Roumanie: Les Eglises catholiques orientales planchent sur la «Nouvelle évangélisation»
Oradea, 7 novembre 2011 (Apic) La contribution des Eglises catholiques orientales d’Europe à la «Nouvelle évangélisation» a été au centre de la 14e Rencontre des évêques catholiques orientaux qui s’est tenue à Oradea, en Roumanie, du 3 au 6 novembre 2011.
La rencontre annuelle des évêques catholiques orientaux d’Europe a rassemblé cette année à Oradea, en Roumanie, près de 70 participants, évêques et experts, à l’invitation de Mgr Virgil Bercea, évêque d’Oradea-Mare. Ensemble, les participants ont réfléchi au défi de l’annonce du Christ dans le contexte socioculturel actuel. Les résultats de ces travaux aboutiront dans un rapport qui sera remis au secrétariat du Synode des évêques en vue de la 13e Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, qui se tiendra à Rome du 7 au 28 octobre 2012. A cette rencontre ont pris part également les évêques de rite latin de la Conférence épiscopale de Roumanie.
Au cours des travaux, les évêques ont remercié le pape Benoît XVI pour son initiative d’indiquer les Eglises catholiques orientales dans ses intentions générales de prière pour l’apostolat, «afin que leur vénérable tradition soit reconnue et estimée en tant que richesse spirituelle de toute l’Eglise».
A l’ouverture des travaux, le cardinal Péter Erdö, président du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE), a souligné que la «Nouvelle évangélisation» était une opportunité par laquelle tous les fidèles sont tous appelés «à réveiller notre foi et à édifier des communautés chrétiennes bien enracinées dans le Seigneur et fortes dans leur élan missionnaire».
De son côté, Mgr Lucian Muresan, archevêque majeur de Fagaras et Alba Iulia des Roumains et président du Synode de l’Eglise gréco-catholique en Roumanie, a souligné que vingt ans après la chute des régimes communistes totalitaires, «les Eglises catholiques orientales sont confrontées elles aussi à des sociétés en rapide évolution, dans lesquelles la sécularisation, l’émigration et le relativisme ont modifié les paradigmes et les modalités non seulement de l’appartenance ecclésiale et de la pratique religieuse, mais aussi de la transmission et de l’annonce de l’Evangile».
Le président de la Conférence épiscopale de Roumanie a encore relevé que les Eglises catholiques orientales d’Europe ont une histoire commune, «faite d’exclusion, de souffrance et de martyre, surtout sous les régimes totalitaires où elles furent interdites et supprimées juridiquement».
«Aucune autre Eglise de Roumanie ne peut se dire Eglise martyre comme l’Eglise gréco-catholique», a affirmé pour sa part Mgr Francisco Javier Lozano, nonce apostolique en Roumanie et en République de Moldavie. Le fait que cette Eglise ait réussi à préserver sa foi au prix de nombreuses vies a été longuement rappelé par les autorités politiques de la région et de la ville, qui ont mis en évidence le rôle de l’Eglise gréco-catholique de Roumanie, et en particulier de l’exarchat d’Oradea, dans le travail de reconstruction du tissu social et moral de la population.
Dans son adresse, Adrian Lemeni, secrétaire d’Etat aux affaires religieuses du gouvernement roumain, a salué l’initiative de cette rencontre, en encourageant les évêques à poursuivre leur défense des valeurs dont le christianisme est porteur en Europe.
En ce qui concerne la «Nouvelle évangélisation», les Eglises catholiques orientales d’Europe ont une contribution spécifique à apporter à la réflexion en cours dans l’Eglise universelle. D’autre part, elles doivent être bien conscientes des défis que le monde actuel présente à la mission. «La crise que le monde vit aujourd’hui est essentiellement de nature anthropologique; elle est en partie le fruit de la sécularisation qui a entraîné une marginalisation injustifiée de Dieu, tant dans la sphère publique que dans la sphère personnelle», a-t-on relevé durant la rencontre.
Les Eglises catholiques orientales sont confrontées elles aussi à ce problème et, après la vitalité dont elles ont fait preuve il y a une vingtaine d’années après avoir retrouvé la liberté, elles se sentent interpellées par ces phénomènes mondiaux qui touchent un grand nombre de leurs fidèles émigrés, en posant aux Eglises respectives des questions pastorales inédites qui demandent des solutions appropriées et originales.
