Une Eminence pour fêter le 6e anniversaire de l’Adoration perpétuelle
Fribourg, 25 octobre 2011 (Apic) Fribourg a accueilli une «Eminence», le cardinal Henri Schwery, pour présider la messe festive du 6e anniversaire de l’Adoration perpétuelle. Rencontre au couvent des Cordeliers, le 19 octobre 2011, avec un homme entier qui «aime voir où il met les pieds».
L’ancien évêque de Sion est sans ’chichi’. Il ne court pas après les «Votre Eminence», «Monsieur le cardinal». Derrière un sourire affable, on perçoit un homme bon et direct. Sans ambages, il avoue se fatiguer pour peu de choses et «être stressé par le souci d’être prêt et de faire ce que l’on me demande». Il regrette aussi de travailler beaucoup moins qu’autrefois. «Trois à quatre jours par semaine, comme évêque de Sion, je pouvais être sur le terrain, en paroisse, dans les écoles et les hôpitaux. J’arrivais encore à ’pondre’ trois à quatre sermons et des conférences».
Depuis le 1er janvier 2008, ayant atteint ses 75 ans, le cardinal est sans fonctions officielles au Vatican. En Valais, le prélat est encore actif à Saint-Léonard, où il réside depuis janvier 2011, ou à Signèse sur la commune d’Ayent. Célébrer avec une communauté, quelle que soit sa grandeur, est vital. «C’est là où je suis le plus heureux», avoue-t-il. Mais «le moins possible officiellement!» S’il se met volontiers à disposition de l’abbé Léonidas, son curé, l’enfant de Saint-Léonard ne souhaite surtout pas prendre sa place. En apprenant que le home du village n’offrait aucune messe le dimanche, le cardinal – pasteur dans l’âme – réagit: «Non mais, vous êtes malades! Les vieux, se sont ceux qui ont le temps d’y aller. Je suis vieux comme eux». Et voilà que la messe dominicale au home le Carillon est réintroduite.
Clairvoyant, il propose aussi de célébrer, à nouveau, le mercredi soir à l’église. A l’objection soulevée du chapelet, le cardinal répond avec malice, l’œil pétillant: «Aux dames qui prient le chapelet, on va leur dire qu’une messe vaut bien trois chapelets». Lors de cette célébration, il y fait une «prédication courte, mais programmée sur plusieurs mois», développant une pédagogie de la liturgie de la messe: «Pourquoi ce geste se fait comme cela et pas autrement, quelle différence entre lire et proclamer…» Après l’explication, place à la démonstration. Cela intéresse les fidèles.
Des chantiers, Henri Schwery en a entrepris beaucoup durant sa vie. La collection «Cardinal Henri Schwery», aux éditions Saint-Augustin, se vend mal aujourd’hui. Les deux derniers livres prévus, dont un à propos de l’Eucharistie, ne seront jamais publiés. «Je ne l’achèverai pas. Cela m’aurait beaucoup plu», lâche-t-il, un brin de déception dans la voix.
Cent à cent vingt conférences, sur des sujets divers comme «Ethique et énergie nucléaire», ou des retraites spirituelles, sommeillent sur le disque dur de son ordinateur. Philosophe quant à leur sort, le prélat se dit: «Si il y a des choses vraiment intéressantes, peut être que quelqu’un en fera usage après ma mort».
Mais l’homme reste aussi un scientifique. Après avoir quitté sa fonction d’évêque en 1995, il développe un programme biblique. «Au moment où j’ai commencé, on ne trouvait rien sur le marché. J’avais scanné la totalité de l’Ancien Testament. Ensuite, j’ai créé un programme de manière à retrouver à partir d’un verset le texte, ou à partir d’un mot son verset». Travail de bénédictin, que la technique actuelle épargne.
