Le Vatican insolite: le musée des voitures
Le musée des voitures du Vatican témoigne de l’évolution du transport pontifical. Ce «Pavillon des carrosses» se trouve sous le jardin carré de la Pinacothèque vaticane: un joli nom pour ce garage en marbre qui regroupe 14 calèches et neuf véhicules de papes et «princes de l’Eglise».
Cette vaste pièce des Musées du Vatican est occupée en totalité par une collection unique de chaises à porteurs, selles d’équitation, carrosses, voitures et papamobiles datant de 1826 à nos jours. On y trouve même un volant de Ferrari, les modèles réduits de la dernière corvette de la marine pontificale et de la première locomotive entrée au Vatican en 1932.
De la Citroën C6 de Pie XI (1922-1939) à la Renault 4L du pape François, les marques françaises sont bien représentées au pavillon des carrosses. En 2012, le PDG de Renault Carlos Ghosn offre même à Benoit XVI (2005-2013) deux Kangoo Zéro Emission, une blanche destinée à la résidence de Castel Gandolfo et une bleue pour la Gendarmerie vaticane. Avec six bornes de rechargement sur son petit territoire, le Saint-Siège met en œuvre la technologie électrique. En revanche, les voitures électriques ne permettent pas d’accélérer suffisamment en cas d’attentat et ne conviennent donc pas encore au transport du pape.
Un sacré coup de pub
Fournir un véhicule au chef de l’Eglise est un sacré coup de publicité; encore faut-il que ce dernier l’utilise. Ainsi, la toute première automobile offerte à un pape, en l’occurrence Pie X (1903-1914) en 1909, restera au garage. Ce sont des femmes qui persuadent Pie XI d’utiliser une Bianchi Tipo 15 offerte ainsi en 1922 par l’association féminine catholique de Milan (Italie). Le pape abandonne l’utilisation des voitures à cheval et aime circuler en automobile dans les jardins, nous apprend le Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège (2013, éditions Robert Laffont).
Les accords du Latran (1929) donnent l’occasion aux constructeurs occidentaux de rivaliser de magnificence pour séduire le pontife italien. La cinquième automobile du pape est une limousine américaine donnée en 1929 par les frères Graham. Elle est utilisée par Pie XI pour la première sortie d’un pape hors du Vatican depuis 1870. L’année suivante, André Citroën et Ferdinand Porsche atteignent le summum du luxe.
A l’arrivée du pape François, l’élégante berline noire a laissé la place à une Ford Focus
Le Français offre une Lictoria Sex C6 rouge bordeaux, avec un radiateur en or. L’Allemand fournit une Nürburg 460, «une merveille de technologie» selon Pie XI. Ces trois voitures, équipées d’un trône comme unique siège arrière, sont exposées dans le musée ainsi qu’une Limousine Mercedes-Benz 300 SEL de 1967. La voiture du pape est immatriculée «SCV1», pour Stato della Città del Vaticano.
Au son du requiem de Mozart et des coups de feu du Turc Mehmet Ali Agça, qui avait tenté d’assassiner Jean-Paul II (1978-2005) sur la place Saint-Pierre en mai 1981, on découvre avec émotion la papamobile Fiat Campagnola qui transportait le pontife au moment de l’attentat.
Vers plus de sobriété
Avec l’arrivée du pape François, l’élégante berline noire de ses prédécesseurs a laissé la place à une Ford Focus bleue, le modèle standard utilisé au Vatican. Pour les JMJ de 2013 à Rio de Janeiro (Brésil), le pontife s’est déplacé dans un monospace ordinaire, une Fiat Idea grise de construction locale. Après la Kia Soul lors de son voyage en Corée en 2014 et la Volkswagen Touran aux Philippines début 2015, le pape a utilisé deux Fiat 500 Lounge, version haut de gamme, lors de sa visite aux Etats-Unis d’Amérique en 2015. Toutes petites à coté de la Cadillac présidentielle, elles auraient pu renforcer la collection vaticane mais ont été vendues aux enchères au profit d’œuvres diocésaines.
Avec 300’000 kilomètres de charité chrétienne à son actif, la Renault 4L, offerte en 2013 par un prêtre de la banlieue populaire de Vérone, dépasse nettement le compteur des autres véhicules exposés au musée. Le pape François s’est rappelé avoir lui aussi conduit ce modèle sobre et bon marché, appelé Renoleta en Argentine.
Encore trois ans de travail
Velours bordeaux, boiseries à la feuille d’or, trônes et armoiries… les 14 calèches dorées du pavillon, comme la berline de grand gala de Léon XII (1823-1829), plongent à contrario le touriste dans le faste d’un autre temps. Giancarlo est l’un des quatre restaurateurs employés par le Vatican qui s’affairent autour du carrosse du cardinal Luigi Luciano Bonaparte, cadeau de son cousin Napoléon III. Il reste au moins trois années de travail pour finir tous les carrosses, confie-t-il, en montrant les peintures décollées ou rendues oranges par le vieillissement du verni.
Malgré l’ouverture du Caffè delle Carrozze en haut du pavillon, les touristes des Musées du Vatican ratent trop souvent l’entrée de cette exposition permanente instaurée par Paul VI (1963-1978) en 1973. La construction d’une entrée plus visible serait en projet. Disposant d’un ascenseur, elle permettrait également aux personnes à mobilité réduite d’admirer le luxe des carrosses d’antan et la sobriété des dernières voitures. Les souverains pontifes actuels ne roulent plus sur l’or. (cath.ch-apic/imedia/gjes/gr)