Yémen: appel de Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie du Sud
Atterré par la situation humanitaire au Yémen, un pays en guerre depuis 2015, Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie méridionale, appelle à l’ouverture urgente de couloirs humanitaires sûrs pour acheminer de l’aide à une population exsangue, menacée par une famine dramatique.
Le capucin suisse tire la sonnette d’alarme au vu de l’inquiétante dégradation des conditions sanitaires et alimentaires de ce pays situé à la pointe sud-ouest de la péninsule d’Arabie, qui plus est le plus pauvre des pays arabes. Le Yémen fait actuellement face à la plus grande crise humanitaire que le monde ait jamais connue, avec plus de 24 millions de personnes, dont plus de 12 millions d’enfants – environ 80 % de la population – qui ont besoin d’aide humanitaire. Ce cri d’alarme, lancé par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) est repris par Mgr Paul Hinder.
Près de six années de guerre civile
En charge du vicariat apostolique d’Arabie du Sud AVOSA (couvrant les Emirats arabes unis, Oman et le Yémen), Mgr Hinder est également à titre intérimaire à la tête du vicariat apostolique d’Arabie du Nord AVONA (Koweït, Bahreïn, Qatar et Arabie saoudite), depuis le décès de Mgr Camillo Ballin, le 12 avril 2020.
La possibilité d’éviter que la famine ne décime la population du Yémen s’amenuise. Elle est durement éprouvée par près de six années d’une guerre civile qui oppose principalement la fraction gouvernementale appuyée par l’Arabie saoudite aux rebelles houthistes, soutenus par l’Iran, sans oublier le conflit entre le gouvernement et les séparatistes du Conseil de transition du sud (STC), en principe alliés contre les rebelles houthistes. Un conflit qui représente une «guerre dans la guerre» et ajoute à la destruction du Yémen.
La pire crise humanitaire au monde
Pour l’ONU, la crise humanitaire que vit ce pays est la pire au monde: la malnutrition pourrait atteindre des niveaux records, avec cinq millions de personnes touchées dans les six premiers mois de 2021. La crise alimentaire sans précédent, causée avant tout par le conflit, est aggravée par la pandémie de Covid-19, la hausse record des prix des denrées alimentaires dans le sud du pays et l’embargo sur les importations de carburant qui a frappé le nord.
Selon le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM), l’UNICEF et l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’insécurité alimentaire concernera à terme la moitié des 30 millions d’habitants.
La paix est encore trop lointaine
«Ces nouvelles sont exactes, même si tout le pays n’est pas dans la même situation, cela dépend un peu des régions et des zones de conflit. Mais il y a la faim, les maladies, l’insécurité, les mouvements internes, les migrations internes, avec les problèmes qui en découlent. Il y a la violence, qui demeure, même si l’on cherche un chemin vers la paix, qui est encore trop lointaine, mais au moins pour un cessez-le-feu», explique Mgr Hinder à Vatican News.
Il y a quelques jours seulement, le pape François a parlé de la nécessité de ne pas glisser vers la culture de l’indifférence et de ne pas ignorer cette partie de l’humanité dont les droits sont ignorés et violés. «C’est le cas au Yémen!»
Appel aux puissances internationales pour mettre fin au carnage
Le Yémen est proche géographiquement de pays très riches, mais le pays lui-même est un «très pauvre, rendu pauvre, maintenu pauvre, et maintenant il y a la faim. C’est un scandale et je ne peux que demander, même aux puissances internationales, de tout faire pour réduire au moins cette misère, même s’il ne sera pas possible de la résoudre d’un jour à l’autre», lance le capucin suisse, à la tête du vicariat apostolique d’Arabie depuis le 21 mars 2005.
Le Yémen a besoin de nourriture, pour une question de survie, martèle Mgr Hinder, mais le problème est cependant de savoir comment faire parvenir l’aide aux personnes dans le besoin. «Il faut d’abord ouvrir des couloirs sûrs pour faire passer l’aide venant de l’extérieur, sans quoi il est difficile d’intervenir. Le reste du monde a de l’argent, et il y a aussi de nombreuses agences prêtes à aider, mais le principal problème est de savoir comment se rendre aux endroits où il faut arriver. Sans la collaboration des parties impliquées dans la guerre et des puissances internationales, il sera difficile d’obtenir un résultat positif».
Appel à la prière et à la solidarité
Interrogé par Vatican News sur l’espoir des chrétiens yéménites à l’approche de Noël, Mgr Hinder souligne qu’ils ont simplement besoin de solidarité au niveau mondial. «Mais ils ne veulent pas être traités séparément, parce qu’ils partagent la misère des autres, et – peut-être même un peu moins – celle de certains Yéménites qui se trouvent vraiment, il n’y a pas d’autre expression, dans la misère. Mais, bien sûr, il faut prier et ne pas les oublier, non seulement dans la prière mais aussi dans notre solidarité».
Ces derniers mois, l’aide humanitaire a connu une baisse significative. Au lieu des 3,4 millions de dollars demandés par l’ONU, le Yémen en a reçu à peine 50%. Plus de 24 millions de personnes dépendent d’une forme d’aide humanitaire. «Le monde ne peut pas rester sans rien faire alors que le Yémen glisse vers la famine et que des millions d’enfants et de familles vulnérables souffrent de la faim», explique la directrice générale de l’Unicef, Henrietta Fore. Selon elle, un nombre important d’enfants risque de mourir sans que des mesures urgentes soient prises. (cath.ch/be)
Les enfants vivent un enfer au Yémen
Depuis l’escalade du conflit en mars 2015, le Yémen est devenu un enfer pour les enfants du pays, souligne l’UNICEF. Désormais, avec la propagation du COVID-19, le Yémen est confronté à une situation encore plus urgente et plus dramatique. L’assainissement et l’eau potable sont rares. Seulement la moitié des établissements de santé fonctionnent, et beaucoup qui restent opérationnels manquent d’équipement de base comme des masques et des gants, sans parler de l’oxygène et d’autres fournitures essentielles pour traiter le coronavirus. De nombreux agents de santé ne reçoivent ni salaires ni incitatifs.
Dans le même temps, les taux de malnutrition aiguë chez les enfants de moins de cinq ans sont les plus élevés jamais enregistrés dans certaines parties du Yémen, avec plus d’un demi-million de cas dans les districts du sud, selon une analyse publiée en octobre 2020.
De plus, poursuit l’UNICEF, de nombreux enfants continuent d’être tués et mutilés dans le conflit, tandis que les dommages et la fermeture des écoles et des hôpitaux ont perturbé l’accès à l’éducation et aux services de santé, laissant les enfants encore plus vulnérables et les privant de leur avenir. JB
De la Suisse à la Péninsule arabique
Mgr Paul Hinder est né le 22 avril 1942 à Lanterswil-Stehrenberg, dans le canton de Thurgovie. Frère capucin, il a été ordonné prêtre le 4 juillet 1967. Il a été ordonné évêque le 30 janvier 2004, avant d’être nommé vicaire apostolique d’Arabie le 21 mars 2005, succédant à Mgr Giovanni Bernardo Gremoli, également capucin, qui avait démissionné pour raison d’âge. Lors du partage de la Péninsule en deux vicariats, Mgr Hinder est devenu vicaire apostolique d’Arabie du Sud le 31 mai 2011, avec pour siège la cathédrale St-Joseph, à Abou Dhabi. JB