Dans son intervention, Mgr Salvatore Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la Nouvelle évangélisation, a mis en évidence quelques-unes des tâches qui attendent la «Nouvelle évangélisation»: renforcer le sentiment d’appartenance qui donne une identité forte; soigner le langage et veiller tout particulièrement à la beauté de la liturgie, à la catéchèse et à la formation permanente. Enfin, face aux différentes formes d’égoïsme qui semblent prévaloir aujourd’hui, la «Nouvelle évangélisation» doit promouvoir des témoignages de solidarité et de générosité, autrement dit la charité à travers laquelle il est possible d’exprimer l’amour de Dieu pour tous les hommes.
Elle ne saurait se limiter à des discours: «elle demande des signes visibles, capables de traduire et de témoigner de façon tangible la présence et la mission de l’Eglise dans l’Histoire». Un exemple de ce dynamisme et de cette médiation du message chrétien a été présenté par le Père Borys Gudziak, recteur de l’Université catholique d’Ukraine, qui a exposé aux participants le projet très original de construction de la nouvelle Université catholique. L’idée de base était de réaliser un campus où la technologie se traduit dans l’architecture, où la spiritualité est vécue en communauté, et où l’évangélisation prend la forme d’un pèlerinage.
De son côté, le Père jésuite slovène Marko Rupnik, directeur du Centre Aletti, à Rome, a parlé de la contribution que l’art byzantin peut apporter à la nouvelle évangélisation. Pour cet artiste slovène de renommée mondiale, il est très important de comprendre la réalité dans laquelle s’inscrit l’art et la fonction qui lui est attribuée. Aujourd’hui «l’art a émigré du sanctuaire au palais, puis du palais au musée; il ne suscite plus la dévotion, mais seulement l’admiration pour l’artiste. En même temps, il a perdu sa fonction de symbole pour devenir un concept totalement coupé de la réalité du vécu quotidien».
Pour le père jésuite, «l’art doit être capable de transmettre la foi, la vie et l’amour». En somme, estime-t-il, ce qui est arrivé à l’art est le reflet de ce qui est arrivé au chrétien, «devenu incapable de vivre au quotidien son baptême, son être régénéré de fils de Dieu, de manifester une humanité vécue par Dieu, de montrer en un mot ce que signifie vivre en se sachant racheté».
En se penchant sur l’histoire et sur la nature des Eglises catholiques orientales, le professeur Cesare Alzati, professeur à l’Université catholique du Sacré-Cœur de Milan, a identifié certaines caractéristiques qui pourraient stimuler le reste du monde chrétien.
En premier lieu, leur capacité de dépasser les frontières confessionnelles sans perdre leur identité, mais en s’ouvrant au dialogue avec les autres confessions qui partagent les défis de la sécularisation, et en particulier la séparation entre le surnaturel et la vie présente.
Un aspect particulièrement important des Eglises catholiques orientales est leur liturgie. En ce sens, la nouvelle évangélisation de l’Europe «passe nécessairement par la réaffirmation de la centralité de l’expérience du mystère, par laquelle il est donné à l’homme d’expérimenter la rencontre avec Dieu dans l’Histoire».
Face aux progrès de la sécularisation et du consumérisme dans les sociétés d’Europe de l’Est, la tâche de l’Eglise est, pour Mgr Cyril Vasil, secrétaire de la Congrégation romaine pour les Eglises orientales, d’offrir à la société civile l’expérience de la doctrine sociale de l’Eglise pour lutter contre les effets désastreux du capitalisme sauvage, «comme antidote aux effets collatéraux empoisonnés de l’économie de marché».
Et comme nombre de fidèles des Eglises catholiques orientales ont émigré pour des motifs économiques, il faut revoir l’action pastorale dans une perspective missionnaire et à la lumière du contexte social actuel. En outre, le contact pastoral avec les fidèles immigrés ne «doit pas se limiter au seul service du culte divin», mais doit s’intéresser à leurs conditions de vie. «Il faut éviter qu’ils se sentent abandonnés par leur Eglise».
Un autre défi est celui de «l’athéisme pratique» qui est en train de se répandre un peu partout. L’homme auquel l’Eglise est appelée à porter la Bonne Nouvelle est un homme fondamentalement ignorant du point de vue religieux, privé d’un point de référence culturel sûr. Il faut donc se demander comment susciter son intérêt pour les choses qui dépassent son horizon matériel et utilitariste. Comme d’autres intervenants, le secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales a mis l’accent sur la recherche de joie, de beauté, de décorum et de solennité de la part des hommes. C’est pourquoi «la beauté profonde et mystique de nos célébrations liturgiques peut encourager une recherche plus approfondie de la vérité». Notons que la prochaine rencontre des évêques des Eglises catholiques orientales se tiendra à Zagreb du 8 au 11 novembre 2012, à l’occasion du 400e anniversaire de l’union de l’Eglise catholique croate de rite byzantin à l’Eglise de Rome. (apic/ccee/be)
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