Unité des chrétiens: Isaac le Syrien rejoint le martyrologe romain
Très vénéré dans la tradition syro-orientale, saint Isaac de Ninive, un moine du VIIe siècle, sera introduit dans le martyrologe romain, a annoncé le 9 novembre 2024 le pape François, alors qu’il recevait Mar Awa III, le catholicos-patriarche de l’Église assyrienne de l’Orient. Une manière de marquer les liens entre l’Église catholique et l’Église assyrienne, à l’occasion de deux anniversaires importants.
Le pape François et le patriarche Mar Awa III se sont rencontrés au Vatican à l’occasion du 30e anniversaire de la Déclaration christologique commune entre l’Église catholique et l’Église assyrienne, et du 40e anniversaire de la première visite à Rome d’un patriarche assyrien.
«Je suis heureux d’annoncer que le grand Isaac de Ninive, l’un des Pères les plus vénérés de la tradition syro-orientale, reconnu comme un maître et un saint par toutes les traditions, sera introduit dans le martyrologe romain», a déclaré le pape François lors de cette audience célébrant le rapprochement entre les Églises catholique et assyrienne.
«Par l’intercession de saint Isaac de Ninive, unie à celle de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère du Christ Sauveur, puissent les chrétiens du Moyen-Orient témoigner toujours du Christ ressuscité dans ces terres déchirées par la guerre», a insisté le pape, qui avait manifesté son attention à cette Église lors de sa visite en Irak en 2021. «Que l’amitié entre nos Églises continue à s’épanouir, jusqu’au jour béni où nous pourrons célébrer ensemble au même autel et communier au même Corps et au même Sang de notre Sauveur, afin que le monde croie», a-t-il insisté.
Les diverses faces du dialogue œcuménique
Le pape a salué les effets concrets du progrès œcuméniques entre les deux Églises. Il a souligné que «le dialogue théologique est indispensable dans notre marche vers l’unité, car l’unité à laquelle nous aspirons est l’unité dans la foi, à condition que le dialogue de la vérité ne soit jamais séparé du dialogue de la charité et du dialogue de la vie: un dialogue humain et total».
François a repris à son compte un dialogue de l’évêque orthodoxe Jean Zizioulas (1931-2023), dont il était proche: «Je connais la date de l’union, je la connais. – Quelle est-elle? – Le lendemain du Jugement dernier. Avant cela, il n’y aura pas d’union, mais en attendant, nous devons marcher ensemble, prier ensemble et travailler ensemble.»
Qui était Isaac le Syrien ou Isaac de Ninive?
Isaac de Ninive, un moine et évêque de la seconde moitié du VIIe siècle, appartenait à la tradition pré-éphésienne, c’est-à-dire aux Églises de tradition assyro-chaldéenne. Né dans un territoire correspondant à l’actuel Qatar, où il fit une première expérience monastique, il fut ordonné évêque de la ville de Ninive, près de l’actuelle Mossoul (Irak), entre 676 et 680.
Après quelques mois d’épiscopat, il demanda à retourner à la vie monastique en se retira au monastère de Rabban Shabur, situé au sud-ouest de l’Iran actuel. C’est là qu’il composa plusieurs recueils de discours au contenu ascétique et spirituel qui le rendirent célèbre.
Son Église, qui n’avait pas accepté le concile d’Éphèse en 431, n’était plus en communion avec aucune autre Église. Cependant, les écrits d’Isaac de Ninive ont été traduits dans toutes les langues parlées par les chrétiens: grec, arabe, latin, géorgien, slave, éthiopien ou encore roumain. «Isaac est ainsi devenu une autorité spirituelle majeure, notamment dans les milieux monastiques de toutes traditions, qui l’ont rapidement vénéré parmi leurs saints et leurs pères», indique le dicastère pour la Promotion de l’unité des chrétiens.
