A côté du conflit sur le terrain, «une guerre médiatique où l’on ne sait plus qui croire»

Syrie: Le pays vit une «descente aux enfers», selon le nonce apostolique Mgr Zenari

Damas, 13 juin 2012 (Apic) La Syrie vit une «lente descente aux enfers», selon Mgr Mario Zenari, nonce apostolique à Damas. Le risque que court le pays est une explosion de haine entre les factions opposées qui va durer des décennies, explique le représentant du Saint-Siège à l’agence de presse catholique AsiaNews à Rome.

«En Syrie, aux destructions matérielles s’ajoute la dévastation des cœurs causée par ce conflit. On peut quantifier les maisons détruites, les morts, les blessés, mais la désintégration de l’âme est impossible à mesurer», déclare Mgr Mario Zenari, qui affirme toutefois avoir encore confiance dans une paix future.

Une «instrumentalisation par les deux parties en conflit»

Le nonce explique que l’escalade de la violence, en augmentation ces derniers mois, touche tout le monde, y compris les enfants. «Sans le vouloir, ces derniers sont devenus une partie substantielle du conflit». Les nouvelles des massacres, tortures et violences sont répercutées par les médias du monde entier, souligne-t-il, avec le risque d’une «instrumentalisation par les deux parties en conflit».

L’ONU a publié le 12 juin un rapport sur les enfants dans les conflits armés qui donne des témoignages d’enfants de moins de 9 ans utilisés comme «boucliers humains» par les forces armées syriennes. L’ONU met également en cause les rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL) qui auraient recruté ces derniers mois des centaines de combattants âgés de 9 à 15 ans.

«Des victimes innocentes, exploitées tant par le régime que par les rebelles»

«La mort de jeunes innocents – affirme le nonce – et leur utilisation comme boucliers humains ou comme soldats est un crime inacceptable. La communauté internationale et l’ONU doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour défendre ces victimes innocentes, exploitées tant par le régime que par les rebelles». Malheureusement, ajoute-t-il, «à côté de la guerre sur le terrain, se déroule une guerre médiatique où l’on ne sait plus qui croire».

Mgr Zenari relève toutefois des signes d’espérance qui pourraient faire repartir un processus de dialogue et de réconciliation depuis la base: le 25 mai dernier à Homs, une des villes les plus touchées par le conflit et par la haine entre les fractions, est née la «Mussalaha» (réconciliation), une assemblée pour le dialogue interreligieux organisé par des leaders chrétiens, qui a également rassemblé des sunnites et des alaouites.

Démarches de réconciliation et de dialogue interreligieux

Ces jours-ci, la «Mussalaha» a organisé diverses rencontres également avec la société civile et des délégués venant de Damas. Jusqu’à maintenant, le groupe a concentré son engagement pour faire libérer ou pour retrouver les personnes enlevées ou disparues, et pour convaincre les diverses familles et factions afin qu’elles abandonnent les armes pour tenter de conclure un accord pacifique.

«La situation de guerre n’aide pas – explique Mgr Zenari – mais notre espérance est de pouvoir étendre ces initiatives à toutes les villes de la Syrie». Pour Mgr Zenari, la communauté internationale, avant tout les pays chrétiens, ne doivent pas isoler la Syrie. Soutenir l’affrontement entre le régime et les rebelles est dangereux et contre-productif».

Le Père Paolo Dall’Oglio doit quitter le pays sur «décision d’Eglise»

Fondateur de la communauté du monastère de Mar Moussa, au nord de Damas, le Père Paolo Dall’Oglio, doit quitter la Syrie sur «décision d’Eglise», «pour éviter des conséquences plus graves». Il va partir d’ici à quelques jours à la demande de son évêque. Il avait demandé publiquement la démocratisation de la Syrie.

Sur les ondes de Radio Vatican, le jésuite italien, qui œuvre depuis des années en Syrie pour le dialogue entre chrétiens et musulmans, a confirmé qu’il devait quitter le pays où il vit depuis plus de trente ans. Le peuple syrien demande sa liberté, souligne-t-il, en déplorant la manipulation de l’information qui voudrait faire croire qu’il ne s’agirait que d’un simple combat contre le terrorisme.

Le peuple syrien demande sa liberté

«Cela relève du mensonge, même quand ce mensonge est diffusé par des médias catholiques. Le peuple syrien demande sa liberté. Ce processus est terriblement difficile en Syrie, pour des raisons objectives liées à la complexité culturelle, sociale et religieuse du pays. C’est pourquoi nous avons besoin de l’assistance internationale pour réussir le processus».

«Il est vrai que plus que le conflit armé se prolonge, plus d’espace se crée pour la violence sectaire la plus grave. Mais cela est une tragédie musulmane avant d’être une tragédie pour les chrétiens locaux!» Le Père Dall’Oglio demande que tous fassent ce qui est possible pour sauver les pratiques et les convictions de bon voisinage: «Que chacun ait peur pour son voisin et pas peur de son voisin!» (apic/asian/rvat/be)

webmaster@kath.ch

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/a-cote-du-conflit-sur-le-terrain-une-guerre-mediatique-ou-l-on-ne-sait-plus-qui-croire/