Série Apic: Prêtres et religieuses au passé intéressant (V)
Fribourg: En bon marin, l’abbé Hervé Mas s’est jeté dans les eaux froides du sacerdoce
Givisiez, 8 février 2012 (Apic) Curé de la paroisse de Givisiez/Granges-Paccot depuis 2010, l’abbé Hervé Mas a passé trois ans et demi dans la marine française, avant de se décider à devenir prêtre. Rencontre avec un homme qui garde toujours le pied marin, en paroisse comme dans la rue, auprès des pauvres et des marginaux.
Ni Popeye ni capitaine Haddock, l’œil pétillant derrière ses lunettes et un sourire de jeune premier aux lèvres, l’abbé Hervé Mas nous reçoit dans son petit salon cosi de la cure de Givisiez. «Je n’ai pas vraiment un passé inhabituel. Aujourd’hui, il n’est pas rare que les prêtres fassent plusieurs expériences avant», relève-t-il d’emblée, avec humilité. Sur les étagères, des livres et des cartes de vœux, des CD de Brel, une biographie du général de Gaulle, héros de sa patrie d’origine, quelques photos et des statues de saints. Pas une évocation de son passé de marin, si ce n’est peut-être une collection de pipes et un narguilé sur une table basse. «J’aime bien fumer une pipe, un bon cigare et même le narguilé. Mais rien n’est indispensable. C’est une philosophie de vie», confesse-t-il.
A bientôt 67 ans, l’abbé Mas n’est pas devenu pantouflard pour autant. Il a gardé ce virus des voyages qu’il a contracté dès son plus jeune âge. Il vient d’ailleurs de passer deux semaines en Inde, au Kerala. Un besoin d’évasion et de découverte qui l’a poussé à s’engager à 18 ans dans la «Royale», la marine militaire française. Le jeune Hervé n’avait pas vraiment le goût des études et sans doute un désir inconscient de suivre les traces de son père, militaire de carrière et mutilé de guerre.
Le 4 mai 1964, Hervé Mas quitte Lyon pour Brest, puis Marseille. Il décide de faire carrière et sillonne le Pacifique durant trois ans et demi. La vie en mer est dure et la tension latente dans le contexte de la Guerre froide. Avec ses camarades, il ne manque pas de faire des sorties arrosées. «J’ai vécu ma vie de marin, sans pour autant mener une existence dissolue. Dans la marine, milieu assez traditionnel, j’ai trouvé beaucoup de bonheur et beaucoup de valeurs. Tous les marins n’ont pas une femme dans chaque port, au risque de décevoir l’imaginaire collectif!»
Issu d’une famille de la région de Saint-Etienne (Sud-Est de la France), «profondément religieuse, pas du tout bigote mais très empreinte de social», le jeune homme est croyant et prie beaucoup. «Aussi loin que je me souvienne, j’ai pensé devenir prêtre, être chartreux, parce que c’est là où on peut être le plus près de Dieu. C’était pour moi quelque chose de tout à fait naturel. Ma mère avait une foi profonde, mon père avait retrouvé la foi lorsqu’il était prisonnier de guerre. C’était un homme très bon et d’une grande humilité», raconte-t-il. Marin dans l’âme, le jeune Hervé n’a jamais eu l’envie de devenir missionnaire. Un paradoxe pour quelqu’un qui adore voyager!
Du jour au lendemain, le quartier-maître Mas décide ainsi de quitter la marine pour entrer au séminaire. «J’étais en Polynésie, à Tahiti, un endroit idyllique. Un jour, un capitaine-aumônier basque m’a demandé si j’avais songé à devenir prêtre. Ça a été le déclic. J’ai donné ma démission, mais ça a été très dur. Là, j’ai vraiment ressenti le renoncement. Je laissais une vie qui me plaisait beaucoup. J’en ai pleuré.»
Le jeune homme entre au séminaire à Lyon, en plein Mai 68. Vivant très mal l’expérience, il jette l’éponge après trois mois. Qui plus est, sa mère est fâchée à l’idée de voir son fils devenir prêtre. «Elle estimait que c’était se mettre en avant. Or, dans notre famille, il fallait rester humble. Ça a été ma première souffrance. La seconde c’est que la vie de charité, je l’ai plus trouvée dans la marine qu’au séminaire.»
Hervé Mas décide alors de se laisser du temps. En 1970, il devient enseignant dans un collège de Genève. Après avoir passé un an à l’abbaye de St-Maurice comme postulant, il effectue sa formation à l’Université de Fribourg et auprès des missionnaires de St François de Sales, au petit séminaire de Bonlieu. Il est ordonné prêtre en 1980, à l’âge de 35 ans.
L’abbé Mas a passé une grande partie de son sacerdoce à Fribourg, où il a été durant neuf ans aumônier des étudiants du Collège St-Michel. De 2009 à 2010 à son initiative, il a travaillé dans la rue, à Lausanne, auprès des drogués et autres marginaux, mais aussi à Bex auprès des requérants. «Durant cette période, le vicaire épiscopal ne savait pas trop quoi faire de moi. Je me suis jeté à l’eau. J’étais finalement un marginal qui rencontrait des marginaux… Je me suis senti bien avec eux! Cette année a été la plus belle de mon ministère, qui a pris une toute autre dimension. Je suis plus attentif aux autres», s’enthousiasme celui qui porte le col romain d’abord comme un signe distinctif et comme une invitation à la rencontre.
Et de conclure: «Ma mère m’a toujours poussé à observer et à comprendre ce qui se passait autour de moi. Cette proximité avec les plus démunis est très importante. Dans l’Eglise, il n’y a pas beaucoup de charité. La diaconie est le parent pauvre. Et aujourd’hui, on a trop tendance à oublier ce service envers les autres.» (apic/nd)
Note aux médias: Des photos de l’abbé Mas peuvent être commandées à apic@kipa-apic.ch. Prix pour diffusion: 80 frs la première, 60 frs les suivantes.
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