Les LGBTQI auront leur carré dans le cimetière de Zurich
Les LGBTQI auront bientôt leur propre carré dans le cimetières zurichois de Sihlfeld. Unis dans la vie, beaucoup souhaitent l’être aussi après la mort, indiquent les associations qui ont lancé le projet. Pour elles, il ne s’agit pas d’un acte de démarcation.
swissinfo / traduction adaptation Maurice Page
Dans un secteur du plus grand cimetière public de la ville de Zurich, qui occupe une surface de 280’000 m2, un espace funéraire sera aménagé dès septembre 2023 pour les personnes LGBTQI, rapporte swissinfo.
Le projet «Regenbogen-Ruhe» a été lancé il y a un an et demi par plusieurs organisations queer, avec l’intention d’offrir aux personnes de la communauté LGBTIQ un lieu de repos final. Il est le premier carré en Suisse créé pour les LGBTQI.
Il était déjà possible depuis quelques temps de se faire enterrer dans une tombe familiale en tant que couple de même sexe. Ainsi Emilie Lieberherr (1924-2011), femme politique zurichoise engagée pour les droits des femmes, a été enterrée dans la même tombe que sa partenaire Minnie, avec laquelle elle avait vécu pendant plus de 70 ans.
Il reste cependant rare de lire les noms de deux femmes ou de deux hommes sur des tombes familiales, explique Bettina Burkhardt, membre du groupe de travail «Regenbogen-Ruhe». «Notre génération et les générations qui nous ont précédés ont grandi dans un environnement très conservateur, où l’homosexualité était naturellement taboue. Beaucoup n’étaient pas acceptés par leur famille ou étaient même complètement exclus».
«La mort se rapproche et nous avons déjà dû dire adieu à des amies proches. C’est ainsi qu’est né chez beaucoup le besoin d’avoir un lieu où l’on peut pleurer ensemble ceux qu’on aime. On veut reposer comme on a vécu», poursuit-elle.
Ouvert à tous
La ville de Zurich offre déjà différentes tombes ›thématiques’. Par exemple, une parcelle pour les personnes qui souhaitent être enterrées avec leurs animaux de compagnie ou les tombes «Rebstock» (la vigne), qui se trouvent dans un champ en terrasse avec une prairie maigre, des haies d’ifs et des bouleaux suspendus. La parcelle pour les personnes LGBTQI se rattachera aux autres tombes ›thématiques’.
Bien que son nom soit «Arc-en-ciel», la parcelle funéraire ne sera en principe pas réservée à la communauté LGBTQI. En effet, l’ordonnance cantonale sur les cimetières prévoit certes que les communes peuvent aménager des carrés spéciaux pour les membres d’une communauté religieuse. En revanche, elle ne prévoit pas de réserver de carrés pour d’autres groupes d’intérêt.
Le carré thématique «Arc-en-ciel» offrira pour l’instant environ 30 places, mais pourra être étendu à plus de 100.
Démarcation ou acte de visibilité?
L’annonce du projet «Regenbogen-Ruhe»a suscité nombres de réactions et de commentaires. Une des principales objections concerne le fait d’apporter des revendications politiques dans un cimetière. Une seconde relève le paradoxe de voir des personnes qui voulaient être acceptées par la société s’en démarquer ainsi après leur mort.
Pour Bettina Burkhardt, il est important que les formes de vie LGBTQI puissent rester visibles au-delà de la mort. Selon elle, les cimetières sont le reflet de la société. «Le fait que nous ayons enfin pu obtenir récemment plus de droits dans des domaines importants est un progrès. Mais l’égalité des droits ne signifie pas encore l’égalité d’acceptation. Nous ne serons vraiment reçues dans la société que lorsque nous ne serons plus confrontées à la haine et à la critique à cause d’un projet de cimetière».
Ouvert à partir de septembre
Le carré thématique «Arc-en-ciel» à Sihlfeld n’est qu’une partie du projet «Regenbogen-Ruhe». A l’avenir, les initiatrices souhaitent également publier sur leur site internet les biographies et les lieux de repos des personnes queer décédées. En outre, des manifestations commémoratives seront organisées et des informations sur les services liés à la mort seront mises à disposition des personnes queer. Un fonds a été créé à cet effet.
L’ouverture du carré LGBTIQ est prévue en septembre. Les réservations sont déjà acceptées par l’administration du cimetière depuis juillet. Le coût de la concession d’une tombe s’élève à 2’000 francs pour 20 ans – et à 2450 francs pour les personnes domiciliées en dehors de Zurich. En contrepartie, la ville prend en charge l’entretien de la tombe. Le service horticole du cimetière a prévu de garnir la tombe de plantes aussi colorées que possible. Elle doivent ainsi être visibles ainsi comme tombes arc-en-ciel. (cath.ch/swissinfo/mp)