Une élection décisive pour l’Ordre de Malte
Malgré un contexte compliqué, l’élection du futur Grand Maître de l’Ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem de Rhodes et de Malte, dit «Ordre de Malte», se tiendra à Rome le dimanche 8 novembre 2020, a confirmé à l’agence I.MEDIA un responsable de l’Ordre. Les électeurs, 56 en tout, vont donc désigner le successeur de Fra’ Giacomo Dalla Torre del Tempo di Sanguinetto, décédé au printemps dernier.
Fra’ Giacomo Dalla Torre del Tempo di Sanguinetto, grand maître de l’Ordre de Malte, est décédé des suites d’une maladie le 29 avril 2020. Comme le veut la constitution de l’ordre hospitalier, c’est le grand commandeur, Fra’ Rey Gonçalo do Valle Peixoto de Villas Boas, qui a alors pris la tête de l’Ordre en tant que lieutenant intérimaire, en attendant la tenue de la réunion du Conseil d’État complet et de l’élection par celui-ci d’un successeur.
Depuis le 17 juillet, la réunion et le scrutin ont été fixés par le chef intérimaire au 7 et 8 novembre et aura donc bien lieu à cette date, malgré le contexte difficile ou encore la récente nomination du cardinal désigné Silvano Tomasi en tant que nouveau délégué général de l’Ordre de Malte. Une «bonne majorité» des 56 électeurs vont se rendre dans le prieuré de l’Ordre sur l’Aventin à Rome pour élire le nouveau Grand Maître, lequel aura la charge de la révision constitutionnelle demandée par le pape François. Les autres électeurs n’auront pas pu se rendre à temps du fait des restrictions de déplacement liées à la pandémie.
Le déroulement du scrutin
Dans la matinée du 7 novembre, une messe de Requiem doit être célébrée à la mémoire de l’ancien dirigeant Fra’ Giacomo Dalla Torre del Tempio di Sanguinetto. Puis, comme prévu par la Charte constitutionnelle de l’Ordre, les membres de première classe participant au Conseil d’État complet se réuniront – dans l’après-midi du 7 novembre – pour proposer trois candidats parmi lesquels ils devront choisir. Ce trio est appelé «terna».
Les membres participants au vote sont pour 54 d’entre eux des hommes, contre deux femmes. Ils sont originaires d’Argentine, du Pérou, des États-Unis, du Liban, d’Angleterre, de France, de Suède, d’Autriche, d’Allemagne, d’Espagne, de Pologne, de Belgique et de Suisse.
Le 8 novembre, le Conseil d’État complet de l’Ordre de Malte reprendra son programme par une messe à la basilique Santi Bonifacio e Alessio, sur l’Aventin. Puis les membres rejoindront en procession le Prieuré pour un vote à huis clos dans la «Villa Magistrale», lieu de résidence habituel du Maître de l’Ordre de Malte. Le Conseil d’État complet devra élire un Grand Maître (à vie) ou un «Lieutenant du Grand Maître» (avec les mêmes pouvoirs que le Grand Maître mais pour une période d’un an), suite à quoi le Conseil sera dissous. Le délégué général du pape, le cardinal Tomasi, assistera à cette nomination.
Une élection contestée
Dans un article du quotidien italien Il Messaggero publié le 3 novembre 2019, une lettre envoyée par plusieurs membres de l’Ordre de Malte, dont l’ancien Grand Maître Matthew Festing, demandait au cardinal Tomasi de reporter l’élection à une date ultérieure pour faire en sorte qu’un maximum de personnes puissent participer au scrutin. Il demandait sinon d’autoriser une participation numérique à l’élection, ce que la constitution actuelle ne permet pas aujourd’hui. Une requête similaire avait été envoyée à la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique quelques semaines plus tôt.
Les signataires, sept membres de l’Ordre, ont mis en avant le risque d’avoir une élection incomplète ou imparfaite, notamment du fait de la présence de trop peu de capitulaires profès, c’est-à-dire de religieux de l’Ordre de Malte. Une situation problématique, avancent-ils pour un scrutin censé désigner le chef religieux d’un Ordre lui-même religieux.
Selon l’article de la vaticaniste Franca Giansoldati, l’élection serait en fait l’occasion d’une importante lutte de pouvoir interne entre une frange de l’organisation souhaitant maintenir l’orientation religieuse de l’Ordre et une autre souhaitant accentuer sa sécularisation et son statut d’ONG. Ces tensions avaient déjà vu le jour à la suite de plusieurs scandales qui ont frappé l’Ordre souverain en 2016-2018.
Cinq années de tourmente
Des révélations sur la distribution de préservatifs par l’Ordre de Malte en Afrique avait entraîné l’expulsion d’un haut responsable de l’Ordre, Albrecht von Boeselager. Cependant, le pape François s’était impliqué personnellement dans cette affaire et avait exigé sa réinsertion. Cette affaire, ainsi que celle entourant la réception suspecte d’un héritage anonyme de plus de 120 millions d’euros, soumis à un litige devant un tribunal suisse, avaient entraîné la démission – exigée par le pape– du Grand Maître de l’époque, Fra’ Matthew Festing.
Cette crise interne s’était doublée d’une crise vaticane, avec la mise au ban du cardinal Raymond Burke en 2016, jusqu’alors Patron de l’Ordre souverain et militaire de Malte, et la nomination de celui qui était alors Substitut de la Secrétairerie d’État, Mgr Angelo Becciu, chargé par le Souverain pontife de réviser la Constitution de l’Ordre pour le rendre plus à même de répondre aux enjeux contemporains.
Un tournant pour l’Ordre ?
La mort du Grand Maître suivant en avril, combinée à la disgrâce du cardinal Becciu le 24 septembre dernier ont entraîné, semble-t-il, un temps de flottement. La nomination de l’expérimenté cardinal Silvano Tomasi à la place du haut prélat sarde et le maintien de l’élection à la date fixée devront permettre de nommer au plus vite un homme capable de mener à bien la réforme exigée par le pontife. (cath.ch/imedia/cd/rz)