Une interdiction incompréhensible pour l’association «Eglise et environnement»
Valais: L’évêché de Sion ne veut pas de panneaux solaires sur le toit des églises
Berne, 12 février 2013 (Apic) L’évêché de Sion ne veut pas de panneaux solaires sur le toit des églises. Il l’a fait savoir aux paroisses Ste-Marie-Madeleine à Mase, dans le Val d’Hérens, et Visperterminen, dans le district de Viège. Cette interdiction est «incompréhensible» tant pour les paroisses et communes concernées que pour «oeku – Eglise et environnement». Cette association œcuménique soutient la stratégie énergétique 2050 de la Confédération et fait la promotion des énergies renouvelables.
Dans le cadre d’une démarche de développement durable et de sauvegarde de la création – également pour des raisons économiques, le chauffage des églises étant onéreux – ces paroisses valaisannes, en accord avec les communes, voulaient installer des panneaux photovoltaïques sur le toit de leur église. De telles installations n’auraient pas porté atteinte à l’esthétique des bâtiments, mais ces paroisses devaient demander un préavis à l’évêché. En réponse, le conseil épiscopal a pris une décision de principe valable pour l’ensemble du diocèse et communiquée aux prêtres et responsables de paroisses. Elle faisait suite à une prise de position de la commission diocésaine d’art sacré (CDAS).
Préserver les lieux de culte de la «banalisation»
Pour l’évêché, «les églises et chapelles ne sont pas des bâtiments comme les autres et ont comme tels une valeur culturelle reconnue». Afin de se préserver d’»une banalisation des lieux de culte», aucune installation solaire ne doit être posée sur les toitures d’églises et de chapelles. Les paroisses concernées ne vont certainement pas en rester là, car elles ont des difficultés à comprendre l’argumentation de l’évêché.
Le projet de produire quelque 300’000 kWh, soit l’équivalent de la consommation d’une dizaine de ménages, grâce à 190 m2 de panneaux photovoltaïques sur le toit de l’église de Mase était porté par la paroisse et la commune. Contacté par l’Apic, Jean-Michel Moix, curé de Mase, Saint-Martin, Vernamiège et Nax, se montre déçu par la décision de l’évêché. C’est le conseil de gestion de la paroisse qui avait élaboré le projet en lien avec la commune. Le curé estime que le village est idéalement situé du point de vue ensoleillement. A ses yeux, cette installation sur la partie sud du toit de l’église – qui est moderne – ne porte pas préjudice à l’esthétique du bâtiment.
Le curé ne comprend pas le bien-fondé d’une telle décision, d’autant plus que le projet va dans le sens de la préservation de l’environnement, une position défendue par les deux derniers papes (*). La paroisse a d’autre part de grosses charges d’électricité et de chauffage pour les églises de Nax, Vernamiège et Mase. L’installation aurait pu ainsi soulager ses finances.
«oeku» milite pour des Eglises aux pratiques «éco-responsables»
Actif depuis 15 ans à «oeku», Kurt Aufdereggen, un Haut-Valaisan de Naters, s’occupe des pratiques «éco-responsables» des Eglises. Avant de vouloir installer des panneaux solaires, souligne-t-il, il faut d’abord évaluer les économies d’énergies potentielles, notamment par l’isolation du bâtiment et la baisse de la température de chauffage. Une vingtaine d’églises se sont déjà dotées de panneaux photovoltaïques, essentiellement en Suisse alémanique.
C’est la «Tituskirche» à Bâle qui a fait œuvre de pionnier en 1990 déjà. Kurt Aufdereggen rappelle que le projet phare de l’église catholique de Steckborn, dans le canton de Thurgovie, avait d’abord suscité un certain scepticisme. Le clocher de béton est aujourd’hui couvert de panneaux solaires, «et cela revalorise l’édifice du point de vue esthétique!»
