Vallon de St-Imier, une paroisse qui s’efforce de remonter la pente
Vie communautaire en recul, baisse des membres et de l’engagement… Dans le Jura bernois, la paroisse du Vallon de St-Imier est touchée de plein fouet par la sécularisation. Loin d’une fatalité déprimante, le curé modérateur Jean-Jacques Theurillat y trouve l’opportunité de mettre en place de nouvelles formes ‘de faire Église’.
La paroisse catholique du Vallon de St-Imier bénéficie d’une grande et belle église, d’une cure élégante et spacieuse, ainsi que d’un centre paroissial plutôt vaste et bien situé. Des bâtiments construits au 19e siècle et dans les années 1970, à des époques où le catholicisme était beaucoup plus dynamique dans la région.
L’infrastructure est aujourd’hui surdimensionnée pour une communauté en phase de contraction. Une réalité que Jean-Jacques Theurillat, qui reçoit cath.ch dans la cure de St-Imier, trouve inutile de dissimuler ou d’édulcorer.

«Les marqueurs principaux de la vie paroissiale, que l’on trouve plus ou moins forts ailleurs, ont ici quasiment tous disparus», souligne-t-il. Depuis déjà dix ou quinze ans, il n’y a plus de catéchiste bénévole. Les groupements et les mouvements de paroisse ont presque tous cessé. Ne reste que la Sainte-Cécile, la chorale paroissiale. «Les membres de ces groupes étaient souvent très âgés, il devenait trop lourd de maintenir des structures pour si peu de membres. Aujourd’hui, les gens n’ont plus le temps. La démarche d’engagement sur la durée est devenue plus difficile pour les jeunes générations.» Sont en outre passés par là: le Covid, les scandales des abus, les affres de la sécularisation, notamment un individualisme rampant. «Chacun est dans sa bulle, dans son univers, dans son réseau», constate Jean-Jacques Theurillat.
Une paroisse toute en longueur
L’abbé relève aussi les particularités du Vallon de St-Imier et de son histoire. Le territoire paroissial s’étend sur 25 km de long sur deux à trois de large, entre deux crêtes de la chaîne du Jura, au nord-ouest du canton de Berne. Entre La Cibourg et Sonceboz, vivent moins de 4000 catholiques pour une population d’environ 14’500 habitants. Elle compte deux églises, l’une à St-Imier et l’autre à Corgémont.
«C’est une communauté très mélangée, qui n’a pas de racines fortes en rapport à cette région»
Dans cet espace ‘filiforme’, il n’y a pas de «pôle naturel qui attire», note Jean-Jacques Theurillat. La vallée garde une industrie horlogère et mécanique assez forte, mais de nombreuses personnes vont travailler dans les centres urbains proches, principalement à La Chaux-de-Fonds, à Neuchâtel ou à Bienne.
Historiquement, le Vallon faisait partie de l’ancien évêché de Bâle. La Réforme, au 16e siècle, a fait de la région un bastion réformé. Une paroisse catholique a vu le jour dans la vallée au 19e siècle. L’église de St-Imier a été le premier édifice catholique construit après la Réforme dans la partie protestante du canton de Berne, en 1866.
Mais, lors du Kulturkampf, l’église de St-Imier a été donnée aux Vieux catholiques et pendant plus de 35 ans, de 1876 à 1911, les catholiques romains ont été privés de lieu de culte. Ces derniers ont été forcés de racheter leur église au début du 20e siècle.
Absence de noyau
Selon Jean-Jacques Theurillat, une mentalité particulière a émergé de cet héritage historique. «C’est comme si les catholiques avaient gardé l’idée qu’ici, ça n’est pas vraiment chez eux, qu’ils n’ont pas leur place.» Ce rapport ambigu face à l’histoire a comme conséquence que la communauté manque d’un «noyau local fort». Dans d’autres paroisses confrontées aux mêmes conditions, ce «noyau» permet souvent de porter des projets et de soutenir la communauté.
Très peu de paroissiens actuels sont en fait originaires du Vallon. Une très grande part des catholiques proviennent d’autres cantons ou de l’étranger. Un certain nombre sont venus dans les années 1950 et 1960 du Jura, du Valais, de Fribourg. Plus tardivement sont arrivés des Français, des Belges, des Italiens, des Portugais, des Espagnols. Et maintenant, beaucoup sont d’Amérique latine ou d’Afrique. «Donc, c’est une communauté très mélangée, qui n’a pas de racines fortes en rapport à cette région», relève Jean-Jacques Theurillat.
