Le cardinal Bechara Raï, patriarche d'Antioche des maronites | © Maurice Page
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Visite historique du patriarche maronite Béchara Raï en Arabie saoudite

Le patriarche maronite Béchara Raï va se rendre en Arabie saoudite durant le mois de novembre, en réponse à l’invitation officielle du roi Salmane ben Abdel Aziz et du prince héritier Mohammad ben Salmane, ont indiqué le 3 novembre 2017 les médias libanais.

C’est Walid al-Boukhari, le chargé d’affaires saoudien, lors d’une rencontre le 1er novembre avec le cardinal libanais, qui a transmis l’invitation «pour une visite officielle dans les prochaines semaines», selon le quotidien saoudien basé à Londres Asharq Al-Awsat.

Walid al-Boukhari a révélé que le chef de l’Eglise maronite sera reçu par le «custode des deux saintes mosquées» d’Arabie Saoudite, le roi Salmane ben Abdel Aziz, ainsi que par le prince héritier Mohammad ben Salmane.

«La première d’un chef religieux chrétien depuis… le Prophète»

«Aucune condition ne nous a été imposée concernant cette visite, a indiqué Mgr Raï dans une interview à la chaîne privée de télévision libanaise LBC. Mon rôle n’est d’ailleurs pas politique et tout le monde sait qui est le patriarche maronite». Il a souligné qu’il avait déjà reçu une invitation à se rendre à Riyad du roi Abdallah d’Arabie en 2013, mais que cette visite n’a pas pu avoir lieu «pour plusieurs raisons».

Fady Noun, éditorialiste au quotidien L’Orient-Le Jour (Photo: Jacques Berset)

Cette visite d’un jour, qui devrait avoir lieu dans deux semaines, sera «la première d’un chef religieux chrétien depuis… le Prophète», aux dires d’un historien cité le 3 novembre par le quotidien libanais francophone L’Orient-Le Jour (ORJ). Par contre, le patriarche maronite s’est déjà rendu dans les pays du Golfe, notamment au Qatar.

Un islam modéré «du juste milieu», ouvert sur le monde

Selon le journaliste Fady Noun, de l’ORJ,  le diplomate saoudien a précisé le 1er novembre que cette visite est «inséparable du nouveau cours imprimé au royaume wahhabite par le prince héritier Mohammad ben Salmane», qui a lancé un plan de modernisation à l’horizon 2030. Ce dernier, qui a commencé à prendre des mesures d’émancipation de la société, notamment des femmes, qui seront autorisées à conduire et à assister aux matches de football dès l’an prochain, souhaite un «retour à un islam modéré du juste milieu, ouvert sur le monde».

Mohammad ben Salmane a promis de faire la guerre à tout extrémisme, affirmant que cet islam modéré du juste milieu aurait «des relations normales avec les autres religions».

Difficile situation des chrétiens en Arabie saoudite

Le patriarche devait confier aussi au journaliste Marcel Ghanem, en charge du talkshow Kalam El Nass, sur la LBC, qu’il abordera avec ses hôtes la délicate question de Jérusalem et de la paix en Terre sainte.

«Dans certains milieux, on souhaite au patriarche le courage de soulever la grave question de la liberté de culte en Arabie saoudite, où l’affichage public de la croix est réprimé, pour ne rien dire du culte eucharistique, dans un pays qui abrite 100’000 Libanais, sans compter des centaines de milliers d’ouvriers asiatiques, en bonne partie chrétiens», relève l’éditorialiste Fady Noun.

Il y a encore loin de la coupe aux lèvres

La monarchie qui souhaite donner l’image d’un pays en pleine évolution garde un contrôle étroit sur la société, en particulier en matière religieuse. «L’Arabie saoudite promeut sans relâche depuis plusieurs années l’idée qu’elle s’est engagée sur la voie de la réforme, mais elle permet à des ecclésiastiques affiliés au gouvernement et aux auteurs de manuels scolaires de diaboliser ouvertement les minorités religieuses comme les chiites», estime pour sa part Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

«Ces discours de haine s’inscrivent dans le prolongement de la discrimination systématique exercée à l’encontre des membres de la minorité chiite et – dans le pire des cas – sont employés par des organisations violentes qui les attaquent».

Toujours des discours de haine

Human Rights Watch a récemment documenté des allusions péjoratives à d’autres religions, dont le judaïsme, le christianisme et le soufisme, dans les programmes d’éducation religieuse du pays. Un membre du Conseil supérieur des oulémas (Council of Senior Religious Scholars) d’Arabie saoudite, le plus haut organe religieux du pays, a répondu, lors d’une réunion publique, à une question concernant les musulmans chiites en déclarant: «Ce ne sont pas nos frères … ce sont plutôt des frères de Satan…».

La Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde (United States Commission on International Religious Freedom, USCIRF) a classé à plusieurs reprises l’Arabie saoudite comme «pays suscitant une préoccupation particulière», sa classification la plus sévère pour les pays qui violent le droit à la liberté de culte.

Persistance de graves violations de la liberté religieuse

Malgré la politique de tolérance de l’administration Trump à l’égard de l’Arabie saoudite, le rapport 2017 de l’USCIRF dénonce la persistance de graves violations de la liberté religieuse dans ce pays. La Commission juge à nouveau en 2017 que l’Arabie saoudite mérite d’être désignée comme «pays particulièrement préoccupant» (»country of particular concern», ou CPC), en vertu de la Loi sur la liberté religieuse internationale (IRFA). (cath.ch/orj/hrw/uscirf/be)

 

 

 

 

Le cardinal Bechara Raï, patriarche d'Antioche des maronites | © Maurice Page
3 novembre 2017 | 11:19
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 3  min.
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