale: les narrateurs jouissent d’une grande considération. «Leurs histoires ont presque un caractère sacré et seules quelques personnes – les anciens, les chefs de village – peuvent les restituer. Les Africains sont d’excellents auditeurs et ils sont capables de restituer presque littéralement les récits, comme dans les premières communautés chrétiennes».

Les petites communautés chrétiennes (PPC), en Afrique, suivent le modèle des premières communautés chrétiennes qui se réunissaient autour de la Parole, relève-t-il. Récemment, dans le pays, seule une minorité savait lire et écrire ou possédait une Bible. Même si la situation a beaucoup évolué, la culture africaine reste essentiellement orale. Les PCC sont au nombre de 70’000 dans tout le pays. Elles sont reliées à la paroisse et toutes participent à la messe dominicale dans l’église paroissiale.

De l’Eglise en Afrique à une Eglise africaine

Si les PCC sont une grande richesse de cette jeune Eglise, où souvent les fidèles ne sont que de la deuxième ou de la troisième génération de chrétiens, elles doivent cependant faire face à un certain nombre de défis. Ainsi l’absence fréquente des hommes, les différences ethniques ou sociales qui représentent un sérieux obstacle, le danger que s’immiscent dans les PCC des éléments de sorcellerie ou du syncrétisme, ou encore la présence de dirigeants mal formés et poursuivant des intérêts personnels.

Les PCC, assure le Père William Ngowi, aident à venir à bout de la dichotomie notoire entre croyances chrétiennes et traditionnelles, et elles assurent un service pastoral efficace, d’une grande aide pour le prêtre. Les PCC constituent une base solide pour l’émergence d’une authentique théologie africaine: «Elles conduisent l’Eglise en Afrique vers une Eglise africaine», conclut-il.

Béatrice Vaucher, responsable du Département de formation des adultes au sein de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud, a présenté l’expérience de l’»Evangile à la maison – une lecture partagée de la Parole». Elle a souligné que cette initiative lancée en novembre 2011 dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, a ouvert de belles perspectives, offrant l’opportunité de prendre du temps pour chercher ensemble ce que Dieu veut dire aux hommes d’aujourd’hui à travers son Evangile. L’expérience, qui a commencé en novembre 2011 et a vu la distribution gratuite dans le diocèse de LGF de 60’000 exemplaires de l’Evangile de Marc – et qui a associé près de 2’000 personnes à cette démarche – va être renouvelée. «On va repartir en novembre, avec la distribution cette fois-ci de 30’000 exemplaires de l’Evangile de Luc».

Chez les chrétiens de Suisse, une peur de travailler avec la Bible

Présentant les chances et les limites de l’expérience pastorale asiatique AsIPA (Asian Integral Pastoral Approach) pour la Suisse, Brigitte Fischer-Züger, estime que ce modèle importé d’Afrique en Asie est aussi une chance pour la Suisse. Brigitte Fischer-Züger, qui a travaillé pour la Mission Bethléem Immensee (MBI) à Taiwan et a participé sur place à ce projet, relève qu’en Suisse, un millier de personnes sont reliées par asipa.ch. Elles sont à la recherche d’un modèle suisse inspiré de cette démarche d’évangélisation implanté en Suisse alémanique.

Elle estime que l’absence d’une décision en faveur de cette approche de la part de la Conférence des évêques suisses représente un obstacle à son développement, mais elle reconnaît qu’il y a également chez les chrétiens de Suisse une peur de travailler avec la Bible. Elle estime cependant qu’en période de crise de l’Eglise, une telle démarche pourrait donner une impulsion à l’Eglise du 3ème millénaire, qui doit devenir à ses yeux une «communauté de communautés», avec au centre «Jésus-Christ lui-même, revenu au cœur même de notre vie». (apic/be)

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