Un mémorandum critique adressé au chef de l’Etat en est la cause
Zaïre: le torchon brûle à nouveau entre les évêques et Mobutu (090490)
Kinshasa, 9avril(APIC) Le torchon brûle à nouveau au Zaïre entre le président Mobutu et l’Eglise catholique du pays. Un mémorandum du Comité permanent des évêques transmis au chef de l’Etat dans lequel les évêques formulent de dures critiques contre le régime de Mobutu a été très mal pris
par ce dernier qui a décidé d’exclure les évêques de «la consultation nationale sur la situation générale du pays» initiée il y a trois mois par
lui-même.
Le mémorandum des évêques du Zaïre, élaboré dans le cadre de leurs assises, visait précisément à donner la contribution de l’Eglise catholique à
cette consultation générale. Le texte en question est signé par 12 évêques,
tous membres du Comité permanent. «De par sa nature, expliquent les évêques, l’Eglise n’est inféodée à aucun système politique donné et n’a pas
une compétence particulière en matière politique. Mais, mère et éducatrice
des peuples, l’Eglise a mission de former et d’interpeller les consciences
individuelles et collectives».
Dans leurs critiques, et tout en faisant allusion aux changements en Europe de l’Est, les évêques s’en prennent directement au système politique
en vigueur au Zaïre qui «a emprunté aux pays de l’Est bon nombre de concepts, de structures et de pratiques». Et de poser la question: «Le Parti
en est-il encore un, du moment que tous les Zaïrois en sont obligatoirement
membres?».
«Le mal est à la racine, et non pas en surface», estiment les évêques
qui précisent que la crise des structures de l’Etat «réside dans un système
politique hybride». Le mémorandum, peu goûté du chef de l’Etat, se termine
par un certain nombre de propositions: «Les réformes à envisager dans le
système politique se doivent de promouvoir les vraies valeurs culturelles
du pays; garantir les droits fondamentaux et les libertés inhérentes à la
dignité de l’homme; assurer la participation de tous, non seulement à l’exploitation des richesses, mais encore à la jouissance des fruits de l’effort commmun.
Eglise «contestatrice»
L’Eglise catholique zaïroise, connue pour être «contestatrice», compte
près de 18 millions de fidèles sur les 36 millions d’habitants au Zaïre.
Son influence dépasse largement ce chiffre. Et de toutes les Eglises
d’Afrique, elle est l’une de celles qui ont connu, depuis l’indépendance,
l’africanisation la plus poussée. Cette inculturation se traduit entre autres dans l’existence du rite zaïrois reconnu par Rome.
Ce n’est pas la première fois que le torchon brûle entre le président
Mobutu et l’Eglise. Depuis 18 ans, cette dernière dénonce le «mal zaïrois»
et est une opposition au régime Mobutu. Le premier conflit date du reste de
1972 lorsque la revue «Afrique chrétienne» publie un éditorial virulent
contre la nouvelle politique «d’authenticité» du président Mobutu. La crise
est à ce point aiguë que le cardinal Malula, archevêque de Kinshasa, décédé
l’an dernier, sera rappelé pour cinq mois à Rome. Nouvelle flambée deux ans
plus tard, en 1978, lorsque le gouvernement zaïrois décide unilatéralement
de supprimer les prénoms chrétiens, la presse et les mouvements de jeunes
chrétiens. Toujours la même année, après la guerre du Shaba, les évêques,
dans une lettre pastorale, écrivent qu’au choix des armes ils préfèrent celui des valeurs oubliées comme «le sens du bien commun et de la justice, la
solidarité ou encore l’intégrité morale».
Avec la venue du pape au Zaïre en 1980 puis en 1985, les tensions Eglise/Etat vont quelque peu diminuer. Cette période, dite de réconciliation,
prendra néanmoins fin en 1988 avec une nouvelle prise de position des évêques zaïrois qui ne vont pas mâcher leurs mots en la circonstance: «De petits fonctionnaires rançonnent le peuple pour le compte de leurs chefs et
sont à l’abri de toute sanction», peut-on lire dans une nouvelle lettre pastorale, qui s’ajoute aux critiques contenues dans le mémorandum d’aujourd’hui. (apic/dia/lc/pr)