Fribourg: Le patriarche copte catholique dénonce la montée des islamistes en Egypte
Fribourg, 30 octobre 2011 (Apic) Le beau rêve de la «révolution du 25 janvier», qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir, n’a pas duré longtemps. Les fondamentalistes – salafistes et Frères musulmans extrémistes – vont arriver en force lors des élections de fin novembre prochain, a déploré le cardinal Antonios Naguib dimanche 30 octobre à la cathédrale St-Nicolas de Fribourg.
Malgré les menaces qui s’accumulent sur les chrétiens d’Egypte et les attentats qui ont fait des dizaines de morts parmi les coptes depuis le début de l’année, «l’horizon n’est pas complètement ténébreux, il y a des aspects lumineux et des motifs d’espérance», a lancé dimanche le patriarche d’Alexandrie des coptes catholiques.
Patriarche d’Alexandrie depuis mars 2006, né à Minya, en Haute-Egypte, le 7 mars 1935, Antonios Naguib a été créé cardinal par le pape Benoît XVI en novembre de l’année dernière. Il était convié à témoigner des espoirs et des souffrances de chrétiens de son pays à l’occasion de la 5e Journée nationale de sensibilisation et de prière pour les chrétiens victimes de discrimination et de persécutions, organisée en Suisse par l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED), les 29 et 30 octobre 2011.
Le patriarche a d’emblée été applaudi par la foule massée dans la cathédrale quand le chanoine Nicolas Betticher, vicaire général du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, a rappelé que l’hôte venu d’Egypte fêtait justement ce dimanche la 51e année de son ordination sacerdotale.
Dans sa présentation, Roberto Simona, responsable de l’AED pour la Suisse romande et le Tessin, a souligné «la folle augmentation des actes de violence, de discrimination et de mépris» dont sont actuellement victimes les chrétiens dans le monde. Et de souligner quelques uns des endroits du globe où ils sont victimes d’atteinte à leurs droits: Iran, Turquie, Philippines, Egypte, Pakistan… «tous ces pays où le sang des chrétiens ne vaut pas cher!»
C’est d’abord un grand merci à l’œuvre d’entraide catholique internationale «Aide à l’Eglise en Détresse» (AED) que le patriarche a adressé pour l’avoir invité à témoigner du sort des chrétiens d’Egypte à l’occasion de cette Journée pour les chrétiens persécutés. Il a rappelé que durant le Synode des Evêques pour le Moyen-Orient en octobre 2010, les Pères synodaux n’ont jamais utilisé le mot «persécution» à propos de la situation des chrétiens dans cette région du monde. «Mais ceci ne veut pas dire que tout va bien, ou qu’il n’y a pas de problèmes…»
Sur les 88 millions d’habitants que compte l’Egypte aujourd’hui, près de 9 millions sont des chrétiens, en grande majorité des coptes orthodoxes. Les 7 Eglises catholiques du pays rassemblent environ 250’00 fidèles, essentiellement des coptes catholiques. Les chrétiens d’Egypte, s’ils ne sont pas persécutés en tant que tels, doivent cependant faire face à de nombreux interdits imposés par le Coran et la charia, la jurisprudence islamique. Et le patriarche de mentionner toute une liste de telles discriminations: interdiction du mariage d’une femme musulmane avec un chrétien; un non musulman ne peut pas hériter d’un musulman; dans une famille chrétienne, si le mari passe à l’islam, sa femme et ses enfants ne peuvent plus bénéficier de son héritage, à moins de devenir musulmans; s’ils ont moins de 18 ans, les enfants mineurs d’un chrétien passant à l’islam sont automatiquement considérés comme musulmans; une personne musulmane qui passe à une autre religion perd automatiquement toutes ses propriétés!
Le cardinal Antonios Naguib mentionne encore d’autres problèmes mortifiants pour les chrétiens: les manuels scolaires et universitaires contiennent de nombreuses données qui offensent ou attaquent ouvertement les chrétiens et la foi chrétienne.
On trouve les mêmes attaques dans les médias, le discours religieux ou les homélies dans les mosquées. Les médias de l’Etat ne donnent pas de programmes religieux chrétiens, à l’exception des messes de Noël et de Pâques, tandis que les programmes religieux musulmans sont diffusés jour et nuit!
Plus grave encore, les actes de violence contre les chrétiens et les églises, sans prises de position des autorités ni punition des coupables. Les attaques contre les églises, qui ont fait des dizaines de morts en moins d’un an, ont créé un fossé entre musulmans et chrétiens, «qui s’est toujours plus élargi sous l’influence de leaders fanatiques».
Pendant la première période de la révolution qui a chassé du pouvoir le président Moubarak, «le phénomène merveilleux fut qu’elle ne toucha pas la religion… au contraire, elle renforça les liens entre musulmans et chrétiens», affirme le patriarche Antonios Naguib.
«On priait dans les églises et les mosquées pour le retour de la paix et de l’ordre. Beaucoup de chrétiens et de musulmans ont vécu ensemble avec un esprit de coopération et d’amitié. On espérait une nouvelle ère de fraternité. Malheureusement, ce beau rêve ne dura pas longtemps!» Maintenant, déplore-t-il, les fondamentalistes islamiques sont sortis du bois et les attaques contre les chrétiens se répètent, comme celles visant l’église des Martyrs, à Sôl, au sud du Caire, le 8 mars dernier, ou l’église Saint Menas à Embaba, au Caire, le 7 mai (qui fit une dizaine de morts et plus de 200 blessés, et laissé 2 églises brûlées).
Récemment, le 30 septembre dernier, l’église de Saint-Georges à Marinab, dans la province d’Assouan, a été attaquée. Il y eut ensuite les manifestations des chrétiens à Maspero, au Caire, qui se sont terminées par la mort de 30 personnes et ont fait 329 blessés. «Tous les indices montrent que l’attaque avait été programmée. Des reporters de la télévision ont incité à l’attaque des chrétiens manifestant pacifiquement, tandis que les autorités ont incriminé les coptes!»
Mais pour éviter de dresser un tableau trop sombre, le patriarche a relevé des signes très positifs, comme la détermination des jeunes qui ont fait surgir la révolution visant à établir un état de droit et une société civile et démocratique. Les chrétiens ont montré à cette occasion un nouveau visage «plein d’énergie, d’audace et de persévérance», et des écrivains musulmans demandent eux aussi dans la presse l’établissement d’un état de droit démocratique, garantissant l’égalité pour tous. «Il y a là une grande chance de dialogue qu’il nous faut saisir», a-t-il déclaré à l’Apic. (apic/be)
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