Contexte «post-paroissial»
Dans ce contexte «poste-paroissial» «qui ne ressemble pas aux autres», l’approche pastorale ne peut être qu’originale. Jean-Jacques Theurillat est arrivé dans le Vallon en octobre 2022 avec une grande expérience pastorale. Le lieu ne lui était pas tout à fait étranger puisqu’il avait effectué un stage comme diacre en 1991 à St-Imier. Il a ensuite passé sept ans à Moutier, également dans le Jura bernois, et onze ans dans la paroisse de Delémont. Il a été pendant 13 ans vicaire épiscopal pour le Jura pastoral.
«On voudrait avoir de splendides broderies, mais c’est impossible, sans réparer d’abord le tissu du vêtement»
Malgré ces constats, l’abbé n’a jamais perçu la situation du Vallon de St-Imier de façon négative. Il y voit plutôt une somme de défis passionnants à relever. «Il ne s’agit même pas d’évangéliser une communauté qui serait là et qui ne connaîtrait pas le message du Christ. Il faut en quelque sorte recommencer du début, remonter la pente.»
Jean-Jacques Theurillat est conscient que la communauté ne sera jamais similaire à ce qu’elle a pu être dans les décennies passées. Le premier défi étant de retrouver un dynamisme avec un nombre restreint de personnes pour le porter. Selon une métaphore textile chère au prêtre: «On voudrait bien sûr avoir de splendides broderies, mais c’est impossible, sans réparer d’abord le tissu du vêtement.»
Oecuménisme minimal
Mais face aux difficultés, l’idée d’une collaboration renforcée avec les nombreuses autres Églises chrétiennes du Vallon, notamment les réformés, est-elle à l’ordre du jour? Il existe deux célébrations communes annuelles de cinq Églises (l’Église catholique romaine, l’Église évangélique réformée, l’Église méthodiste, l’Église catholique chrétienne et une Église évangélique libre) qui sont réunies dans une «Plateforme». «Mais les autres Églises ont les mêmes problèmes que nous», explique Jean-Jacques Theurillat. Les réformés, notamment, qui étaient autrefois largement majoritaires, subissent d’importantes sorties d’Église et sont maintenant paritaires en nombre avec les catholiques. Au final, chacun reste centré sur ses propres problèmes.
Accueillir, écouter
Pour les catholiques romains, la démarche de «retissage» est encore largement sous forme de projets. A Corgémont, a déjà lieu une fois par mois un «repas pour tous» auquel tous les habitants intéressés sont invités.
«Paradoxalement, il y a des jeunes, dont on ne sait pas d’où ils viennent, qui demandent le baptême»
Le centre paroissial de St-Imier, actuellement largement sous-exploité, s’ouvrent à de nouvelles perspectives. Au sous-sol, se trouve notamment une grande salle ayant appartenu à la Mission italienne. «L’objectif est d’en faire un espace convivial, où les personnes peuvent venir prendre un temps pour se poser, échanger et où l’on écoute leurs besoins.»

Des pistes existent, notamment du côté de «Table couvre-toi!». L’association qui distribue des produits alimentaires aux plus démunis est déjà présente dans le bâtiment. «Les personnes ne viendraient pas simplement pour prendre leurs produits et repartir, il s’agirait de les accueillir, de leur proposer un café, de leur offrir un moment au chaud s’il fait froid dehors.»
Le fait que le centre paroissial soit en face de l’école primaire est aussi source d’idées. «Pourquoi ne pas proposer également un espace d’accueil pour les parents, par exemple quand ils attendent leurs enfants à la sortie de l’école?», s’interroge Jean-Jacques Theurillat.
Pastorale personnalisée
Autant d’initiatives qui permettraient déjà de reconstituer la base d’une vie communautaire qui constitue un élément essentiel de la foi chrétienne, souligne le curé. Ce tissu social effiloché demande donc une forme de pastorale «plus mobile, plus ponctuelle, plus personnalisée», remarque le prêtre.
Aussi pour s’adapter à un autre phénomène, celui-là plus réjouissant: le regain d’intérêt pour la foi des adolescents et des jeunes adultes. Une tendance déjà observée ailleurs en Europe occidentale, qui se confirme dans le Jura bernois. «Paradoxalement, il y a des jeunes, dont on ne sait pas d’où ils viennent, qui demandent le baptême. Quatre se préparent actuellement à se faire baptiser à Pâques. Nous en avions cinq l’an passé.» Ces nouveaux venus n’ont souvent pas été socialisés dans un milieu pratiquant et constituent une page est blanche. Ces cas nécessitent une approche «à la carte».
De nouvelles vocations qui donnent quoiqu’il en soit de l’espérance et qui démontrent que l’Esprit souffle toujours dans le Vallon. (cath.ch/rz)
Série: Visages de paroisses
Paroisses et unités pastorales (UP) sont les principaux lieux de vie communautaire dans l’Eglise en Suisse romande. Leur vitalité, leur créativité, mais aussi leurs défis et problèmes sont pourtant souvent méconnus. cath.ch présente de façon régulière une autre de ces façons de vivre l’Eglise ensemble.