Le subside à l’assurance-maladie leur est refusé

Vaud: Des permanents de communautés chrétiennes s’estiment victimes de discriminations

Lausanne, 16 octobre 1997 (APIC) Des permanents d’organisations ou de communautés chrétiennes s’estiment victimes de discrimination. Au bénéfice de revenus modestes, ces personnes ne reçoivent pas le subside à l’assurance-maladie auquel elles auraient droit. L’Etat de Vaud leur reproche d’être «membres d’une communauté religieuse» et d’avoir délibérément renoncé à un «salaire normal». L’Office cantonal de contrôle de l’assurance-maladie (OCC), organisme indépendant mandaté par l’Etat, récuse l’accusation de «gestion anti-chrétienne» de l’octroi du subside. Enquête du Service de presse protestant (SPP).

«Il y a des fonctionnaires anti-chrétiens à l’Office cantonal de contrôle de l’assurance maladie!» Voilà ce qu’assène, fâché, Christian Coullard-Descos. Il a reçu fin juillet une lettre de l’OCC qui stipule en substance que, parce qu’il est membre d’une communauté religieuse, il n’a pas droit au subside à l’assurance-maladie. Depuis dix ans, Christian. Coullard-Descos exerce en Guinée un ministère d’animateur-jeunesse avec l’Alliance missionnaire évangélique (AME).

De retour au pays, début 97, pour un congé d’une année, il demande le subside auquel ses revenus semblent indiquer qu’il a droit. Réponse négative: il ne touchera pas la manne de l’Etat de Vaud «parce qu’il vit en communauté». Il a beau argumenter, preuves à l’appui, qu’il vit en célibataire dans un appartement loué à la cure de la paroisse réformée de St-Paul-St-Matthieu à Lausanne. Rien n’y fait. L’OCC demeure sourd à tous ses arguments.

Jean-Frédéric Schlüchter est électricien de profession. Il travaille depuis 14 ans dans la maintenance du centre de Jeunesse en mission à Burtigny, une œuvre reconnue d’utilité publique par le canton de Vaud. Marié et père de quatre enfants, il n’a pas droit au subside cantonal de l’assurance-maladie, attribué aux assurés de conditions modestes. Motif: il «vit en communauté», alors que son statut est comparable à celui d’un concierge qui résiderait sur son lieu de travail. Jean-Frédéric Schlüchter vient de recevoir un deuxième commandement de payer pour des cotisations d’assurance-maladie non réglées, dernière péripétie d’une «saga» qui dure depuis début 96.

Autre cas semblable: Luc Bader travaille en partenariat avec la Société internationale missionnaire (SIM) et le Département missionnaire des Eglises réformées romandes à Lausanne. Il a touché le subside pendant une année. Puis, début 1997, cette allocation de l’Etat tombe. Motif invoqué: «Vous vivez en communauté religieuse…» Luc Bader a beau soutenir qu’il habite avec sa femme et son fils handicapé dans un appartement ordinaire, sans aucun lien avec une communauté religieuse. L’OCC maintient son refus d’octroi du subside.

De nombreux permanents d’œuvres protestantes de sensibilité évangélique connaissent la même situation. L’Etat de Vaud leur refuse l’aide au paiement de l’assurance-maladie, une cotisation obligatoire pour tous les habitants du canton. Cette aide vise les célibataires gagnant moins de 26’000 francs l’an ainsi que les familles qui, avec un enfant par exemple, déclareraient moins de 39’000 francs de revenu. La raison du refus de ce subside: ces personnes appartiennent à une «communauté» religieuse, de plus ils ont opéré le choix de renoncer à un «salaire normal» (article 17 du règlement de la loi d’application).

Il incombe donc à leur employeur, les «communautés», de «prendre à leur charge les cotisations d’assurance-maladie au titre du devoir d’entretien qui incombe à l’œuvre». Le 31 juillet, un jugement de 11 pages du Tribunal cantonal des assurances est tombé. Il refuse le recours d’un membre de «Jeunesse en mission» qui s’attachait à prouver que ce mouvement protestant n’était pas une communauté religieuse.

Et les communautés réformées et catholiques?

Du côté de la Communauté de St-Loup, les sœurs ne semblent pas touchées par ces mesures de restriction à l’endroit des membres de communautés religieuses. En effet, soit les sœurs travaillent comme infirmières ou dans d’autres domaines et gagnent un salaire plus élevé que celui donnant droit au subside, soit elles sont en retraite.

Du côté catholique, le Père Louis Crausaz, en charge des communautés religieuses au vicariat épiscopal à Lausanne, relève que la plupart des communautés sont composées de sœurs en retraite qui bénéficient des prestations complémentaires. Les deux sœurs de l’ordre de Mère Teresa qui sont arrivées dernièrement à Lausanne ont bénéficié d’un «tarif» exceptionnel. Elles ont touché le subside sur intervention de Philippe Biéler, Conseiller d’Etat. Cela n’empêche pas une sœur, retraitée de fraîche date, de tempêter et de se dire «victime d’une discrimination». Membre d’un Ordre qui récuse la possession de maisons ou de propriétés, elle «s’est battue sans succès pendant longtemps pour l’obtention d’un subside». Il lui a toujours été refusé sous prétexte qu’elle était membre d’une communauté religieuse.

Non à l’accusation de «gestion antichrétienne»

Claude-Alain Bréa, membre de l’OCC, récuse l’accusation «de gestion anti-chrétienne» de l’octroi du subside. Il avance la longue expérience vaudoise en la matière pour disqualifier l’attitude d’autres cantons qui ne refusent pas leur aide aux employés d’œuvres chrétiennes. Selon la loi vaudoise, les membres d’une communauté religieuse n’ont pas droit au subside. Claude-Alain Bréa reconnaît toutefois que l’organisme indépendant de l’Etat qu’il dirige use de manière très extensible du terme «communauté religieuse ou apparentée». En fait, est membre d’une communauté religieuse «toute personne qui collabore à une œuvre caritative ou non et dont les activités ne sont pas rétribuées sur une base normale». Pourtant, comme le reconnaît M. Bréa, certains salariés d’œuvres humanitaires non religieuses renoncent volontairement à une partie de leurs gains à cause d’un idéal et touchent tout de même le subside à l’assurance-maladie.

A y regarder de plus près, ce qui paraît empêcher l’OCC d’accorder un subside, c’est le système de soutien personnel que connaissent plusieurs œuvres chrétiennes. Ces associations offrent une structure dans laquelle le permanent travaille en étant non pas salarié par l’œuvre, mais soutenu directement par les dons d’un cercle d’amis. Ce système, ancien, mais proche de celui qui prévaut chez les scientologues, constitue un barrage insurmontable à l’obtention de la manne de l’Etat. Cependant, que les déboutés se rassurent! Aux retraités, l’OCC ne refuse plus ses subsides. Les membres d’œuvres chrétiennes qui, tout au long de leur vie, ont choisi par idéal de gagner moins, toucheront les prestations complémentaires à l’assurance-maladie…une fois la retraite venue. (apic/spp/ba)

10 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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