La disparition de l’UCIP est «douloureuse» pour le journaliste Alexandre Le Grand Rouamba
Rome/Ouagadougou, 9 octobre 2011 (Apic) Ouagadougou, au Burkina Faso, a accueilli en septembre 2010 le 22e congrès mondial de l’Union catholique internationale de la presse (UCIP). C’était la dernière grande manifestation publique de l’UCIP, le Vatican ayant révoqué le 23 mars dernier (*) la reconnaissance canonique de cette organisation catholique internationale dont les origines remontent à 1927.
Rencontre avec le Burkinabé Alexandre Le Grand Rouamba, cheville ouvrière de ce premier congrès de l’UCIP en terre africaine, dont le thème était «Les médias au service de la justice, de la paix, de la bonne gouvernance dans un monde d’inégalités et de pauvreté».
Président de l’Union Catholique Africaine de la Presse (UCAP) et président du Comité d’organisation du 22e Congrès mondial de l’UCIP, Alexandre Le Grand Rouamba regrette la disparition de l’UCIP, qu’il qualifie de «douloureuse» pour les journalistes catholiques africains. L’Apic l’a rencontré à Rome le 30 septembre lors d’une rencontre organisée par le Conseil Pontifical pour les Laïcs (CPL), qui propose de nouveaux liens associatifs «aux journalistes qui veulent rester en communion avec l’Eglise catholique».
ALGR: Nous avons pris position le 10 septembre 2011 dans une correspondance adressée au cardinal Stanislaw Rylko, président du Conseil pontifical pour les laïcs (CPL). Dans cette lettre signée de tous les membres du bureau de l’Union Catholique Africaine de la Presse (UCAP), nous avons dit au CPL que la décision que le Vatican a prise contre l’UCIP est douloureuse pour nous, mais qu’au regard des raisons énoncées dans la lettre (que nous n’avons pu obtenir directement par l’UCIP à Genève), nous prenions acte. En clair, l’UCAP s’aligne derrière la décision du Vatican.
ALGR: Effectivement, et je dois d’abord exprimer toute la surprise de l’ensemble des membres de l’UCAP à l’annonce de la nouvelle concernant la décision du Vatican. En tant que membre cotisant de l’UCIP et ayant pris part à toutes les assemblées générales depuis 2005, je savais qu’il y avait un malaise qui couvait depuis le congrès mondial de Sherbrooke, et ce, suite à l’élection de notre sœur, Else Strivens, de l’Afrique du Sud.
Mais j’étais loin d’imaginer que le Vatican allait aller jusqu’à retirer le décret de reconnaissance de l’UCIP. S’il l’a fait, c’est qu’il a ses raisons évidentes. Il n’y a pas eu de communication des responsables de l’UCIP autour de ces échanges de courrier entre la structure mondiale et le Vatican. Même la lettre de révocation nous était inconnue jusqu’à ce que je la lise sur le site de l’Association canadienne des périodiques catholiques (ACPC). C’est là qu’en tant que président de l’UCAP et aux fins d’informer les membres, j’ai écrit au secrétaire général de l’ex-UCIP. Après un mois d’attente, je n’ai pas reçu de réponse. C’est seulement le 9 septembre qu’il m’a envoyé un semblant de réponse.
ALGR: Naturellement, l’UCAP ressent une grosse perte après la dissolution de l’UCIP. Depuis que l’Union existe, elle a fait du bien aux journalistes, aux hommes et femmes des médias, à travers ses programmes et projets, à travers sa tribune de rencontres et de brassage de cultures et d’expériences. Ce qui se vivait dans l’UCIP est extraordinaire. Le réseautage était fort et la vie dans cette «famille» apportait de nombreux avantages.
Il est dommage que cette structure disparaisse de la sorte par la faute d’un groupe. Il est inconcevable qu’on sacrifie l’UCIP sur cet autel. Je n’ai pas compris ce bras de fer entre la tête de l’UCIP et le Vatican, qui exerce une tutelle sur cette organisation. C’est un véritable gâchis. On doit beaucoup d’excuses aux membres de l’UCIP qui en sont des victimes collatérales.
ALGR: L’UCAP en tant que structure africaine a précisé dans sa lettre du 10 septembre adressée au CPL qu’elle garde la même appellation, mais qu’elle se réunira pour changer ses textes qui étaient calqués sur ceux de l’UCIP. Nous envisageons, courant 2012, de nous retrouver à Mombasa, au Kenya, pour échanger à ce propos. C’est au cours de cette rencontre que nous allons redéfinir notre démarche pour ajuster nos propres ambitions.
