Série d’été Apic sur les célébrations chrétiennes en Suisse Berne: Célébration anglicane au coeur de la capitale
Un rite très catholique, avec beaucoup de convivialité
Berne, 10 mai 2011 (Apic) C’est dans un quartier résidentiel situé derrière l’Helvetiaplatz que les anglicans de Berne se réunissent chaque semaine pour leur messe dominicale. L’église se trouve le long d’une artère très fréquentée, la Kirchenfeldstrasse, et à quelques centaines de mètres du zoo Dalhölzli. Le visiteur pénètre par un portail dans une sorte de résidence entourée d’un parc ombragé, dont le calme contraste avec la circulation environnante.
Tout respire la convivialité dans cet espace de rencontre. Les participants arrivent tranquillement, en famille pour la plupart, ce dimanche matin de printemps. Première surprise en entrant dans l’église: contrairement à ce qui a été annoncé récemment par la presse, un sonneur de cloches est encore en activité en ville de Berne. Durant 5 bonnes minutes, un Africain prénommé John tire vigoureusement sur sa corde pour appeler les fidèles. La sonnerie et les nombreuses discussions entre les fidèles ne semblent pas gêner l’organiste, qui tente de préserver un peu de solennité à la célébration qui va bientôt débuter.
L’assemblée de ce dimanche est composée de gens de tous âges et, visiblement, de toutes provenances. Ca vit, ça discute – en anglais of course – pour prendre des nouvelles des différentes familles et commenter l’actualité. Quelques fidèles prêtent attention aux informations paroissiales projetées sur un mur latéral. On y annonce même l’action de vente des roses de la Campagne œcuménique de Carême.
Comme en famille
A 10h pile, une animatrice transmet des indications sur le déroulement de la célébration et annonce les rencontres paroissiales à ceux qui ne les auraient pas encore lues. Elle s’exprime avec beaucoup de décontraction, de conviction, et en ajoutant quelques pointes d’humour à en juger les réactions dans l’assemblée. L’ambiance est très conviviale, pour ne pas dire familiale.
La petite église anglicane est aux ¾ pleine. Elle compte près de 80 participants, dont beaucoup d’enfants et pas mal de jeunes. Le Révérend Peter Potter, curé de la paroisse, discute avec les membres de l’assemblée, en particulier avec les enfants. Le rite d’accueil est vécu de façon très décontractée. «Qui se soucie de nous?», demande le prêtre. Les réponses les plus diverses fusent. On pense bien entendu aux parents, aux amis, et même aux enseignants. Et à Dieu.
Puis les plus petits se déplacent devant l’autel, prennent des paniers et distribuent des sachets de chocolat aux mamans présentes dans l’église. Les communautés anglicanes célèbrent ce jour-là la Fête des mères.
Un chant de confiance en Jésus résonne sur l’air de «Au clair de la lune». Visiblement, la célébration du jour est une messe des familles. Confirmation juste après ce chant: les enfants quittent l’assemblée pour vivre une célébration adaptée à leur âge dans la salle paroissiale, juste à côté de l’église. Seuls deux ou trois parmi les plus petits sont restés dans les bancs. Ils s’occupent tranquillement en dessinant ou en regardant un livre. L’aura qui règne dans cette communauté aurait-elle des effets bénéfiques jusque dans l’attitude des enfants?
Pour l’instant, la célébration pourrait aisément se confondre avec une messe des familles de rite catholique romain. On y retrouve les mêmes rubriques liturgiques, mais avec quelques différences dans les textes. On se lève et on s’assied aux mêmes moments. Même la prédication, prononcée sur un ton très convivial, a la même durée: environ 10 minutes.
Les nombreuses intentions de prière de l’assemblée
Après la confession de foi, une animatrice s’avance pour les prières universelles. Mais si lors des messes catholiques les participants marquent leur impatience après la 4e intention et le 4e refrain, la communauté anglicane prend visiblement son temps pour être sûre de n’oublier personne ni aucune cause dans sa prière. La liste des intentions s’allonge. Et pour finir, ce sont les membres de l’assemblée qui lâchent spontanément le nom d’un parent ou d’un ami qui vit un moment difficile et qui sera ainsi soutenu par la prière de la communauté.
Le geste de paix également sera vécu comme un fort moment communautaire. Les célébrant et tous le participants se déplacent dans une bonne partie de l’église pour se serrer la main et se souhaiter la paix du Christ.
Les enfants, décrits auparavant comme si sages, commencent à s’impatienter. Le plus petit, âgé d’environ 2 ans, joue avec une feuille d’annonces transformée en avion et commence à faire du bruit. Il se met à provoquer son grand frère, à peine plus âgé. Les parents, un peu mal à l’aise, tentent d’endiguer cette énergie. Ouf, les enfants sont finalement les mêmes que dans les autres confessions chrétiennes!
L’assemblée entonne un chant de louanges sur l’air du Magnificat de Taizé – apparemment peu connu, donc peu suivi – mais en anglais! A part quelques alléluias ou amen, toute la liturgie se dit et se chante en anglais.
La prière eucharistique et la consécration sont pratiquement les mêmes que dans la liturgie catholique. La communion, par contre, se donne à genoux, avec les participants alignés devant l’autel, comme autrefois, et sous les deux espèces: hosties et coupe de vin.
