Séoul : Pour l’Eglise de Corée du Sud, l’évangélisation des Nord-Coréens est une priorité

Encore impossible au Nord, elle s’adresse aux réfugiés gagnant le Sud

Séoul, 4 février 2012 (Apic) Pour l’Eglise catholique de Corée du Sud, l’évangélisation des Nord-Coréens demeure une priorité. Dans le contexte créé par la succession dynastique du pouvoir à Pyongyang, le voisin du Nord reste cependant un territoire fermé à la mission. C’est pourquoi l’Eglise sud-coréenne veut se consacrer en priorité aux réfugiés nord-coréens installés au Sud. Ils sont déjà 20’000 et nombre d’entre eux seraient chrétiens, notamment de tendance évangélique.

Cet état de fait ne doit pas empêcher l’évangélisation des Nord-Coréens, laquelle commence par le témoignage auprès des réfugiés nord-coréens. C’est en substance le message délivré lors d’un récent symposium organisé par l’Eglise catholique de Corée du Sud, rapporte «Eglises d’Asie», l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP).

Le 1er février dernier, sous l’égide de l’Institut pour la pastorale de demain, le Père Norbert Cha Dong-yeob, prêtre catholique du diocèse d’Incheon, a réuni des membres de l’Eglise catholique qui travaillent pour la mission en Corée du Nord. Il y a rappelé que si la mort de Kim Jong-il et l’accession au pouvoir de son fils Kim Jong-un ne permettaient pas de prédire une réunification prochaine de la péninsule coréenne, il convenait, étant donné l’impossibilité de mener des actions d’évangélisation en Corée du Nord, de se préoccuper de la mission auprès des réfugiés nord-coréens installés au Sud.

Une majorité des réfugiés se réclament du christianisme

Jusqu’aux années 1990, les arrivées en Corée du Sud de Nord-Coréens choisissant de faire défection étaient rarissimes et la question de leur intégration dans la société sud-coréenne demeurait marginale. Aujourd’hui, avec l’augmentation ces quinze dernières années du nombre des réfugiés réussissant à gagner le Sud, leur présence est devenue significative. On estime leur nombre à 20’000. Si le gouvernement continue de les accueillir et de faciliter leur intégration dans la société sud-coréenne, nombre d’entre eux peinent à se faire à leurs nouvelles conditions de vie.

Des études récentes montrent qu’une proportion importante de ces réfugiés se disent chrétiens. Selon un sondage de 2003, 70 % des réfugiés déclaraient une «croyance religieuse», et, parmi eux, les trois quarts se disaient chrétiens. De tels chiffres ne sont pas étonnants dans la mesure où les réseaux de passeurs pour la Corée du Sud sont souvent animés par des chrétiens, généralement protestants évangéliques sud-coréens ou coréano-américains.

Fuite via la Chine

Mis en contact avec des missionnaires chrétiens lors de leur périlleux voyage via la Chine et un long périple en Asie, les réfugiés continuent à fréquenter les milieux chrétiens une fois installés au Sud. Le gouvernement sud-coréen, conscient de cela, veille d’ailleurs à ce qu’à Hanawon, «la maison de l’union» par laquelle passent tous les réfugiés à leur arrivée sur le sol sud-coréen, une section entière soit dévolue à «l’éducation religieuse».

Une fois sortis d’Hanawon, les réfugiés nord-coréens trouvent une myriade de communautés protestantes prêtes à les aider financièrement et matériellement. Cependant, des critiques pointent le fait que cette aide n’est pas toujours désintéressée. Kang Chul-ho, un réfugié qui a fondé sa propre communauté, l’»Eglise de l’Unification et de la Paix», indique que ces aides financières amènent certains Nord-Coréens à ne voir dans les Eglises qu’une source d’aide pécuniaire.

Danger d’instrumentalisation

Il dit recevoir des appels téléphoniques de réfugiés qui lui demandent combien d’argent reçoit un Nord-Coréen s’il adhérait à son Eglise. Il ajoute que des réfugiés cessent de fréquenter une communauté lorsque celle-ci arrête son soutien financier ou bien que des réfugiés s’enregistrent auprès de plusieurs Eglises à la fois afin de démultiplier les aides qu’ils y reçoivent.

D’autres Eglises enfin font fuir les réfugiés car elles leur demandent une profession de foi et de témoigner de leur vie passée devant la communauté. De telles attitudes renvoient les réfugiés au souvenir de ce qu’ils ont vécu au Nord, avec le culte obligatoire rendu à la dynastie des Kim, et les amènent à s’éloigner définitivement de la religion, témoigne encore Kang Chul-ho.

Dans l’Eglise catholique, le travail auprès des réfugiés nord-coréens se veut plus respectueux des personnes, ont souligné les participants au symposium du 1er février. L’évangélisation des réfugiés, ont-ils encore rappelé, peut «indirectement» avoir un effet au Nord dans la mesure où, dans le cas d’une réunification prochaine de la péninsule, les réfugiés pourront être autant de relais auprès de la population nord-coréenne. Sœur Lim Sun-yun, directrice du Centre pour les réfugiés nord-coréens du diocèse d’Incheon, a toutefois fait remarquer qu’il fallait être prudent et progressif dans les propositions faites aux réfugiés (comme l’étude de la Bible et du catéchisme), mais que si les Nord-Coréens se montraient désireux d’aller plus loin, rien n’empêchait de les mener jusqu’au baptême.

Nam Dong-jin, vice-président du Comité pour la réconciliation de la Corée, structure dépendant du diocèse d’Incheon, a indiqué, quant à lui, qu’avec une quinzaine de paroissiens, ils avaient formé des groupes où des Nord-Coréens étaient conviés pour des sessions de prières. Un autre programme, nommé «home-stay» et organisé depuis plusieurs années déjà, rencontre également un vif succès: une fois par an, des foyers sud-coréens invitent des réfugiés à partager quelques jours sous leur toit. Ces rencontres permettent des échanges plus profonds, a expliqué Nam Dong-jin, ajoutant qu’à Incheon, trois réfugiés nord-coréens avaient demandé à être formés à l’évangélisation.

Selon un missionnaire étranger présent de longue date en Corée du Sud, si l’Eglise catholique veille toujours à respecter la liberté de conscience des réfugiés nord-coréens, les activités qu’elle déploie à leur attention ne sont pas toujours dénuées d’ambiguïté. Il cite le cas d’une communauté de religieuses qui accueillent de jeunes réfugiées âgées de 15 à 20 ans, dans l’appartement qu’elles occupent. Les réfugiées sont en attente d’un logement et d’un travail. Deux d’entre elles ont demandé le baptême, qu’elles ont reçu après seulement quatre mois de catéchuménat et alors qu’elles étaient toujours sous le toit des religieuses. Selon le missionnaire, «une telle précipitation n’était sans doute pas nécessaire». (apic/eda/be)

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