De Rome, le prélat conserve des histoires croustillantes, comme sa première rencontre personnelle avec Jean Paul II, lors de la visite ’Ad limina’ des évêques suisses. Sur son bureau, le Saint-Père n’avait pratiquement rien: une petite horloge, un crucifix et un gros atlas, ouvert sur la page de la Suisse. Après l’avoir invité à s’asseoir près de lui – «on se touchait quasiment les genoux», précise le cardinal – Jean Paul II le regarde et lui dit: «Alors Sion, c’est là! Et vous, comment ça va?» Aucune question sur l’état du diocèse. Au fond, une seule chose intéressait le pape: «Qui es-tu?» Une seule question: «Comment vis-tu?» «C’est absolument inattendu, commente le dignitaire valaisan. Il est quand même le patron de l’Eglise».
Quant au cardinal Ratzinger, Henri Schwery a une expérience toute différente de la vision d’un Allemand sévère et figé. Le sésame pour rencontrer un dignitaire de la curie romaine, c’est le rendez-vous planifié longtemps à l’avance. «Chez Ratzinger, je me suis présenté je ne sais combien de fois, sans rendez-vous. Je sonnais à la porte. S’il était là, il me recevait». «Un accueil et une ouverture extraordinaire», commente son frère dans l’épiscopat avec affection. Et de confier: «C’est le seul cardinal de la curie face auquel je me sentais comme un frère. Chez Ratzinger, il y a le style».
Henri Schwery a aussi un style bien à lui. Tout de noir vêtu, la croix pectorale dans la poche de sa chemise col romain, un anneau discret à l’annulaire. Difficile de voir un prince de l’Eglise, dans le seul Valaisan promu cardinal après Matthieu Schiner. L’homme est simple et attachant. Sans cérémonie, il évoque ses nombreuses hésitations jusqu’à l’âge de 24 ans et ses souffrances. Puis le sursaut, le jour de son ordination, lorsque Mgr Nestor Adam lui demande: «Me promets-tu l’obéissance, à moi et à mes successeurs?» «A partir de ce moment-là, je suis un homme heureux. Je ne dis pas que je n’ai pas souvent pleuré. Mais je ne me pose plus de questions en me disant: Peut-être aurais-je dû faire autre chose?»
Son style, Henri Schwery se l’est forgé dans sa promesse faite au Seigneur le 7 juillet 1957. «L’obéissance, c’est le seul chemin du bonheur», affirme-t-il. Mais à condition de la comprendre selon son étymologie latine «ob audire», «écouter». Et d’ajouter: «Ecouter quelqu’un qui vous est supérieur, parce qu’il vous aime». «Si vous avez cela dans votre esprit et que quelque chose vous coûte, précise le cardinal, vous essayez de vous représenter: Qui suis-je pour décider, moi, autrement que celui qui a autorité pour me dire ce que je dois faire?»
A l’objection que ce discours passe mal aujourd’hui, du moins auprès d’une certaines jeunesse, le cardinal se veut optimiste: «Il y a beaucoup de jeunes qui entendent très bien ce que je dis là et ils l’acceptent». S’il faut désigner un coupable, c’est «la société ambiante qui prêche le contraire. Le souci d’indépendance, le désir de faire ce que l’on veut et de dire non…»
Nostalgique? Oui, le cardinal a «la nostalgie du contact». A partir du moment où il a quitté l’évêché, Sion est devenu pour lui une ville morte, froide. «Je pouvais faire le Grand Pont, la rue de Lausanne, la gare et remonter. Il n’y avait pas un chat qui me disait bonjour, alors que les 3/4 des médecins sont mes anciens élèves et 2/3 des avocats aussi». Pour illustrer le manque de contacts dans la capitale valaisanne, l’évêque émérite rapporte avoir appris le décès d’un voisin, trois semaines après son enterrement. «J’aurais dû quitter Sion quand j’ai laissé l’évêché. Je n’ai pas su le faire, j’ai eu tort. Il faut que nos successeurs soient très libres».
A Saint-Léonard, son village, Henri Schwery a retrouvé vie. Il lui suffit d’ouvrir les volets pour s’entendre dire: «Salut Henri, as-tu bien dormi?». A Saint-Léo, proche des siens, le cardinal s’y sent bien. «Le cimetière est plein de frères et soeurs».
Ayant moissonné sa vie durant, son «Eminence» se détend en faisant les foins autour de son chalet à Vernamiège, avec une pensée pour son Seigneur. (apic/ggc)
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