Appui des évêques à la réforme fiscale demandée par les étudiants
Santiago du Chili, 2 mai 2012 (Apic) A l’occasion de la Journée Internationale du Travail, l’Eglise catholique au Chili a appelé à augmenter le salaire minimum. Elle s’est exprimée en faveur d’une réforme fiscale, grande revendication du mouvement étudiant mobilisé depuis plus d’un an.
Lors de la messe célébrée mardi 1er mai en l’honneur de San José Obrero, patron des travailleurs, l’archevêque de Santiago et président de la Conférence épiscopale chilienne, Mgr Ricardo Ezzati, a affirmé que «le salaire minimum actuel n’est pas suffisant». Il a invité le gouvernement à le faire «correspondre aux nécessités des familles et des personnes».
Principal syndicat chilien, la Centrale Unitaire des Travailleurs (CUT), réclame en effet le passage du salaire minimum à 250’000 pesos (soit 390 euros), contre les 182’000 pesos actuels (environ 285 euros), qui ne permettent pas à une famille de vivre. Un chiffre que refuse pour le moment le gouvernement. Evelyn Matthei, la ministre du Travail, a ainsi affirmé aux médias locaux que cette augmentation pourrait avoir des conséquences négatives sur l’emploi, indiquant que «nous souffrons déjà de la concurrence de pays voisins où le salaire minimum est plus bas».
Lors de l’eucharistie, l’archevêque de Concepción, Mgr Fernando Chomali, s’est aussi exprimé en faveur d’une augmentation du salaire minimum, évoquant la nécessité d’un «salaire digne». Le prélat a d’autre part préconisé une réforme fiscale pour financer les améliorations en matière d’éducation. «Le Chili a beaucoup crû économiquement, mais la brèche [entre riches et pauvres, ndlr] persiste; si nous voulons un pays juste et pacifique, nous devons travailler de façon ardue pour surmonter cette brèche. Dieu répartit les talents et capacités de la même façon», a déclaré Mgr Chomali. «Je demande donc qu’on fasse une réforme fiscale en pensant aux pauvres, pour qu’ils aient, eux aussi, accès à une excellente éducation. Ainsi nous surmonterons les brèches», a-t-il poursuivi dans son homélie.
Mobilisés depuis un an, les étudiants et le monde de l’éducation réclament une augmentation des impôts pour financer des changements profonds dans le système d’éducation – actuellement très inégalitaire et très cher – et notamment pour renforcer les écoles publiques. Cette semaine, le gouvernement a lancé un projet de réforme fiscale pour financer les réformes annoncées en matière d’éducation. Il compte notamment augmenter les impôts sur les revenus des entreprises de 17 à 20%, instaurer des taxes sur des biens à l’impact négatif sur l’environnement, augmenter l’impôt sur les alcools forts de 27 à 40%, mais aussi réduire les impôts sur les timbres et permettre aux familles de la classe moyenne de retirer de leurs impôts jusqu’à 50% de leurs dépenses en éducation. Des modifications qui permettraient de collecter «entre 700 millions et 1 milliard de dollars supplémentaires», assure le gouvernement.
Mais pour le mouvement étudiant, ce projet de réforme est trop timide. «Ce n’est qu’un simple maquillage du système actuel qui approfondit les inégalités», a déclaré la leader Camila Vallejo. Pour les étudiants, la réforme proposée ne permettra pas de financer les changements structurels dont a besoin l’éducation chilienne et qui coûteraient, d’après eux, entre 3,5 et 4 milliards de dollars par an.
Du côté de l’opposition aussi, on critique le projet du gouvernement le qualifiant d’»ajustement» et non de réforme. «Au Chili, le taux d’imposition est bas – seulement 20% du PIB – alors que les pays développés et ayant de bons systèmes éducatifs et de protection sociale collectent entre 30% et 35% de leur PIB, comme c’est le cas dans la majorité des pays de l’OCDE», a souligné Aldo Cornejo, député DC (opposition), dans les médias chiliens, indiquant que la réforme du gouvernement n’entraînerait qu’une hausse des impôts de 0,3% du PIB. «Construire une société moins inégalitaire requiert une réforme fiscale profonde, a-t-il continué; il faut donc que les grandes entreprises et les millionnaires du pays payent plus d’impôts et n’y échappent plus comme c’est le cas aujourd’hui.» (apic/lg/bb)
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