Valais: Dieu a-t-il sa place dans la Constitution?
«Au nom de Dieu tout puissant!». Johan Rochel, candidat à la Constituante pour l’»Appel citoyen», et l’abbé Michel Salamolard s’opposent sur la première phrase de la Constitution valaisanne. Le co-rédacteur de l’»Appel citoyen» estime que la diversité prime sur le religieux et implique une Constitution inclusive. A contrario, le prêtre valaisan pense que «Dieu est un excellent candidat à cette fonction de haut protecteur de la volonté populaire».
Du respect pour la diversité
Le Valais est en phase de transition et le mot-clef pour appréhender cette transition pourrait bien être celui de diversité. Le défi des 130 élu-es à la Constituante consiste à formuler un texte capable d’anticiper les évolutions des 50 prochaines années.
Sur le plan des croyances religieuses, deux tendances de fond semblent cruciales. D’une part, le nombre de personnes se déclarant sans confession augmente de manière particulièrement marquée. En 2000, 4% des résidents valaisans se disaient «sans confession». En 2016, ils sont 14%, et 24% en Suisse, tendance à la hausse (OFS).
D’autre part, la manière de pratiquer sa foi a profondément changé. En 2016 en Suisse, 71% des croyants participent à moins de 6 services religieux par année. Mais au-delà de l’assiduité aux offices, l’évolution pointe vers de nouvelles formes de spiritualité. Les convictions éthiques les plus importantes ne se parent plus exclusivement de formes religieuses.
Le mot-clef de diversité nous offre une base prometteuse afin d’appréhender ces évolutions. Cette diversité reflète les choix et libertés de chacun-e. A ce titre, respecter cette diversité signifie donner une juste place à la liberté de l’ensemble des citoyens.
Liberté et respect – deux valeurs clefs d’Appel Citoyen – appellent donc un Préambule aussi inclusif que possible. La Constitution est l’œuvre d’individus libres et égaux, réunis par l’ambition de poser les bases du vivre-ensemble.
Tous, dans leur diversité, doivent pouvoir se retrouver dans le message symbolique et politique du Préambule. La première phrase, qui cristallise les fondements sur lesquels la Constitution va se construire, doit à ce titre inclure et non exclure.
Dr Johan Rochel, éthicien.
La candidature de Dieu
Sous quelle autorité supérieure convient-il de placer la future Constitution valaisanne? Pour un tel poste, Dieu est peut-être le meilleur candidat. À condition de garantir son incognito.
«Pas d’accord, diront les uns, il n’y a qu’une autorité souveraine en démocratie, celle du peuple. Ni Dieu ni maître!» Mais le peuple est divers, pas unanime. La constitution, elle, s’imposera à tous, même si une minorité la refusera probablement. Impossible dès lors d’attribuer l’autorité suprême à une simple majorité chiffrée.
Ce serait la dictature du nombre. Sauf si ce peuple pouvait se réclamer d’une instance supérieure, transcendante, au nom de laquelle il aurait l’audace de s’exprimer.
Dieu est un excellent candidat à cette fonction de haut protecteur de la volonté populaire. Pour autant qu’on respecte son anonymat. Dieu, ici, n’a pas de visage ni de nom. Il n’a d’autre parole que celle du peuple. Dieu anonyme est un horizon, non une limite. Comme l’horizon, il échappe à la prise.
Placer la constitution sous pareille autorité, c’est proclamer que cette charte est sacrée, inviolable. Et affirmer du même coup la souveraineté du peuple concerné.
Les constituants feront bien toutefois de ne pas commencer par discuter la mention de Dieu. Qu’ils rédigent d’abord les valeurs et les principes dignes de figurer en tête de la constitution. Après, ils décideront de placer ou non la charte républicaine, ainsi orientée, sous l’horizon d’une autorité ultime, visée, mais non définie, par le mot Dieu.
Michel Salamolard, prêtre dans le diocèse de Sion