Comment concilier fidélité à la Bible et respect des autres cultures?
Une thèse de doctorat sur la traduction de la Bible en langue shi (220991)
Louvain-la-Neuve, 22septembre(APIC). La Faculté de Théologie et de Droit
canonique de Louvain-la-Neuve a décerné le grade de docteur en théologie à
un prêtre zaïrois du diocèse de Bukavu, l’abbé Richard Mugaruka MugarukiraNgabo. Ce dernier répond à une question souvent posée: Comment un bon traducteur de la Bible peut-il rester fidèle au texte original tout en voulant
respecter aussi la culture dans laquelle elle sera lue? La thèse de doctorat du théologien zaïrois a pour titre: «La traduction de la Bible comme
moment d’inculturation du message révélé: application à la version shi des
Béatitudes en Mt 5,1-12». La langue shi est parlée dans l’est du Zaïre.
En défendant devant le jury sa dissertation doctorale, l’abbé Mugaruka a
montré que la traduction de la Bible constitue toujours un moment particulier de l’incarnation de la Parole de Dieu dans la culture et l’histoire
d’un peuple. Judéo-chrétienne à l’origine, la Bible doit en effet être
transposée dans d’autres culturers et d’autres histoires. Ce passage d’une
culture à l’autre est à vrai dire le propre de toute traduction. Mais
s’agissant d’un texte que les croyants reçoivent comme Parole révélée, il
est intéressant de s’interroger sur les procédés et les effets de sa traduction dans une culture, qui au départ ne doit rien à l’héritage biblique.
C’est ce que l’abbé Mugaruka s’est efforcé de faire en appliquant sa recherche à la version shi des Béatitudes rapportées par l’évangéliste Matthieu (Mt. 5,1-12).
Fidélité et trangression
Dans la première partie de son étude, l’auteur s’interroge sur les procédés mis en oeuvre dans toute traduction. Il montre que toute langue est à
même d’encoder n’importe quel message, ce qui rend précisément possible le
travail de traduction. Mais il souligne aussi qu’entre deux langues, il n’y
a jamais d’équivalence totale dans les manières de s’exprimer et dans les
significations déployées. N’a-t-on pas souvent rapproché «traduire» de
«trahir» pour résumer cette difficulté?
Or, poursuit l’abbé Mugaruka, il faut accepter le défi. Une traduction
doit être fidèle à l’original, mais elle ne saurait pourtant être «un pur
décalque». La fidélité passe par une certaine «trangression». Et le bon
traducteur est même celui qui sait à la fois trangresser les règles de la
langue, de l’interprétation et de la communication.
Bien entendu, cette inévitable trangression a des implications théologiques dès lors qu’il s’agit d’une traduction de la Bible. D’abord, relève le
jeune théologien zaïrois, il est indispensable que la Bible soit traduite
si la Parole de Dieu veut être adressée à tous les peuples. A quelles conditions la fidélité sera-t-elle garantie? L’auteur de la thèse répond:
«Cette fidélité repose sur le caractère normatif de l’unique texte original, mais aussi sur la tradition ecclésiale comme lieu propre et horizon de
l’interprétation fidèle de l’Ecriture Sainte».
Du texte original au texte shi
Dans la suite de sa dissertation, l’abbé Mugaruka s’attache au cas particulier de la version shi des Béatitudes. Ce texte évangélique a été longuement étudié par un bénédictin belge, le Père Jacques Dupont, dont les
travaux font autorité en la matière. Le théologien zaïrois s’en est donc
inspiré pour manifester l’importancee mais aussi la difficulté, pour un
traducteur, de bien entrer dans le sens du texte à traduire.
Enfin dans son examen de la version shi des Béatitudes, l’abbé Mugaruka
considère que la lecture totale d’un texte n’est pas possible sans la prise
en compte de son contexte culturel et historique. Il consacre donc un chapitre à la présentation d’une vue globale du monde et de la langue shi.
Puis il examine la traduction shi sur le plan de la langue, de l’interprétation et de la communication. (apic/cip/ba)