ALGR: Pour ce qui concerne l’Assemblée générale de l’ICOM – l’organisation qui prétend remplacer l’UCIP – à Verbania le 23 novembre prochain, la position de l’UCAP est tout aussi claire. Au terme des échanges entre membres du bureau, il a été arrêté qu’aucun représentant de l’Afrique n’y participera. Ce message a été envoyé à tous nos membres.
La raison de cette position est simple. D’abord, nous ne savons pas comment l’ICOM est née. C’est vrai que depuis quelques temps, il était question de proposer un nouveau nom pour l’UCIP. A l’assemblée générale de 2008 à Rome, rien n’a été décidé. A celle de 2009, encore à Rome, il a été décidé de remettre cette discussion à l’assemblée générale de Ouagadougou où se tenait le Congrès mondial de l’UCIP.
Là, on n’a rien décidé non plus. C’est seulement après la décision du Vatican de retirer le décret de reconnaissance de l’UCIP que l’ICOM a vu le jour. J’ai posé, par écrit, la question au secrétaire général de l’ex-UCIP qui dit que c’est au cours de l’assemblée générale de Ouagadougou qu’il a été décidé de changer le nom. Je suis ébahi !
Ensuite, nous ne pouvons pas être à Verbania parce que cette structure n’est pas reconnue par l’UCIP. Vous comprenez donc que l’UCAP ne pas y être, surtout qu’elle a pris acte de la décision du Vatican.
ALGR: Il y a bien sûr des possibilités de se mettre en réseau. C’est même nécessaire et important.
C’est en cela que l’initiative de la réunion de Rome le 30 septembre dernier est à louer. Il faut que l’on poursuive la réflexion et l’on essaye de mettre quelque chose en place, par nous-mêmes et pour nous-mêmes, au service de la profession et de l’Eglise. JB
(*) Dans une lettre signée du cardinal Stanislaw Rylko, président du Conseil pontifical pour les laïcs (CPL) à Rome, et datée du 23 mars 2011, l’UCIP se voit désormais interdire d’utiliser l’adjectif catholique dans son nom, en vertu du canon 300 du Code de droit canonique. Dans la lettre du CPL, on peut lire que le Conseil pontifical, depuis 2007, suit de très près la vie de l’UCIP et ses efforts pour résoudre la situation de crise que vit l’Union, «mais il a été nécessaire de déclarer invalide l’assemblée générale au Canada en 2007, à Rome en 2008 et il est clair que la récente (assemblée générale) au Burkina Faso est tout aussi invalide». Le cardinal Rylko accuse notamment le manque de transparence dans le rapport financier présenté devant l’assemblée de Ouagadougou et déplore finalement que l’UCIP soit «une association complètement entre les mains du secrétaire général… Les faits montrent qu’il essaie de garder son job», poursuit-il dans sa lettre en affirmant qu’en raison du manque de transparence, et de communications et d’informations «biaisées et fausses», «il a manipulé comme il le veut la vie associative de l’UCIP».
Encadré
Les origines de l’UCIP remontent à 1927, année où plusieurs journalistes français, allemands, autrichiens et suisses créent l’Office international des journalistes catholiques, afin de promouvoir un journalisme basé sur des valeurs solides. En 1930 se déroule à Bruxelles, en Belgique, le premier Congrès mondial de la presse catholique et, en 1936, naît à Rome l’Union Internationale de la Presse Catholique. Après les années difficiles de la Deuxième Guerre mondiale, l’association relance ses activités à l’occasion du congrès mondial qui s’est tenu dans la capitale italienne en 1950.
A partir de 1966, année où est adoptée la dénomination actuelle, l’UCIP s’ouvre à tous les professionnels catholiques travaillant dans le monde de l’information séculière et religieuse et, en 1987, elle fonde un Réseau international de jeunes journalistes, qui regroupe aujourd’hui des journalistes de moins de 35 ans travaillant sur tous les continents. Reconnue jusqu’en 2011 par le Saint-Siège comme organisation internationale catholique (OIC), l’UCIP était membre de la Conférence des OIC. En tant qu’ONG, elle possède un statut consultatif auprès de l’ECOSOC et de l’UNESCO.
Dans le répertoire des associations internationales de fidèles du Conseil pontifical pour les laïcs à Rome, l’UCIP déclare que pour atteindre ses objectifs, elle «privilégie la fidélité au magistère de l’Eglise et la collaboration avec d’autres organisations internationales de journalistes, confessionnelles ou non confessionnelles». Le site internet de l’UCIP – www.ucip.ch – est désormais désactivé. (apic/be)
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse