Le pape François entre au synode sur la famille (photo Andrea Krogmann)
Dossier

Un style physique qui s’impose comme une marque personnelle

10

Le pape François c’est d’abord un style très personnel. Celui du curé de campagne qui parcourt le monde chaussé de brodequins, une serviette élimée sous le bras. Heureux au contact des petites gens, agacé par les prélats de cour de la curie et leurs dentelles.

Simplicité c’est bien ce qui qualifie le mieux, le style personnel de Jorge-Mario Bergoglio. Pour certains en renonçant à quasiment tous les signes extérieurs de son pouvoir il désacralise voire dénature la fonction pontificale lui faisant perdre une grande partie de sa dimension symbolique. Un pape ne peut pas être un homme ordinaire dans sa tenue et dans ses habitudes, estiment-ils. Beaucoup d’autres apprécient que le vicaire du Christ ne soit plus un demi-dieu.

Certains ne manqueront pas de lui trouver une ressemblance physique avec le bon pape Jean XXIII (1958-1963), même corps trapu, un peu replet, même visage expressif au grand nez et à la large bouche. L’Italien et l’Argentin partagent de fait les mêmes origines du Piémont qui forment la marche des Alpes. Ils partagent le même style de curé de campagne: un vêtement simple sans fioritures, le déni du protocole de cour…  

Un style sobre et décontracté

François séduit par son style sobre et détaché, il a laissé de côté la mozette rouge bordée d’hermine, les mocassins rouges et tous les signes d’apparat. Il porte une simple soutane blanche, pas toujours impeccable, avec une ceinture blanche en soie moirée. La tradition voulait que les armoiries du pape figurent sur sa ceinture, juste avant les franges. Mais François a mis de côté cette pratique. Il arbore toujours la simple croix pectorale métallique reçue comme archevêque de Buenos Aires. L’anneau passé à la main droite est en argent doré de facture très simple.

Le pape a conservé ses vieilles lunettes, porte un anneau pastoral très simple et la croix pectorale qu’il avait reçue comme archevêque de Buenos Aires | Flickr/Republic of Korea/Flickr/CC BY-SA 2.0

Pour certains, François est une icône ‘normcore’, une victoire du confort et de l’anonymat sur la bienséance. Bien malgré lui, il est devenu un ‘prescripteur’ de mode comme l’a illustré en 2023 un photo-montage avec une doudoune Balenciaga.

A l’inverse de ses prédécesseurs, le pape François, qui quitte rarement le Vatican hormis pour ses voyages apostoliques, n’a pratiquement jamais été aperçu en civil ou en clergyman,  sauf une dizaine de jours avant sa mort, descendant en chaise roulante pour voir les travaux de la basilique Saint-Pierre. Le pape François ne porte ni bijou, ni montre de valeur, une simple Swatch noire en plastique à 50 francs fait l’affaire. Il fait sensation, en 2015, lorsqu’il se rend personnellement chez un opticien proche du Vatican pour refaire ses lunettes «Je ne veux pas une monture neuve, il faut seulement refaire les verres, je ne veux pas dépenser», aurait-il précisé au vendeur.   

Sombrero ou plumes d’indiens

Il n’hésite cependant jamais, au gré de ses rencontres, à adopter un style qui parfois détonne. Foulard fleuri, kimono, poncho de laine, sombrero, bonnet péruvien, chasuble léopard, chapeau haut-de-forme ou encore couronne de plumes: pour le pape François, tous les styles sont permis. Lors de ses visites dans les pays étrangers ou lorsqu’il reçoit des délégations au Vatican, on lui offre de nombreux cadeaux, généralement liés à la culture locale. Il n’hésite pas, si l’occasion se présente, à enfiler tel ou tel vêtement offert par son interlocuteur. En toute simplicité.

Sobriété des vêtements liturgiques

La même sobriété se retrouve dans le vêtement liturgique. Après un Benoît XVI amoureux du style baroque de sa Bavière natale, le pape François qui déteste les dentelles porte presque toujours des chasubles unies aux formes amples et sans broderies précieuses sur lesquelles il revêt le pallium de laine blanche orné de croix noires propres aux archevêques.

Le pape à la messe du Mercredi des Cendres, le 14 février 2024 | © Vatican Media

Ce qui ne l’empêche pas de recourir à des créations originales comme celles du styliste italien Filippo Sorcinelli, mais aussi de l’atelier d’Arte Grossé, une petite société familiale de Bruges, en Belgique, des sœurs du couvent Praharuthai de Bangkok, ou encore de la la Fask Academy, école de production des métiers de la confection lors de sa visite à Marseille en 2023. On l’a même vu porter une chasuble rose lors des dimanches dit ‘gaudete’ pendant l’avent et le carême.

Les férules

La férule ou bâton pastoral que le pape François utilise est le plus souvent une simple croix de bois, mais il reprend aussi volontiers celle du pape Paul VI avec un crucifix en argent. Depuis novembre 2013, le pape François a sa férule personnelle. Intitulée «Crux gloriosa», du sculpteur-orfèvre romain du Trastevere, Maurizio Lauri. Celle-ci lui a été offerte par une délégation du «Groupe de recherche sur les métaux éthique». Une férule bien à son image, faite avec des matières premières ‘éthiques’ telles que le bois, le bronze et l’argent qui représente une synthèse de la Rédemption, de la mort et de la résurrection du Christ. Au total, il en utilisera plus ou moins occasionnellement une vingtaine, dont une offerte lors du synode des jeunes en 2018 et que les cercles traditionalistes qualifieront de bâton fourchu païen digne d’Harry Potter.  

Le pape François se déplace à Asuncion dans la voiture de Jean Paul II, vieille de 27 ans (photo : twitter)

Pas de voitures luxueuses

Le même simplicité vaut pour ses déplacements. François renonce à la limousine Mercedes 600 SEL de 1965 utilisée par Paul VI et Jean Paul II pour des véhicules de classe moyenne ordinaire comme une Ford focus puis une Fiat 500 L. On le vit même un jour de 2013 dans une antique Renault 4 blanche offerte par un curé italien. En 2015, lorsqu’il visite Asuncion, la capitale du Paraguay, François monte à bord d’une Peugeot 405 SR offerte au pape Jean Paul II lors de sa visite dans le pays 27 ans plus tôt. A partir de 2023 dans un souci d’écologie, la flotte du Vatican passe à l’électricité. (cath.ch/mp)   

Suite