Le courage évangélique des Clarisses
Bruxelles, 31 août 2012 (Apic) Le tribunal d’application des peines de Mons, en Belgique, a décidé de libérer sous conditions Michèle Martin, l’ex-épouse de l’assassin Marc Dutroux. Elle est accueillie par les Sœurs Clarisses de Malonne, dans la province de Namur. Onze sœurs belges et françaises vivent au couvent de Malonne. Dans un communiqué, celles-ci ont confirmé cette information, en précisant que la prise de décision avait été, pour la communauté, un défi et avait donné lieu à une intense réflexion.
Le «oui» courageux des Clarisses est avant tout un geste porteur des valeurs de l’Evangile, peut-on lire dans l’information diffusée mardi 31 juillet par InfoCatho.be, l’info en continu des médias catholiques de Belgique.
Nul n’est besoin de rappeler le drame qui a plongé dans la douleur des familles et consterné la Belgique, à savoir les enlèvements et la mort de Julie et Mélissa et d’Ann et Eefje. Sans oublier les souffrances de Letitia Delhez et Sabine Dardenne, dans le contexte de ce que l’on a appelé «l’affaire Dutroux».
Après quatre demandes infructueuses, Michèle Martin, qui avait été condamnée en 2004 à 30 ans de prison dans ce terrible dossier, a finalement obtenu sa libération conditionnelle. Incarcérée depuis 1996, elle a passé 16 ans derrière les barreaux.
Les Sœurs Clarisses de Malonne accueilleront donc l’ex-épouse de Marc Dutroux. Dans leur communiqué, signé par Sœur Christine, abbesse, les soeurs précisent d’emblée que si, jusqu’ici, la communauté avait refusé de communiquer sur cette question, c’était en raison «de la demande des avocats de Madame Martin de ne pas révéler les éléments de son plan de reclassement avant la décision du tribunal, par respect pour le travail de la Justice».
Précisant que l’exercice de répondre à des journalistes ne leur est pas familière, les Clarisses rappellent que leur participation à la société belge se veut de simplicité et de discrétion: «Nous cherchons à être au cœur de cette société, une présence de paix, de concorde et d’espérance – comme la plupart de nos concitoyens d’ailleurs !».
Et de poursuivre: «Notre chemin communautaire a croisé celui de Madame Martin à travers la demande de ses avocats… Ce fut un défi pour nous, bouleversées que nous étions par l’horrible souffrance des victimes et de leurs familles qui ont traversé l’enfer que vous savez. Nous avons cherché à vivre au mieux cette tension: comment porter ces deux réalités à la fois ? Ce ne fut pas facile… Notre cœur de femmes en a été bien souvent troublé… Nous avons choisi d’accueillir en nous ces deux souffrances qui ne sont en rien comparables l’une avec l’autre».
L’abbesse des Clarisses fait aussi part de ce que la communauté avait l’espoir que les instances prévues pour accueillir des personnes en liberté conditionnelle puissent procurer un lieu d’accueil à Michèle Martin. «Mais il n’a pas été possible de trouver ce lieu. Il faut savoir que Madame Martin n’a pas de famille et qu’elle n’a pas trouvé en Belgique de lieu de réinsertion prévu pour des femmes. La suite des évènements a montré qu’il n’y avait pas non plus de possibilité d’accueil pour elle dans les pays voisins», précise Sœur Christine.
Face à cette impasse, les Clarisses ont longuement débattu en communauté, en toute franchise. «La recherche ne fut pas simple et nous avons longtemps mûri notre décision. Au terme de tout ce cheminement nous sommes arrivées à la conviction qu’il fallait dire oui à cette demande, mais un oui assorti de deux conditions», poursuit le communiqué.
La première condition est que la justice en cours soit intégralement respectée et la deuxième est que l’enquête faite à la prison où est détenue Madame Martin révèle qu’elle a évolué et est capable d’envisager une réinsertion sans risque de récidive. Et les Clarisses de préciser que sur ce point, elles font totalement confiance aux enquêtes judiciaires menées par des professionnels, avec toute la compétence et la distance affective nécessaires à une attitude impartiale.
Une fois la décision prise, la communauté s’est aussi interrogée sur la répercussion possible de son choix dans l’opinion publique et plus encore sur les parents des victimes. «Mais nous avons pensé que personne n’y gagnerait dans notre société si on laissait la violence répondre à la violence et faire ainsi boule de neige. Nous avons la profonde conviction qu’enfermer définitivement le déviant dans son passé délictueux et l’acculer à la désespérance ne serait utile à personne et serait au contraire une marche en arrière pour notre société. Nous sommes aussi convaincues que le respect de la justice de notre pays est un bon garde-fou pour éviter cette dérive».
Et de conclure: «Madame Martin est un être humain capable, comme nous tous, du pire et du meilleur. La justice s’est prononcée et estime qu’elle peut envisager une progressive réinsertion. Nous croyons donc que tabler sur le meilleur d’elle-même n’est pas de l’inconscience de notre part. (…) Il s’agit d’un pas qui, aujourd’hui, ne veut pas présumer de l’avenir… «. Les Sœurs de Malonne demandent aussi que leur vie privée soit respectée, ce qui est bien la moindre des choses face à ce courage évangélique dont elles ont fait preuve, écrit Jean-Jacques Durré et la rédaction des Médias catholiques de Belgique. (apic/infocatho/be)
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/le-courage-evangelique-des-clarisses/