Un acte d’une barbarie inconcevable
Bahawalpur, 9 juillet 2012, (Apic) Un homme soupçonné de profanation du Coran a été brûlé vif le 3 juillet, dans le sud du Pendjab, au Pakistan par une foule déchaînée, menée par des chefs religieux islamistes. Les responsables des Eglises, des ONG de défense des droits de l’homme et enfin le gouvernement du Pakistan ont condamné unanimement un «acte d’une barbarie inconcevable». Fait d’autant plus grave qu’il a visé une personne ne disposant pas de toutes ses facultés mentales.
Mardi 3 juillet, à la suite d’une plainte des habitants du bourg de Chani Ghoth dans le district de Bahawalpur, dans le sud du Pendjab, la police a arrêté un homme accusé d’avoir profané le Coran, rapporte l’agence des Mission étrangères de Paris ’Eglises d’Asie’. Selon certaines versions, il aurait jeté des pages du Coran dans la rue, selon d’autres il aurait tenté de le brûler. Le soir même, alors que l’homme, qui semblait ne pas jouir de toutes ses facultés mentales, était interrogé par les policiers, des chefs religieux islamistes ont appelé par haut-parleurs la population à se rendre au commissariat pour ’punir le blasphémateur’. En moins d’une heure, une foule menaçante d’environ 2 000 personnes, s’est rassemblée devant le commissariat de Chani Ghoth réclamant que la police lui livre l’homme.
«Ils nous ont demandé de le tuer sous leurs yeux sinon ils se feraient justice eux-mêmes», a rapporté Mohammed Azhar Gujar, l’un des officiers de police. Il affirme que lui et ses collègues ont tenté de protéger la victime en lançant des bombes lacrymogènes, mais que la foule était incontrôlable. Les assaillants après avoir bloqué la route principale, ont commencé à brûler des véhicules de police et des habitations, avant de pénétrer de force dans le commissariat et d’en arracher le suspect. Selon les forces de l’ordre, une dizaine de policiers auraient été grièvement blessés lors de cet assaut.
Le suspect a été ensuite violemment frappé et torturé devant le commissariat avant d’être traînée par la foule hystérique jusqu’à un carrefour. Après l’avoir aspergé d’essence, les forcenés ont brûlé vif le ’blasphémateur’. La victime âgée d’une quarantaine d’année, apparemment handicapée mentale et qui n’habitait pas la région serait un musulman du nom de Ghulam Abbas.
Dans une démarche officielle plutôt rare, le président Asif Ali Zardari a exprimé jeudi 5 juillet, son «profond chagrin» et s’est déclaré «excessivement choqué par cet atroce incident». Le président pakistanais a rappelé que nul n’avait le droit de se substituer à la justice, quel que soit le crime commis. Il a chargé son ministre de l’Intérieur, Rehman Malik de lui soumettre un rapport en urgence sur les faits et l’enquête en cours.
Mgr Andrew Francis, évêque de Multan, a condamné vigoureusement «un acte inhumain et d’une extrême gravité». Des propos qui rejoignent ceux de l’évêque d’Islamabad-Rawalpindi, Mgr Rufin Anthony, lequel a appelé les autorités «à comprendre qu’il était enfin temps de légiférer pour protéger les innocents» et assurer la sécurité des personnes accusées sur de simples allégations non vérifiées. «Combien de sang devra-t-il couler encore, s’est-il indigné, avant que cessent l’impunité, l’illégalité et la liberté dont jouissent ceux qui se font justice eux-mêmes !»
Peter Jacob, secrétaire exécutif de la Commission ›Justice et Paix ›de la Conférence épiscopale du Pakistan (NCJP), a rapporté que depuis le début de l’année 2012, au moins trois personnes, deux musulmans et un chrétien, avaient été victimes d’exécutions extrajudiciaires et 88 autres étaient toujours en attente de jugement pour blasphème. (apic/eda/mp)
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