Washington dénonce la campagne «génocidaire» de Daech en Irak et en Syrie

Washington s’engage pour la protection des groupes religieux minoritaires menacés au Moyen-Orient par Daech, l’Etat islamique, affirme le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson dans la préface du rapport annuel du Département d’Etat sur la liberté religieuse dans le monde.

Le chef de la diplomatie américaine parle d’une campagne «génocidaire» menée par les terroristes islamistes contre les yézidis, les chrétiens et les musulmans chiites dans les régions qu’ils contrôlent en Irak et en Syrie.

«Une valeur américaine chérie»

Rex Tillerson a précisé, en présentant le 15 août 2017 le rapport sur la liberté religieuse dans le monde, que «la liberté religieuse est une valeur américaine chérie et un droit humain universel». Le secrétaire d’Etat américain affirme que Daech est aussi responsable de crimes contre l’humanité et d’épuration ethnique visant les mêmes groupes, et dans certains cas, également des musulmans sunnites, des Kurdes et d’autres minorités.

«Près de 80% de la population mondiale est confrontée à des restrictions ou des actes hostiles qui limitent sa liberté religieuse», a déclaré le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson en présentant le rapport à Washington. Il a promis d’agir contre ces situations.

Défendre les idéaux de la liberté religieuse

Depuis l’adoption par le Congrès américain de la loi sur la liberté religieuse internationale de 1998 (International Religious Freedom Act ou IRFA), le Département d’Etat documente l’état de la liberté religieuse dans près de 200 pays à travers le monde. Il fait part au Congrès des «violations et abus commis par des gouvernements, des groupes terroristes et des individus». Par l’adoption de l’IRFA, le Congrès a établi que la liberté religieuse «est à la base même de l’origine et de l’existence des Etats-Unis (…) Plusieurs des pères fondateurs de notre nation ont fui les persécutions religieuses à l’étranger, chérissant dans leurs cœurs et dans leurs esprits les idéaux de la liberté religieuse».

L’ambassadeur Michael Kozak, conseiller principal au Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail du Département d’Etat américain,  qui rédige le rapport, a affirmé lors d’une conférence de presse le 15 août que le rapport était utilisé pour créer une banque de données pour aider le gouvernement américain dans ses décisions.

«Daech est en train d’être vaincu»

Michael Kozak, tout en admettant que les conditions qu’affrontent de nombreuses personnes restent critiques, a assuré qu’il y avait «des signes d’espoir pour le futur», car «Daech est en train d’être vaincu», ce qui permet aux minorités religieuses dans de grandes parties de l’Irak de retourner dans leurs villes et villages libérés». Le prochain challenge, souligne-t-il, est de s’assurer qu’ils aient la sécurité et que leurs maisons soient reconstruites.

Ces quinze dernières années, surtout depuis l’invasion de l’Irak par les Américains en 2003, le nombre des chrétiens en Irak est passé de 1,2 million à 250’000. «Il y a un consensus grandissant en ce qui concerne la nécessité d’agir, les actions génocidaires de Daech ont affaibli la communauté internationale en ce qui concerne les menaces pesant sur les minorités religieuses», a poursuivi Michael Kozak.

Des jugements au gré des intérêts géostratégiques des Etats-Unis

Comme chaque année, plusieurs pays sont mis au pilori, au gré des intérêts géostratégiques des Etats-Unis, comme l’Iran qui «continue de condamner à mort des personnes au nom de lois vagues sur l’apostasie», mais Israël échappe à la critique. Rex Tillerson s’en est également pris à la Chine où «le gouvernement torture, arrête et incarcère des milliers de personnes pour avoir pratiqué leurs croyances religieuses».

Le Pakistan, «où plus d’une vingtaine de personnes sont dans les couloirs de la mort ou emprisonnées à vie pour blasphème», est mentionné. Un autre pays allié, comme l’Arabie Saoudite, où la liberté religieuse est totalement inexistante pour ceux qui sont d’une autre confession ou n’adoptent pas l’islam wahhabite rigoriste, est par contre relativement épargné cette année. Le rapport note du bout des lèvres que son «gouvernement ne reconnaît pas le droit des non musulmans à pratiquer leur religion en public».

L’Arabie saoudite relativement épargnée

Pourtant dans le rapport sur la liberté religieuse dans le monde 2014, rédigé par le même Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail, le Département d’Etat était plus explicite, en écrivant qu’en Arabie saoudite «la liberté religieuse n’est pas reconnue ou protégée en droit» et que le gouvernement a fait exécuter des individus pour sorcellerie et «magie noire», sans parler des sanctions contre les personnes accusées de blasphème ou d’apostasie, ou encore d’avoir violé les valeurs islamiques, insulté l’islam ou pratiqué des activités «immorales».

L’Observatoire de la Liberté Religieuse de l’organisation catholique internationale «Aide à l’Eglise en Détresse» (AED) rappelle qu’en Arabie saoudite la conversion de l’islam à une autre religion est un acte d’apostasie et légalement passible de la peine de mort. Le blasphème contre l’islam sunnite est passible de la même peine. L’importation et la distribution de matériel à contenu religieux non islamique sont illégales de même que le prosélytisme, que ce soit par des Saoudiens ou des étrangers. La construction de lieux de culte non-musulmans est interdite. L’expression en public de religions autres que la religion officielle de l’Etat est interdite.

Silence sur la situation en Israël et dans les territoires palestiniens occupés

En avril dernier, la Commission américaine pour la liberté religieuse dans le monde (USCIRF), une commission indépendante et bipartisane distincte du Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail (DRL) du Département d’Etat, portait une nouvelle fois un jugement sévère sur la situation religieuse dans de nombreuses régions du monde. Mais la majorité de cette commission – qui n’est que consultative – a toujours refusé d’aborder la situation en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.

Pour Washington, la liberté religieuse est pour tous, excepté pour les Palestiniens

Ce grave biais dans le jugement sur la situation de la liberté religieuse dans le monde a jeté une ombre sur le travail de cette commission, à tel point que James J. Zogby, vice-président de l’USCIRF, de confession catholique maronite, est intervenu dans les médias pour dénoncer cette volonté de camouflage.

Un oubli volontaire

En mai dernier, il a publiquement déploré que le vice-président Mike Pence ait parlé de façon éloquente de l’engagement américain en faveur de la liberté religieuse dans le monde, mais «ce qu’il aurait pu dire, c’est que cet engagement s’appliquerait à toutes les personnes, à l’exception des Palestiniens».

Dans son commentaire publié dans la Richmond Times-Dispatch, James J. Zogby, qui a été nommé par le président Obama il y a quatre ans au sein de l’USCIRF, explique avoir été questionné à ce sujet par les dirigeants de 11 grandes communautés religieuses américaines et de 34 groupes chrétiens de Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem. Leur lettre déplorait que la Commission n’ait jamais abordé la question de la liberté de religion en Israël et dans les territoires occupés, «un écart manifeste». L’USCIRF a également été interpellée par Hiddush, une organisation juive qui promeut la non-discrimination et le pluralisme religieux en Israël.

Cette commission influente adresse des recommandations stratégiques au président, au secrétaire d’Etat et au Congrès, en se basant sur les normes figurant dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et autres documents internationaux. (cath.ch/uscirf/ state.gov/be)

Le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson présente le rapport sur la liberté religieuse dans le monde
16 août 2017 | 17:29
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 5  min.
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