«On peut espérer que l’inscription au martyrologe romain d’Isaac de Ninive, témoin du précieux patrimoine spirituel chrétien du Moyen-Orient, contribue à la redécouverte de son enseignement et à l’unité de tous les disciples du Christ (…) Elle «illustre que la sainteté ne s’est pas arrêtée avec les séparations et existe au-delà des frontières confessionnelles», précise le dicastère en charge de l’œcuménisme., s’appuyant notamment sur le paragraphe 122 du Document final du récent Synode sur la synodalité. L’exemple des saints des autres Églises est «un don que nous pouvons recevoir en incluant leur mémoire dans notre calendrier liturgique», avaient alors écrit les participants au Synode dans ce paragraphe massivement adopté, avec seulement 9 oppositions.
Se rapportant à une période beaucoup plus contemporaine, le pape François avait annoncé le 11 mai 2023, à l’occasion de la visite du pape copte Tawadros II, l’inscription au martyrologe romain des 21 martyrs, parmi lesquels 20 coptes-orthodoxes égyptiens, exécutés par Daech sur une plage de Libye en 2015.
1500 ans de controverse christologique dépassés en 1994
Pour l’audience de ce 9 novembre, le patriarche Mar Awa III était accompagné par les membres de la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et l’Église assyrienne de l’Orient, qui mène actuellement un travail sur l’importance de la liturgie dans la vie de l’Église.
L’Église catholique et l’Église assyrienne ont opéré un rapprochement formalisé par la Déclaration christologique commune, signée le 11 novembre 1994 par Jean-Paul II et le catholicos-patriarche Mar Dinkha IV, mettant fin à 1500 ans de controverse christologique remontant au Concile d’Ephèse (431). Plusieurs pas en avant significatifs ont été franchis par la suite, notamment avec la déclaration de 2001 établissant un principe d’hospitalité eucharistique entre chaldéens et assyriens.
Le pape François avait déjà reçu le patriarche Mar Awa III le 19 novembre 2022. «Ici, vous n’êtes ni un étranger, ni un invité, mais un concitoyen, mieux, un frère bien-aimé», avait alors déclaré le pape, faisant allusion aux années d’études à Rome, à l’Institut pontifical oriental, de ce patriarche qui est le premier à être issu de la diaspora assyrienne en Occident. Natif de Chicago, Mar Awa III fut ordonné évêque très jeune en 2008, à seulement 33 ans, et a été intronisé patriarche en septembre 2021, à 46 ans.
Son prédécesseur Mar Gewargis III est toujours en vie, mais il s’est volontairement retiré en 2021, à l’approche de son 80e anniversaire. Le pape l’avait reçu au Vatican en 2018, signant avec lui une déclaration sur la situation des chrétiens au Moyen-Orient, et les deux chefs d’Église s’étaient retrouvés au Kurdistan irakien en mars 2021. «Je me souviens de notre baiser chaleureux à Erbil, lors de mon voyage en Irak, au terme de la célébration eucharistique. Ce jour-là, de nombreux croyants, qui avaient connu d’énormes souffrances uniquement parce qu’ils étaient chrétiens, nous entouraient de leur chaleur et de leur joie. Le peuple saint de Dieu semblait nous encourager sur la voie d’une plus grande unité», avait confié le pape François lors de la visite du nouveau patriarche assyrien en 2022.
Près des 3/4 des chrétiens assyriens vivent en diaspora
L’Église apostolique assyrienne de l’Orient, qui se revendique de la filiation de l’apôtre Thomas, a été mise en danger sur ses terres historiques d’Irak depuis l’invasion américaine de l’Irak en 2003 et l’effondrement sécuritaire qui a suivi, particulièrement avec les attaques de Daech qui se sont intensifiées à partir de 2014. Elle compte actuellement entre 200’000 et 400’000 fidèles, parmi lesquels entre 50’000 et 100’000 fidèles vivent encore en Irak. La plus grande partie des fidèles se trouvent désormais dans la diaspora, essentiellement aux États-Unis et en Australie. (Cath.ch/imedia/cv/lb)