Vibrants témoignages en ouverture des 20e Rencontres Dorothée et Nicolas de Flue
La 20e édition des Rencontres Dorothée et Nicolas de Flue, du 4 au 6 novembre 2016, a débuté par une soirée «Grands Témoins», au théâtre du Martolet à Saint-Maurice. Trois personnalités, Philippe Pozzo di Borgo, Marguerite Barankitse et Ingrid Betancourt, ont témoigné de leur espérance, forgée dans leurs fragilités.
L’icône de Nicolas de Flue, référence avec son épouse Dorothée des Rencontres de Saint-Maurice, figurait sur la scène du Théâtre du Martolet, en ce 4 novembre 2016. L’influence du patron de la Suisse a été évoquée par le conseiller national Dominique de Buman. «Le génie suisse est d’unir et de rassembler», a indiqué le politicien fribourgeois, qui a vanté la culture politique de notre pays, imprégnée de l’esprit de l’ermite du Ranft. Cette alchimie particulière doit continuer à guider l’action politique, en acceptant que les idées de l’autre fécondent les siennes.
Ont suivi, durant cette soirée spéciale, des témoignages d’une forte densité humaine et spirituelle. Les invités de Nicolas Buttet, responsable de la Fraternité Eucharistein, ont rendu compte avec simplicité et conviction de leurs faiblesses et de leurs espérances, en dépit des difficultés.
La fragilité, notre condition commune
Philippe Pozzo di Borgo d’abord. Tétraplégique à la suite d’un accident de parapente, l’homme qui a inspiré le film Les Intouchables a partagé son espérance par liaison Skype depuis le Maroc. Son handicap physique – il a besoin de soins continus et se déplace en fauteuil roulant – lui a fait toucher son extrême fragilité.
Et pourtant, c’est dans le silence qu’il a trouvé la clé pour des relations plus harmonieuses. Car «être fragile, c’est partager la condition commune de l’humanité», dit-il. Une condition qu’il veut intégrer dans une société basée sur les rapports de force. Pour cet ancien grand patron, les personnes «qui acceptent leurs fragilités» détiennent des solutions.
Son handicap a fait découvrir à Philippe Pozzo di Borgo la richesse du silence: «Il faut s’abandonner, retrouver la voie de l’innocence et ainsi, notre unité, notre singularité». Blaguant sur ses «40 Glorieuses pas très glorieuses» – sa vie d’avant -, il a appris à «être passif», une attitude qui lui a fait découvrir un goût du bonheur, différent, et un sens de la rencontre plus dense.
Un amour inarrêtable
Maggy Barankitse, ensuite. La fondatrice de la maison d’enfants Shalom à Bujumbura, au Burundi, revenait de Malmö en Suède, où le pape François l’avait invitée, dans le cadre des 500 ans de la Réforme protestante. «Personne ne peut arrêter l’amour», a souligné d’emblée celle que beaucoup dans son pays ont traité de «folle».
Un amour inarrêtable… Car sa maison d’enfants a été fermée, la violence a repris le dessus dans son pays, l’obligeant à fuir. Mais «j’ai fui avec mon trésor: l’amour», dit celle qui lutte depuis l’âge de 16 ans contre les préjugés. Dès l’adolescence, elle a compris qu’elle pouvait «dire non à la guerre, à la fatalité». Comme enseignante, elle dénonce les injustices sociales, qui lui valent le surnom de «Pas question».
De surcroît, en adoptant une fillette protestante hutue du sud, elle heurte sa famille, catholique et tutsie. Mais elle accepte d’être considérée comme «atypique» pour réaliser ses rêves. Et notamment promouvoir une nouvelle génération d’enfants, comme ceux qu’elle a accueillis à la maison Shalom, hutus et tutsis réunis, sans distinction.
Main dans la main
Membre «d’un peuple qui se fait la guerre depuis 1962», elle ne juge pas les criminels, en qui elle voit des frères. Car s’il faut dénoncer les exactions, il ne faut pas accuser le criminel qui peut lui aussi faire un chemin intérieur. Pourtant Maggy Barankitse a dû s’exiler en Europe, après un mois de réclusion au Burundi dans une chambre, cachée par un diplomate. Elle a accepté son départ à l’étranger, mais avec «la conscience triomphante en la Providence».
Honorée de plusieurs prix internationaux, elle appelle à retrouver «notre sublime vocation: donner le bonheur». Et, mise en pratique immédiate, elle a fait se lever les 400 personnes présentes au théâtre du Martolet pour chanter main dans la main.
«Père, pardonne-leur…»
Ingrid Betancourt, enfin. L’ex-otage de la guérilla colombienne a parlé du pardon. Celui dont elle a témoigné envers ses ravisseurs, après plus de six ans de détention dans la jungle. «Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font»: les mots du Christ en croix, elle les a médités, comprenant que les actes malfaisants de l’autre auraient pu être les siens.
Pendant sa séquestration, la prière s’est imposée à elle dans sa solitude. Sa relation «utilitariste» avec Dieu s’est transformée en une relation d’amour, porteuse de réponses concrètes. Sa prière en est devenue «naturelle, évidente, indispensable».
La soirée «Grands témoins» s’est achevée sans question aux invités, comme de coutume aux Rencontres Dorothée et Nicolas de Flue. Mais avec la conscience que l’héritage pacifique de Nicolas de Flue était vivant. Même au prix de grandes souffrances et de profondes mutations intérieures. (cath.ch-apic/bl)