Inde: Suppression des ›conseils de caste’ par le Cour Suprême

Un système judiciaire parallèle

New Delhi, 23 avril 2011 (Apic) La Cour Suprême de l’Inde a déclaré inconstitutionnels les khap panchâyats (ou ›conseils de caste’), le 19 avril 2011. Leur très forte influence – principalement en milieu rural mais parfois également dans les villes – fait perdurer le système discriminatoire des castes ainsi que les exécutions extrajudiciaires, selon Eglises d’Asie, l’agence d’information des missions étrangères de Paris.

La décision est d’importance, les khap panchâyats jouant un rôle prédominant dans la vie des villages, tenant lieu de tribunal et appliquant eux-mêmes les sentences – y compris de mort – en toute illégalité. Dans les Etats du Nord-Est comme le Rajasthan, l’Uttar Pradesh, le Punjab ou l’Haryana ou encore dans le sud du pays comme au Tamil Nadu, ces ›conseils de caste’ sont particulièrement redoutés et leurs sentences exécutées sans rencontrer la moindre opposition. Selon les médias locaux, le nombre des affaires de «crimes d’honneur» réglées par les khap panchâyats, est largement sous-estimé, les familles des victimes n’osant pas porter plainte et les forces de l’ordre se gardant d’intervenir.

«C’est un excellent jugement qui supprime un système judiciaire parallèle agissant en contradiction avec les lois de notre pays», a commenté auprès de l’agence Ucanews, Jyotsna Chatterjee, une responsable protestante. Elle reconnaît cependant qu’il sera difficile d’éradiquer rapidement un système séculaire, enraciné profondément dans la mentalité indienne. «Le changement devra être progressif. La Cour a donné la direction à prendre et maintenant la société et le gouvernement devront poursuivre», conclut-elle.

Le Père Babu Joseph, porte-parole de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI), s’est quant à lui félicité d’une décision attendue depuis longtemps. Ces «›conseils de caste’ portaient atteinte aux libertés individuelles, et tout particulièrement à celles des femmes», estime-t-il.

Augmentation inquiétante des exécutions

Selon la constitution de 1947, les Indiens sont officiellement égaux en droits et le système des castes aboli. Mais dans les régions où prédomine un système patriarcal traditionnel, la loi des anciens reste davantage crainte et respectée que celle des cours de justice indiennes. Bien que l’Hindu marriage Act promulgué en 1955 autorise les mariages inter-castes, les khap panchâyats continuent d’appliquer les coutumes ancestrales et de punir sévèrement tout écart.

Ces dernières années ont vu une augmentation inquiétante des exécutions ordonnées par des khap panchâyats, qu’il s’agisse d’interdire des mariages entre castes ou de sanctionner des unions jugées contre-nature. Les interdits, qui varient selon les traditions locales, peuvent concerner l’union de deux personnes du même village, de la même sous-caste (gotra), de religions différentes, ou encore des pratiques portant «atteinte à l’honneur de la famille» (*). La sentence établie par un tribunal constitué à la hâte, sur simple dénonciation le plus souvent, est appliquée immédiatement, et peut aller du bannissement à la peine de mort, en passant par le viol collectif, la torture ou la mutilation.

Le ›crime d’honneur’, un meutre «barbare et honteux»

«Il n’y a rien d’honorable dans le ›crime d’honneur’ ou autres atrocités ; en réalité, il ne s’agit que d’un meurtre barbare et honteux» ont déclaré les juges Markandeya Katju et Gyan Sudha Mishra. La Cour Suprême a motivé son jugement en déclarant que ces «tribunaux de pacotille» n’avaient aucune autorité pour appliquer leurs lois «barbares et illégales» et que les responsables de ces «coutumes des temps féodaux» devaient être sévèrement punis.

La plus haute instance de justice de l’Inde a rappelé que le système des castes avait été aboli et que chaque citoyen indien pouvait se marier avec la personne qu’il désirait, nul n’étant autorisé à l’en empêcher. Afin de s’assurer que ce jugement serait appliqué dans les régions où les conseils de caste sont influents, la Cour Suprême a également déclaré que les Etats devraient répondre des magistrats et membres des forces de l’ordre sous leur juridiction et suspendre ceux qui ne prendraient pas de mesures pour empêcher «les actes de barbarie» décidés par les khap panchâyats.

(*) Chaque caste est divisée en multiples sous-castes (gotras) qui ont chacune un khap panchâyat chargé de régler les différends et de préserver la moralité et l’honneur de la communauté. (apic/eda/amc)

23 avril 2011 | 20:52
par webmaster@kath.ch
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