Suisse romande: Les facultés de théologie redessinent leur avenir

Fribourg, 21 septembre 2012 (Apic) Les facultés de théologie protestantes et catholique ont-elles un avenir en Suisse romande? La réponse est oui, avec une réserve pour Neuchâtel. C’est ce qui ressort de l’enquête menée auprès des Universités de Genève, Lausanne, Neuchâtel et Fribourg. Autre constatation: l’engouement pour le fait religieux rassure les doyens face à la diminution du nombre d’étudiants.

«Je n’ai pas de souci pour la faculté de théologie catholique de Fribourg», affirme Mariano Delgado, son doyen jusqu’au 31 juillet dernier. Même optimisme du côté protestant: «Si la faculté de théologie et de sciences des religions de Lausanne réussit bien sa mue, l’avenir est très bon», déclare Pierre Gisel, doyen sortant. Le doyen Andreas Dettwiler assure que «Genève a son destin en main». Et qu’en est-il à Neuchâtel?

Un Institut pour Neuchâtel

L’avenir de la faculté de théologie protestante de Neuchâtel reste incertain, sans envisager pour autant sa fermeture prochaine. Son sort se discute actuellement. Car trois facultés de théologie protestantes en Suisse romande, c’est trop. En cause, le petit nombre d’étudiants pour trois professeurs en charge, les cours de bachelor donnés à Genève et à Lausanne, et la question des coûts. Philippe Terrier, vice-recteur enseignement de l’Université jusqu’au 31 juillet dernier, l’admet: «La théologie n’a plus les forces nécessaires pour être une vraie faculté. Neuchâtel est en train d’examiner le rattachement éventuel de la faculté de théologie comme Institut à la faculté des lettres et sciences humaines».

Quelle théologie

La société moderne nécessite des adaptations. Aujourd’hui en théologie, le public et les motivations diffèrent. Les nouveaux étudiants n’ont pas toujours connu une socialisation religieuse traditionnelle. «Ce sont souvent des personnes entre 30 et 40 ans, qui travaillent et ajoutent une deuxième formation universitaire à leur cursus. Elles n’ont pas l’intention de s’engager nécessairement dans l’Eglise, mais s’instruisent par curiosité», note Andreas Dettwiler.

Finalement, la théologie a-t-elle toujours sa place dans les Universités? Pierre Gisel a ouvert le débat à Lausanne, en 2007-2008. Il s’est battu pour repenser un héritage possible de la théologie dans une faculté de sciences des religions. «Si Lausanne n’avait pas bougé, on aurait dû fermer la faculté», martèle-t-il, encore interloqué par les vives réactions de certains professeurs.

Derrière ces tensions se dessine un paradoxe: «Depuis le début des années 60, l’Eglise ne trouve pas sa place dans la société moderne, analyse Mariano Delgado. D’un autre côté, le fait religieux suscite un grand intérêt». Le pasteur Virgile Rochat établit le même constat dans son livre «Le temps presse? Réflexions pour sortir les Eglises de la crise» (Labor et Fides, 2012). En arrière-fond se jouent la définition de la théologie et son approche épistémologique. Qui de la théologie ou des sciences des religions est scientifique?

Vers une bilatérale

A l’heure actuelle, chaque faculté définit son orientation et s’ingénie à assurer son avenir. Fribourg innove avec un bachelor en théologie à temps partiel, rapporte le nouveau doyen Franz Mali. Les rectorats des Universités du Triangle Azur (Genève, Lausanne et Neuchâtel) ont signé, en 2009, une convention de partenariat en théologie protestante et sciences des religions (TPSR). Le but est de mieux répartir les compétences et d’intensifier la collaboration.

Cette redistribution des cartes fait un heureux, Genève. Avec un programme complet en théologie, la faculté devient le pôle de formation protestante en Suisse romande. Cette nouvelle donne accorde un répit à Neuchâtel. «Nous devons assumer l’enseignement et la recherche en théologie pratique uniquement, c’est-à-dire un module du master, et une participation aux cours de bachelor à Genève et à Lausanne», explique Philippe Terrier, interrogé en l’absence du doyen et du vice-doyen de la faculté. Mais sur le long terme, «l’avenir est une bilatérale entre Lausanne et Genève», précise le doyen genevois Andreas Dettwiler.

Intensifier les collaborations

Une intensification des collaborations et une ouverture s’imposent. La mode est au renforcement des accords avec d’autres facultés, Instituts et Universités. Fribourg se tourne vers le monde catholique et lorgne sur les étudiants étrangers.

Au plan œcuménique, la collaboration des quatre Universités romandes avec l’école doctorale (mise en place par la Conférence Universitaire de Suisse Occidentale, CUSO, ndlr) est dite très bonne, selon Mariano Delgado. Mais dans les faits, la tendance est au repli sur soi. «Fribourg se trouve actuellement dans une position de retrait, comme si elle affirmait son identité catholique», regrette Andreas Dettwiler, à Genève.

Pourquoi cette réticence à coopérer, alors que le travail ne manque pas? «Les facultés protestantes n’arrivent pas à fournir le nombre nécessaire d’étudiants pour pourvoir les postes qui vont être disponibles dans les Eglises», constate Pierre Gisel. Du côté catholique aussi, «la demande est importante», relève Mgr Rémy Berchier, vicaire épiscopal de la partie francophone du canton de Fribourg et ancien vicaire épiscopal vaudois.

Ainsi, la théologie pourrait devenir une profession d’avenir, si chaque faculté trouvait sa place et sa propre approche spécifique dans une société plurielle. Mais «s’enfermer dans le domaine proprement ecclésial, sans chercher le dialogue, c’est courir le danger de s’enfermer sur soi-même», met en garde Mariano Delgado. (apic/ggc)

Encadré

Les facultés en chiffres

En 2011, 390 étudiants étaient inscrits en théologie à Fribourg, toutes catégories confondues et pour les sections francophone et germanophone de la faculté (Mariano Delgado estime à 240 le nombre de francophones, en l’absence de chiffres officiels, ndlr). Leur baisse de près de 7% par rapport à 2010 préoccupe, même si Fribourg reste la plus grande faculté de théologie en Suisse.

A Lausanne, il est difficile d’établir une étude. «La faculté est un petit peu une prestation de services, commente Pierre Gisel. On a beaucoup d’étudiants qui ne sont pas immatriculés chez nous». Au semestre de printemps 2012, 74 provenaient de la faculté de théologie et de sciences des religions (FTSR). 159 étaient issus de facultés partenaires, lettres et sciences sociales et politiques, gérées par la FTSR, relève la conseillère aux études Sarah Azzopardi-Ljubibratic.

En revanche, Genève et Neuchâtel confondus ont enregistré une augmentation de près de 20% de leur nombre d’étudiants. Si les 171 immatriculés en 2011 étaient moins nombreux que dans les autres facultés romandes, la hausse est pourtant réjouissante. «Cet écart est le fruit du succès de la formation à distance, développée par la faculté de théologie de Genève», explique Andreas Dettwiler. (apic/ggc)

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