L'abbé Valentine Koledoye, vicaire épiscopal de la région de St-Ours (diocèse de Bâle) depuis le 1er mai 2020  | © Roger Wehrli
Suisse

Valentine Koledoye: un vicaire épiscopal africain bien intégré

L’abbé Valentine Koledoye, originaire du Nigeria, est le premier Africain à assumer un poste de direction dans le diocèse de Bâle. Il explique pourquoi il est fier de cette nomination et comment ses expériences dans l’Eglise en Suisse l’ont changé.

Par Barbara Ludwig, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

Fin 2019, vous avez exprimé, dans le journal paroissial argovien Horizonte, votre fierté d’être le premier vicaire épiscopal africain de tous les diocèses de langue allemande.
Il ne s’agit pas d’une fierté centrée sur ma personne et liée au fait que je suis africain. Ce qui me rend fier, c’est que cette nomination par Mgr Felix Gmür montre à quel point la Suisse est ouverte à d’autres cultures – pas seulement l’Église catholique dans le pays, mais la société suisse dans son ensemble. A noter que les Eglises protestantes m’ont également félicité pour ma nomination.

La nomination de prêtres africains à des postes de direction est-elle rare hors du continent?
Oui. C’est pourquoi j’ai insisté sur le fait que c’était une première dans les pays germanophones. Des obstacles majeurs existent dans d’autres régions du monde. Je connais quelques nominations de ce type aux États-Unis. Mais je pense que d’autres pays pourraient s’inspirer de la Suisse en la matière.

Avez-vous déjà fait face à du racisme, dans l’Église en Suisse?
Il y a évidemment des personnes racistes partout, en Suisse comme ailleurs. Mais, personnellement, je n’y ai jamais été confronté, alors que je vis ici depuis douze ans. Je ne perçois pas les réactions négatives envers moi comme du racisme. Je ne considère pas comme racistes des comportements ou attitudes que certains pourraient voir comme tels.

Certaines choses relèvent peut-être parfois du malentendu culturel…
Je pense que mon comportement est plus lié à ma personnalité, mon caractère ou mon éducation qu’à ma culture. Ma couleur de peau ou le fait que je suis africain , selon moi, pas d’influence. Je constate que les gens sont beaucoup plus intéressés à savoir si je suis un prêtre conservateur ou progressiste.

«Aujourd’hui, je crois que le temps est venu pour que les femmes soient ordonnées prêtres»

Possédez-vous certains traits culturels que les gens apprécient particulièrement?
Je suis quelqu’un de dynamique. Je suis spontané et pas du tout intraverti. Je pense que beaucoup de personnes apprécient ça. Par exemple, il est inconcevable pour moi d’aller directement à la sacristie après la messe. Je vais vers les fidèles pour échanger avec eux. C’est quelque chose dans la mentalité africaine. En Afrique, une messe dure deux ou trois heures. Si vous deviez les limiter à une heure, les gens se demanderaient ce qui se passe.

En Suisse, la messe dure 50 minutes, ensuite nous avons dix à quinze minutes pour nous parler. Les gens aiment cela: quand un prêtre va directement à la sacristie, ils se plaignent. Je me suis adapté aux coutumes locales, mais en même temps je peux apporter les choses positives issues de mes racines africaines et de mon éducation.

Vous êtes en Suisse depuis 2008. Y a-t-il des instants où vous vous dîtes: «Maintenant, je comprends comment fonctionne cette Eglise»?
Oui. Je ne suis plus la même personne. J’ai changé d’avis sur de nombreux sujets. Par exemple sur l’œcuménisme. Quand je suis arrivé en Suisse, je ne savais pas ce que cela signifiait. Egalement sur le rôle des femmes dans l’Eglise. J’ai été élevé par ma grand-mère, que j’aime vraiment beaucoup. Elle m’a appris que nous devions traiter chaque femme comme si elle était notre propre mère.

Mais en Suisse, ce fut un choc lorsque j’ai vu pour la première fois une femme prêcher ou diriger une communauté. Aujourd’hui, je crois que le temps est venu pour que les femmes soient ordonnées prêtres. Je ne pense pas que l’Eglise puisse continuer sans les femmes.

Ce que j’aime aussi beaucoup, c’est le rôle que jouent les laïcs en Suisse. Grâce au système dual, ils ont la possibilité de s’impliquer et de participer de manière vraiment constructive.

Quels sont, selon vous, les défis de l’Église en Suisse?
L’un des plus grands défis est de savoir comment inspirer des vocations pour des femmes et des hommes qui voudraient servir dans l’Eglise.

«Ce que je ne veux pas être, c’est un vicaire épiscopal qui est toujours derrière son bureau»

Quelles seraient vos idées pour cela?
Dieu devrait me suggérer des idées (rires). Il y a beaucoup d’efforts en cours pour susciter des vocations et beaucoup de réflexions pour y parvenir, dans chaque diocèse. Le principal problème, cependant, est qu’en ce moment l’on n’entend que de mauvaises choses sur l’Eglise. Si vous voulez vendre un produit, il doit bénéficier d’une bonne image. J’aimerais travailler avec les médias pour améliorer l’image de l’Eglise.

En ce qui concerne votre nouvelle fonction: savez-vous déjà comment vous allez diriger le vicariat de la région de Saint-Ours (AG-BS-BL)?
C’est l’évêque le patron, pas moi. Mon rôle est d’être son adjoint, car il ne peut pas être partout en même temps. En tant que vicaire épiscopal, je fais le lien entre l’évêché et la région. Mon rôle est de m’enquérir des préoccupations des fidèles, qui sont transmises à l’évêque. En même temps, je fais valoir les souhaits de l’évêque dans la région.

Ce que je ne veux pas être, c’est un vicaire épiscopal qui est toujours derrière son bureau, un simple administrateur. Je reste pasteur et, comme Jésus-Christ, je dois aller vers les gens, écouter leurs préoccupations, partager leur chagrin, leur donner de l’espoir. (cath.ch/bal/kath/rz)

L'abbé Valentine Koledoye, vicaire épiscopal de la région de St-Ours (diocèse de Bâle) depuis le 1er mai 2020 | © Roger Wehrli
27 avril 2020 | 16:41
par Raphaël Zbinden
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