Voyage du pape en Amérique latine, vers une «réconciliation historique»
Rome, 01.07.2015 (cath.ch-apic) Du 5 au 13 juillet 2015, le pape François se rendra en Equateur, en Bolivie puis au Paraguay. Un voyage sur un continent encore marqué par des années de colonisation et d’évangélisation des Amérindiens, en particulier à travers les réductions jésuites espagnoles. Le premier pape latino-américain et jésuite de l’histoire vient apporter une «réconciliation historique» au sein de son continent natal. Proche des valeurs du socialisme latino-américain, et d’une culture de défense de la «Terre mère», le pape veut rétablir la confiance des Latino-américains vis-à-vis de l’Eglise catholique.
Les jésuites, à travers l’instauration de leurs «réductions» (missions catholiques) ont joué un rôle particulièrement important dans l’évangélisation de l’Amérique latine, notamment en Bolivie et au Paraguay. Aujourd’hui, ils sont parfois critiqués pour avoir détruit une partie de la culture et des religions indiennes. Pourtant, force est de constater que les jésuites ont aussi protégé les peuples Amérindiens des chasseurs d’esclaves, chez les colons espagnols. Au Paraguay, l’évangélisation s’est accompagnée de la sauvegarde et du respect du guarani, aujourd’hui reconnue comme langue officielle au même titre que l’espagnol. En Bolivie, la Compagnie de Jésus a aussi permis de protéger le patrimoine linguistique, socioculturel et ethno-folklorique des indiens Chiquitos.
La croix et l’épée
Pourtant, certaines blessures du colonialisme restent encore ouvertes. «En Amérique latine, la croix et l’épée sont arrivées en même temps, explique ainsi Don Ariel Beramendi, prêtre bolivien de la curie romaine. L’empire espagnol a apporté la parole de Dieu, mais aussi l’esclavage et l’extermination de milliers de personnes». En Bolivie, le gouvernement a longtemps présenté l’Eglise catholique comme «un élément du colonialisme contre la culture et la religion des origines», poursuit-il.
Ce voyage en terre sud-américaine du premier pape jésuite et latino-américain de l’histoire a donc une signification particulière. «Le pape François est une figure complètement nouvelle, assure Don Ariel. Il vient aussi de notre monde. Il vient apporter un moment de réconciliation historique». La langue espagnole permettra en outre une proximité inédite entre le pape argentin et les Latino-américains. «Dans tout le continent, cette même langue nous unit, affirme Don Ariel. Nous pourrons comprendre et partager toutes les nuances de ses propos».
Proximité avec le socialisme latino-américain
En Bolivie, le président Evo Morales a longtemps été accusé de mener une politique anti-catholique. En 2009, une grande réforme constitutionnelle fait officiellement de la Bolivie un Etat laïc, et le catholicisme n’est plus la religion d’Etat. Toutes les religions – dont un grand nombre de religions andines – sont reconnues mais aucune ne doit être privilégiée. Cela n’empêche pas le président amérindien de promouvoir les rites religieux indigènes. Mais l’arrivée du pape François, latino-américain, change la donne.
En octobre 2014, Evo Morales est invité au Vatican pour une rencontre inédite de mouvements de travailleurs précaires, migrants, paysans sans terre ou personnes vivant dans des bidonvilles. Evo Morales déclare alors que ce pape est «engagé auprès de son peuple, à la pensée révolutionnaire et avec un sentiment social». En Bolivie, le 9 juillet, le pape François doit à son tour se rendre à la 2e Rencontre mondiale des mouvements populaires à Santa Cruz de la Sierra.
«L’Amérique du Sud, explique Don Ariel, vit sous l’influence du socialisme latino-américain promu par Hugo Chavez et Raul Castro». Une idéologie qui influence aussi les milieux catholiques. A tel point qu’au Paraguay, un ancien évêque catholique, Fernando Lugo, fut président d’août 2008 à juin 2012 (non sans avoir été réduit à l’état laïc par Rome en juillet 2008).
«Le socialisme latino-américain voit l’Eglise catholique avec le prisme du marxisme, regrette le prêtre bolivien, avec d’une part l’Eglise hiérarchique, et de l’autre l’Eglise du peuple, qui s’opposent entre elles. D’ailleurs, Rafael Correa – président de l’Equateur, ndlr – et Evo Morales appellent les évêques ›jerarcos’ (issus de la hiérarchie, ndlr)». Le pape François sera donc confronté au défi de rétablir la confiance entre gouvernements et épiscopats locaux, souvent en désaccord.
La «Pacha mama», Terre mère
Evo Morales est par ailleurs un grand défenseur de l’environnement. En 2009, au siège des Nations unies, à New-York, le leader bolivien demande notamment la mise en place d’un tribunal permanent sur les changements climatiques, pour traduire en justice les responsables des dérèglements climatiques. Il demande également une déclaration des Nations unies sur les droits de la Terre mère. Chez les Amérindiens, la «Pacha mama», Terre mère, est une vraie divinité.
Autant de revendications très proches de celles du pape François, dans l’encyclique Laudato Si’, qui invite notamment à accorder une attention spéciale aux communautés aborigènes, surtout lorsqu’on développe les grands projets qui affectent leurs espaces, ainsi qu’à prendre en compte leur conception de la terre comme «don de Dieu et des ancêtres qui y reposent, un espace sacré». Dans son encyclique, le pape s’attaque également au problème de l’expropriation des terres de nombreux paysans au profit de grandes multinationales, un défi commun à l’Equateur, à la Bolivie et au Paraguay. (apic/imedia/bl/mp)