La Vierge Marie va-t-elle réapparaître à la cathédrale de Lausanne?
Après avoir permis à la communauté catholique de célébrer une messe annuelle à la cathédrale de Lausanne, l’ancien député Jacques-André Haury veut y faire installer une statue de Marie. Un symbole œcuménique fort, 500 ans après la Réforme.
La veille de Noël, Jacques-André Haury lançait un pavé dans les eaux tranquilles des relations œcuméniques vaudoises. Dans une chronique parue dans le quotidien 24 Heures du 23 décembre dernier, il affirmait haut et fort: «Lançons une idée: celle de commander à un artiste contemporain une nouvelle statue de Marie à dresser sur le socle [du portail Montfalcon] conservé depuis le XVIe siècle».
Un geste d’unité
C’est en plein cœur du portail fraîchement restauré, sur un trumeau resté vide, que Jacques-André Haury verrait bien s’ériger la statue. «Une statue qui rappellerait à qui a été dédiée, au Moyen Age, ‘Notre-Dame de Lausanne’, écrit-il dans sa chronique. Une statue qui affirmerait que la personne de Marie, la femme qui dit oui au projet de Dieu, compte pour tous les chrétiens, protestants y compris. Une statue qui marquerait un geste œcuménique rapprochant les chrétiens de toutes confessions, sans dissimuler l’intervention de la Réforme».
A quelques jours de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, l’idée prend une signification particulière. «Ce n’est pas parce qu’on s’est battu chrétiens contre chrétiens, qu’il faut rester figés dans l’opposition», explique-t-il. Jacques-André Haury sait toutefois que sa proposition ne fait pas l’unanimité. «Il y a bien eu quelques réactions négatives dans le courrier des lecteurs de 24 Heures. Rien de bien agressif. Tout le monde ne dit pas tout haut ce qu’il pense tout bas».
«Vous rêvez en couleurs!»
Protestant engagé, politicien, médecin et délégué de l’Etat à la Commission de consécration de l’Eglise évangélique réformée vaudoise de 2008 à 2014, Jacques-André Haury n’en est pas à sa première sollicitation. Il est l’instigateur des messes annuelles, célébrées par la communauté catholique à la cathédrale de Lausanne. «Vous rêvez en couleurs», lui avait rétorqué Mgr Bernard Genoud, lorsqu’il lui avait présenté son projet. En 2004 pourtant, et pour la première fois depuis 1802, l’eucharistie était célébrée dans ce haut lieu de la Réforme.
Un geste fort qui met toutefois en exergue un point de discorde saillant. «Catholiques et protestants, nous ne pouvons pas partager la communion eucharistique». Un «crève-cœur» pour Jacques-André Haury. «’Vous pouvez communier de votre place’, m’avait dit Bernard Genoud. Mais, ça ne suffit pas! Je ne me sens pas invité par la communauté catholique. Pourquoi ne pourrait-on pas faire évoluer les choses, comme le font certaines communautés monastiques œcuméniques dans lesquelles l’intercommunion est possible?», s’interroge-t-il en soulignant la réciprocité que ce geste inaugurerait.
Son projet a-t-il réellement des chances d’aboutir? «C’est faisable, estime l’ancien député. Il faut réunir des fonds privés et lancer un concours». Les réactions négatives sont pour l’heure peu nombreuses à l’instar de celle du pasteur lausannois Arthur-Louis Hofer qui s’interroge: «S’il y a une nouvelle statue de Marie, qui empêchera certains et même plusieurs, des milliers, de s’incliner, voire de se prosterner devant elle?» (courrier des lecteurs du 24 Heures, 3 janvier 2017). Jacques-André Haury sait que sa proposition «gêne un certain nombre de protestants». En l’état, elle est susceptible d’évoluer. Si la fronde devait prendre plus d’ampleur, il peut aussi envisager de placer «une statue qui symboliserait l’œcuménisme». Rien n’est figé dans le marbre. (cath.ch/pp)