Crainte d’une islamisation radicale du pays
Dakar, 3 juillet 2012 (Apic) Les Sénégalais laïcs sont inquiets de la percée des religieux aux élections législatives de dimanche dernier. Les coalitions de partis politiques islamistes ont créé la surprise, remportant une douzaine de sièges le 1er juillet, faisant craindre à une islamisation radicale et plus poussée de la société sénégalaise, qui pratique jusqu’ici un islam toléré, ouvert et modéré. Le résultat définitif des élections législatives devrait cependant consacrer la victoire de la coalition présidentielle.
Selon les premières tendances publiées par la presse sénégalaise, les quatre coalitions de partis, dirigés par des religieux, seront représentées à la future assemblée nationale comptant 150 sièges. Il s’agit du Mouvement citoyen pour la refondation nationale (MCRN), crédité de 4 sièges, du Mouvement pour la réforme et le développement social (MRDS), qui a gagné 3 sièges, du Parti pour la vérité et le développement (PVD), qui a également conquis 3 sièges, et du Mouvement patriotique du Sénégal (MPS), qui remporte 2 sièges.
Hormis le MRDS, qui comptait un député dans l’assemblée nationale sortante, dont les membres avaient été élus en juin 2007, les trois autres listes venaient de se lancer pour la première fois dans des joutes électorales. Dirigées par des religieux, doublés de leur casquette de politicien, les quatre listes ont toutes créé la surprise.
Les discours de leurs dirigeants ont finalement séduit les électeurs qui ont massivement exprimé leur choix pour ces politiciens atypiques, en lieu et place des représentants des partis traditionnels. Dans de nombreux bureaux de vote à travers le pays, les listes de candidats religieux sont soit arrivées en tête, ou sont juste derrière les ténors ou grands partis, devançant de loin certaines formations politiques traditionnelles, longtemps présentes sur la scène politique.
Ces résultats ont surpris bien des Sénégalais, en particulier les observateurs de la vie politique, pour lesquels pourtant rien n’augurait une situation aussi favorable aux religieux musulmans. Certes, le pays, qui a un régime laïc, compte près de 90% de musulmans. «L’évolution démocratique du Sénégal est telle que la religion n’a pas sa place dans cette sphère politique», ont estimé des sociologues et analystes politiques, cités par le quotidien sénégalais «Wal fadjri», édité à Dakar.
Pour d’autres médias locaux aussi, les marabouts politiciens sont de nouvelles forces politiques émergentes au Sénégal avec lesquelles il faudra désormais composer. On ne semblait pas les prendre au sérieux, mais leurs listes ont fait plus que de la figuration dans ce scrutin pour les législatives du 1er juillet.
Le sociologue Mamadou Moustapha Wone a lié la percée des religieux musulmans à la «faillite de la classe politique traditionnelle». Car, a-t-il dit au quotidien «Wal fadjri», les politiciens traditionnels ont habitué les Sénégalais au double langage.
Dans un commentaire intitulé «Faut-il craindre la percée des islamistes au scrutin législatif de dimanche, le journal sénégalais en ligne ’ledakarois.net’ a relevé qu’avec l’entrée des religieux au parlement, «le pire est à craindre».
«Pourquoi ce regain d’intérêt pour la chose religieuse? S’achemine-t-on vers une ’théocratisation’ de l’hémicycle ou tout simplement vers une démocratie fortement teintée de religiosité? Ou le Sénégalais est-il juste en train de se chercher une nouvelle orientation idéologique?», s’est-il encore interrogé, tout en rappelant la nature «conservatrice» des Sénégalais.
De son côté, l’imam Mbaye Niang, chef de la liste du MRDS a expliqué que les Sénégalais ont l’habitude de voir les hommes politiques leur faire des promesses sans les tenir ou d’utiliser l’argent pour acheter leurs voix. «Nous, (les religieux), nous avons mis l’éthique et la morale en avant, mais aussi notre honnêteté (…)», a-t-il ajouté. (apic/ibc/be)
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