L’idée de représailles gagne du terrain dans le Code pénal

Suisse: Caritas rejette les deux variantes du Conseil fédéral sur l’application de «l’initiative sur le renvoi»

Lucerne, 20 septembre 2012 (Apic) Caritas Suisse rejette les deux variantes du Conseil fédéral sur l’application de l’»initiative sur le renvoi» des criminels étrangers. Renvoyer les étrangers qui ont commis un délit sans leur donner la moindre chance de resocialisation revient à bafouer le principe de proportionnalité, dénonce l’organisation catholique dans un communiqué du 20 septembre 2012. Le délai pour la consultation expire fin septembre.

En mai 2012, le Conseil fédéral a envoyé en consultation deux variantes relatives à l’application de l’initiative sur le renvoi, acceptée le 10 novembre 2010 par le peuple suisse. Les deux variantes présentent de graves défauts, estime Caritas Suisse.

Indigne d’un Etat de droit

La 2e variante mise en consultation par le Conseil fédéral bafoue les dispositions constitutionnelles, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et l’accord sur la libre circulation des personens. Elle énumère une liste fourre-tout de délits de gravité très variable, tels que les délits graves contre la vie et l’intégrité physique, les lésions corporelles simples, l’extorsion ou la traite d’être humain, le génocide et les infractions à la loi sur les étrangers, ainsi que l’escroquerie et l’abus de l’aide sociale ou des prestations des assurances sociales.

Dans ces cas, le renvoi doit être prononcé indépendamment de la gravité de la peine (peine privative de liberté ou peine pécuniaire). Il ne peut être repoussé provisoirement qu’en vertu du principe de non refoulement. Selon le Conseil fédéral, la nouvelle disposition prime sur le droit international qui n’est pas contraignant. Si cette proposition va dans le sens des auteurs de l’initiative sur le renvoi, elle n’est pas digne d’un Etat de droit, relève le communiqué.

Délits les plus graves

La 1ère variante, privilégiée par le Conseil fédéral, restreint la liste des délits aux atteintes les plus graves contre la vie et l’intégrité physique, et contre le patrimoine et la liberté, au vol par effraction, aux infractions à la loi sur les stupéfiants et à l’escroquerie, ainsi qu’à l’abus de l’aide sociale ou des prestations des assurances sociales.

Le renvoi doit être décrété par le tribunal, pour une durée de 5 à 15 ans. En cas de peine privative de liberté de moins de six mois ou de peine pécuniaire inférieure à 180 jours-amende, le renvoi ne peut être prononcé que si l’intérêt public de renvoyer la personne l’emporte sur l’intérêt privé de l’étranger de rester en Suisse. Même en cas de peine privative de liberté de plus de six mois ou de peine pécuniaire supérieure à 180 jours-amende, un renvoi est admissible uniquement s’il ne risque pas d’exposer la personne étrangère à une violation grave de ses droits personnels, protégés par les garanties internationales des droits humains, précise Caritas.

Renvoi pour la 2e ou la 3e génération

Aucune distinction, en principe, n’est faite en fonction du type de permis de séjour ou de la durée du séjour. Ce qui est difficilement compatible avec l’accord sur la libre circulation. Le renvoi pourrait aussi s’appliquer aux membres de la deuxième ou de la troisième génération ayant grandi en Suisse. A titre exceptionnel, le tribunal pourrait renoncer à un renvoi qui porterait gravement atteinte aux droits personnels des intéressés, protégés par les garanties internationales des droits humains. Mais cette exception ne tient pas suffisamment compte de la justice individuelle, dénonce l’organisation catholique. Jusqu’à présent, la pratique des autorités en charge de la migration a été marquée par une pesée d’intérêts. Elle consiste à examiner s’il faut accorder plus de poids à l’intérêt public d’un renvoi, en vertu de la loi sur les étrangers, ou à l’intérêt privé de la personne condamnée de rester en Suisse.

Conséquences du renvoi

Le Code pénal n’a pas seulement pour but de réprimer les infractions aux lois. En cas de peine privative de liberté, il faut également donner au délinquant la possibilité de se réinsérer dans la société. Le renvoi nie le principe de la réinsertion dans la société. Pour les étrangers, l’Etat renoncerait ainsi à l’idée de resocialisation.

Selon Caritas Suisse, les deux variantes présentées par le Conseil fédéral bafouent les dispositions du droit international et les principes de la Constitution fédérale, selon Caritas Suisse. Créer un droit différent pour les personnes étrangères et pour les citoyens suisses n’est notamment pas acceptable. (apic/com/ggc)

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