Zurich: Vers une «troisième voie» de reconnaissance pour l'islam?
La conseillère d’Etat socialiste zurichoise Jacqueline Fehr a envisagé, le 19 novembre 2019, la mise en place d’une «loi sur les communautés non reconnues dans le canton», rapporte la presse zurichoise. Un projet qui concernerait la communauté musulmane, qui s’est réjouie de cette avancée, mais également la communauté orthodoxe.
Zurich veut être ainsi le premier canton de Suisse à examiner la possibilité d’une base juridique pour les communautés religieuses non reconnues, selon le quotidien de Winterthur «Der Landbote».
Les prédicateurs de haine et les femmes portant la burqa polarisent le débat public sur l’islam en Suisse. Pourtant quelque 100’000 musulmans vivent paisiblement dans le seul canton de Zurich, dont la plupart viennent de Turquie et des Balkans. Ils possèdent en majorité un passeport suisse. L’islam a en effet pris ses racines en Suisse, ce qui pousse à trouver un système de reconnaissance juridique pour ces communautés minoritaires mais néanmoins significatives. A l’instar des Eglises chrétiennes orthodoxes qui comptent, quant à elles, 40’000 membres dans le canton.
Rappelons que l’Eglise catholique romaine dans le canton de Zurich, gonflée par l’immigration dès la fin du 19e siècle, mais restée longtemps en butte à de multiples formes de discrimination, n’a été reconnue de droit public qu’en 1963, lors d’une votation populaire.
Une étude du Centre Suisse Islam et Société de Fribourg
La prise de position de Jacqueline Fehr, en charge de la Direction de la Justice et de l’Intérieur, suit les conclusions d’une étude réalisée par le Centre Suisse Islam et Société (CSIS) de l’Université de Fribourg et le Séminaire de sciences des religions de l’Université de Lucerne, note le quotidien La Liberté.
A l’exclusion des Eglises réformée et catholique romaine de Zurich, l’étude s’est concentrée sur les deux autres plus grandes communautés religieuses dans le canton, à savoir les communautés orthodoxe et musulmane de Zurich, qui sont déjà dotées d’une structure faîtière. Les deux organisations faîtières manquent cependant de ressources et de structures. Toutes les activités retombent sur les épaules de quelques bénévoles.
Pas d’administrations professionnelles
Sans administrations professionnelles, comme celles dont disposent réformés et catholiques, ces communautés n’ont pas la possibilité de répondre aux attentes de la société, a déclaré Jacqueline Fehr. Souvent, il n’y a personne dans ces communautés pour fournir des informations ou du soutien. «Cela conduit à des malentendus et à des déceptions».
Les deux tiers des imams interrogés lors de l’étude déclarent prêcher en allemand ou en allemand et dans une autre langue, mais leur formation est selon les individus d’un niveau très différent, a relevé Hansjörg Schmid, directeur exécutif du Centre Suisse Islam et Société (CSIS) de l’Université de Fribourg.
Les imams intéressés par une formation continue
Ils sont très intéressés par la formation continue et les certifications de qualité. Mais l’acceptation sociale est plus importante pour eux que le soutien financier pour leurs services de pastorale, de travail auprès des jeunes et de conseil.
Les structures de ces communautés, même non reconnues, suscitent les mêmes attentes que les religions qui jouissent de la reconnaissance de l’Etat: leurs membres en exigent des prestations et le grand public des réponses. Ces faîtières ne sont de plus pas professionnalisées. L’Association des organisations musulmanes de Zurich (VIOZ) ne compte qu’un poste à 20%.
Des critères exigés
Une loi sur les communautés religieuses non reconnues pourrait faciliter le renforcement de ces structures faîtières, a assuré Jacqueline Fehr. Si le projet est accepté, il s’agirait d’une première en Suisse et d’une «troisième voie» de reconnaissance. En Suisse, la plupart des cantons ont reconnu de droit public les Eglises protestantes réformées et catholique romaine. Six cantons ont reconnu d’intérêt public leur communauté israélite (Bâle-Ville, Fribourg, Saint-Gall, Berne, Zurich et Vaud) et seul Bâle-Ville a reconnu une communauté musulmane, en l’occurrence la communauté alévie, rapporte le Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC).
Les contours de la future loi, notamment les critères pour qu’une communauté soit inscrite, ne sont pas encore fixés. Ses contours en seront reconnus en été 2020. S’ensuivra un processus de consultation avec tous les acteurs concernés. La communauté musulmane zurichoise s’est d’ores et déjà réjouie de cette forme de reconnaissance. (cath.ch/liberte/landbote/rz/be)