En fin d’année dernière, le Synode des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure a décidé de créer un fonds destiné au financement d’installations solaires sur les toits des bâtiments ecclésiaux. Pendant trois ans, un quart des coûts de ces installations sera pris en charge. Il s’agit de 100’000 francs par année, de 2013 à 2015. Durant cette période, les paroisses qui souhaitent aménager des installations solaires sur des bâtiments ecclésiaux pourront compter sur un soutien financier à hauteur de 25% des frais d’investissement, ce qui permettra de soutenir environ six grandes installations ou 24 installations de taille moyenne.
Les Eglises priées de reconnaître «les signes des temps»
D’autres Eglises cantonales ont reconnu «les signes des temps», note le spécialiste des énergies renouvelables. Elles contribuent ainsi à la «sauvegarde de la création». Le nouvel «éco-fonds» de l’Eglise catholique du canton d’Argovie a pour but de soutenir des mesures énergétiques, dont la mise en place de panneaux solaires sur des bâtiments d’église, pour une somme de 1 million de francs. Un fonds similaire a été mis sur pied par les catholiques à Lucerne. Kurt Aufdereggen donne encore l’exemple de Trüllikon, dans le «Weinland» zurichois, où a été posée en septembre dernier la plus importante installation solaire photovoltaïque sur le toit d’une église en Suisse. Si le coût du projet est d’environ 200’000 francs, la vente d’électricité en rapporte 20’000 par an. L’amortissement total de l’investissement est ainsi réalisé au bout de 10 ans. La rétribution à prix coûtant par la Confédération du courant injecté (RPC) est garantie durant 25 ans. «Si ce n’est pas là l’histoire d’une réussite!…», insiste le Haut-Valaisan.
S’il admet bien volontiers qu’il ne faut pas mettre des panneaux solaires n’importe où, notamment sur des bâtiments protégés et des monuments historiques, il relève que le Valais dispose du meilleur ensoleillement de toute la Suisse. «Et c’est justement là qu’il existe désormais une interdiction générale de placer des panneaux solaires sur des églises, alors même que l’utilisation de cette énergie qui vient du ciel est souhaitée par des conseils de paroisse qui désirent une gestion durable de leurs bâtiments… ” Si le pape Benoît XVI a mis en service une grande centrale solaire sur le toit de la salle Paul VI au Vatican, se demande-t-il, «quand l’Eglise en Valais reconnaîtra-t-elle, elle aussi, les signes des temps?»
Encadré
L’église évangélique réformée «Tituskirche» à Bâle dispose de la première installation solaire sur une église en Suisse. Cette dernière a été aménagée en 1990. La vente de courant écologique rapporte à la paroisse des recettes d’environ 6’500 francs par an. Cet argent permet l’achat de réfrigérateurs fonctionnant à l’énergie solaire au Nigeria.
Le centre œcuménique de Halden/St-Gall, grâce à son installation photovoltaïque parfaitement intégrée dans le toit, produit plus de 49’000 kWh par an. Elle fournit l’équivalent de l’électricité pour 12 familles. L’»église solaire» de Halden a reçu en 2012 le Prix Solaire Suisse de l’»installation solaire la mieux intégrée». A cette occasion, la présidente de la Confédération Eveline Widmer-Schlumpf a souligné qu’au vu de l’abandon progressif du nucléaire décidé par le Conseil fédéral et de la stratégie énergétique 2050, «l’énergie solaire apportera une contribution significative à un approvisionnement énergétique propre, sûr, fortement autonome et rentable». JB
Encadré
Plus de 600 paroisses, des organisations liées à l’Eglise et un grand nombre de personnes individuelles sont membres de l’association «oeku – Eglise et environnement», créée en 1986. Aujourd’hui, «oeku» est reconnue en qualité d’organe de consultation pour les questions écologiques par la Conférence des évêques suisses (CES) et la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse (FEPS). Cette association œcuménique est placée sous la conduite d’un comité bénévole et dispose d’un secrétariat à Berne. (apic/be)