Un derviche tourneur à l’Université
Fribourg, 10 novembre 2011 (Apic) Du 6 au 12 novembre 2011, la Suisse vit à l’heure religieuse. Le 9 novembre, bahaïs, musulmans, chrétiens et bouddhistes étaient à l’honneur à l’Université de Fribourg, avec une soirée de rencontres et de témoignages, entre lectures, musiques et prières. Sans oublier la transe du derviche.
Reto Dörig, organisateur de l’exposition et de la soirée interreligieuse à l’Université de Fribourg, souhaitait attribuer une place particulière à l’islam. Il s’est réjoui que trois témoignages de la foi musulmane clôturent la soirée. La Tariqa Naqshbandiyya, une confrérie soufie, s’est livrée à l’exercice spirituel du Dhikr, une évocation rythmée du nom d’Allah, «une façon de célébrer le Seigneur» grâce au chant et à la danse. Un derviche tourne en toupie aux battements des percussions. Le maître Saïd Kaoutli et les fidèles l’accompagnent en chantant «Allah – Ya da’im… (O Toi l’éternel) – Ya latif… (Le Subtil-Bienveillant) – Ya ghaffar… (Le Tout-Pardonnant) – etc. Et finalement Ya Salam… (La Paix).» Alors le maître s’avance au microphone du vaste et gris auditoire Joseph Deiss. Il s’exprime posément: «Au terme d’un Dhikr, on a l’habitude de le dédicacer pour les dons spirituels reçus. Comme nous sommes en Suisse, cette dédicace va d’abord à Saint Nicolas de Flüe. A nos parents, nos maîtres, nos amis, … j’ai la certitude que toutes les traditions ordonnent de bien veiller sur nos voisins.»
Patrizia Conforti a dressé l’historique des relations de bon voisinage entre les religions. Il n’a pas fallu attendre cette semaine interreligieuse pour qu’existe un échange entre les communautés à Fribourg. Depuis l’an 2000, s’activent des groupes de prières, de dialogue, de rencontres, des conférences et même un pèlerinage interreligieux. Quand le vicariat de l’Eglise catholique dans le canton a demandé à Patrizia Conforti l’organisation d’un évènement commémorant spécialement le 25ème anniversaire de la rencontre d’Assise (où le Pape Jean-Paul II avait invité les religions à se rassembler en signe de Paix), il lui a été aisé de s’entourer d’une équipe aux multiples traditions. On y retrouve des membres des communautés bahaïe, israélite, de l’Union des Associations des musulmans de Fribourg, des groupes de pratique du bouddhisme thibétain (Shangpa Kagyn et Padma Ling), l’Association internationale soufie Alâwiyya et la confrérie soufie Tariqa Naqshbandiyya, et, pour la couleur plus locale, les aumôneries universitaires et la pastorale jeunesse catholique. Ils ont décidé ensemble de favoriser la rencontre pour que chacun apprenne à connaître les autres, d’où le thème de la soirée: «Vous et moi, quelle rencontre!».
Des bouddhistes, des chrétiens, des bahaïs et des musulmans ont livré successivement le témoignage de leur foi aux 150 personnes présentes. Nassiba Khenissi, a exprimé sa difficulté dans la vie de tous les jours à subir l’intolérance suisse vis-à-vis des musulmans: «Je réalise avec le temps que je vis dans une société qui connaît mal l’islam; la peur des musulmans est bien présente.» La soirée n’était pas au reproche, mais au partage et même à la prière. Marie-Dominique Minasian a lu des mots de frère Christophe, un des moines de la communauté martyr de Tibhirine. «Pour lui, l’Eglise d’Algérie c’est tout simplement une maison. Une maison dans la maison de l’islam, une petite chambre d’ami ouvrant sur l’intérieur qui nous unit.»
C’était l’occasion aussi pour le Père dominicain Philippe de Roten de remémorer l’existence d’un autre lieu, modeste, ouvrant sur l’intérieur. En janvier 2006, l’université de Fribourg avait inauguré en présence de Mgr Bernard Genoud, en lieu et place d’une chapelle, un espace de recueillement interreligieux, le «Raum der Stille», situé à côté de l’auditoire Joseph Deiss, dans le bâtiment dédié aux sciences économiques. Ce ne fut pas sans réactions d’indignation. Depuis, selon Philippe de Roten, l’espace est clairement sous-utilisé. L’aumônier des étudiants francophone de l’Université a lancé à l’assistance un appel à qui voudrait animer cet endroit. Le comité d’organisation, s’étant promis de poursuivre ses activités au-delà de la manifestation et de devenir une véritable plateforme interreligieuse dans le canton de Fribourg, aura peut-être la possibilité d’y répondre.
L’exposition sur les religions, créée en 2006 par des étudiants des cycles d’orientation de la Tour-de-Trême et de Bulle, accueillait aussi les visiteurs. Cinq tentes dressées dans les couloirs de l’université mettent en scène un emplacement de méditation bouddhiste, l’intérieur d’un temple hindou, l’arche d’une synagogue, un tapis de prière et cinq piliers explicatifs de l’islam et finalement un autel et des objets liturgiques chrétiens. Il s’agissait de pouvoir toucher ces objets et même sentir l’odeur de l’encens… sauf à l’Université de Fribourg, où plane l’interdiction de fumer, déplore en souriant Patrizia Conforti.
A noter le remarquable travail de ces élèves fréquentant les aumôneries de leur CO. Ils ont réussi, en deux ans d’efforts pendant leurs temps libres, à créer une bible géante d’un mètre pour cinquante centimètres et d’un poids de quinze kilos. Cent pages de papier artisanal, calligraphiées et enluminées par les élèves, présentent des extraits significatifs des 73 livres de la bible. Un effort largement récompensé puisque après une tournée de deux ans dans les COs du canton de Fribourg et une année de pause méritée, l’exposition repart sur les routes du canton. Elle sera ces prochains jours au cycle de Marly. Reto Dörig, qui assure la coordination de ce long périple, espère qu’elle puisse aussi un jour circuler dans les établissements scolaires germanophones du canton. (apic/pf)
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