Après 1h10, la célébration prend fin (Tiens, où sont passés les deux enfants qui s’împatientaient et leur papa?). Du moins, pour ce qui concerne la partie liturgique. Car l’ensemble de la communauté se retrouve ensuite à la salle paroissiale pour partager un café, un thé, une limonade et des biscuits. Et pour reprendre les discussions entamées au début de la messe.
Interview du Révérend Peter Potter
Une communauté de traditions et de provenances très diverses
Apic: Révérend Peter Potter, d’où proviennent vos paroissiens?
Rév. Potter: Ceux qui fréquentent la célébration ne sont pas tous d’origine anglicane. Près de 40% sont issus d’une autre tradition chrétienne. Plusieurs d’entre eux participent à la messe du fait qu’ils sont mariés à un anglican ou à une anglicane.
Quant à la provenance des paroissiens, j’ai repéré environ 14 nationalités ce matin. Par exemple: Angleterre, Irlande, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Etats-Unis, Canada, Suisse, Allemagne, Nigeria, Ghana, Inde, Chine, … Mais la grande majorité sont des personnes établies en Suisse. Il y a aussi beaucoup de familles mixtes, anglicanes – catholiques romaines, ou anglicanes – réformées.
Apic: La Communion anglicane mondiale est actuellement divisée sur des questions comme l’ordination épiscopale des femmes ou les mariages homosexuels. Percevez-vous des tensions ou des divisions dans votre communauté?
Rév. Potter: Non. Ces questions ne touchent pas la vie de la communauté. Elles sont débattues surtout au niveau national. Nous le faisons notamment au synode, qui se réunit deux fois par an. Il arrive que ces problèmes fassent l’objet de discussions entre membres de la communauté, mais sans jamais faire de difficultés.
Apic: Et la question des passages d’anglicans dans les rangs catholiques, qui est également un sujet sensible entre le Saint-Siège et la Communion anglicane mondiale?
Rév. Potter: Là également, nous en parlons très peu en communauté. Je relève cependant que des passages se font dans les deux sens. Il arrive que des catholiques nous rejoignent.
A Berne, nous avons une très bonne collaboration entre les communautés chrétiennes qui entretiennent avec nous des liens officiels: anglicans, catholiques chrétiens et luthériens. Et nous avons également de très bonnes relations avec les autres communautés chrétiennes. Lors de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, nous participons à la célébration œcuménique au Münster, et nous collaborons chaque année à la Campagne de Carême à travers l’organisation d’entraide catholique chrétienne «Etre partenaire».
Apic: Est-il exact que l’évêque catholique chrétien de Suisse fonctionne également comme évêque pour vos communautés?
Rév. Potter: La «Church of England», dont nous faisons partie, a un diocèse en Europe. Nous sommes en relation directe avec son évêque, qui est établi à Londres.
Mais il est vrai qu’en raison de la reconnaissance entre les communautés anglicane et catholique chrétienne, leur évêque pour la Suisse préside souvent la célébration de confirmation dans nos communautés.
Apic: L’anglais est-il la seule langue admise lors des liturgies anglicanes?
Rév. Potter: Non, il arrive qu’une autre langue locale soit utilisée. C’est le cas dans plusieurs pays d’Afrique, comme le Congo où l’anglais est moins courant. A l’origine, l’anglais était effectivement la seule langue officielle des anglicans, mais cela a changé avec le développement de communautés dans des pays non anglophones.
Encadré:
L’interprète devenu transmetteur de l’Evangile
Le Révérend Peter Potter, 64 ans, est depuis 3 ans prêtre responsable de la paroisse Ste Ursule à Berne, qui comprend également des lieux de culte permanents à Neuchâtel, Thoune, et temporaires à Interlaken (été), Kandersteg (été) et Mürren (hiver).
Né en Irlande, il a travaillé autrefois aux Pays-Bas comme interprète avant de devenir prêtre. Après une expérience en Ecosse, il a eu «la chance» (selon ses termes) de revenir sur le continent, à Berne. Ce poste lui convient parfaitement en raison de son aisance dans la pratique de l’allemand et du français.
La paroisse Ste Ursule de Berne tourne avec un budget de 300’000 francs, dont 20’000 francs sont consacrés à des oeuvres d’entraide ou missionnaires. Ses ressources financières sont uniquement constituées des dons de ses membres.
Les paroisses anglicanes de Suisse font partie du diocèse d’Europe, confié au Révérend Geoffrey Rowell, établi à Londres, et qui a le titre d’évêque de Gibraltar en Europe.
Un peu plus de 1’000 anglicans sont enregistrés en Suisse, mais ce nombre ne tient pas compte des fidèles âgés de moins de 16 ans, ainsi que des pratiquants non inscrits. Ils sont répartis en 10 paroisses, dont une de l’église épiscopale américaine, à Genève. S’y ajoutent 8 «daughter churches» (églises soeurs) desservies par les paroisses où réside un curé permanent, et 6 lieux de célébration pendant la saison d’hiver ou d’été.
Encadré:
Une Eglise fondée à la suite du refus par le pape d’annuler le divorce du roi
L’Eglise d’Angleterre (en anglais «Church of England») a pour primat l’Archevêque de Cantorbéry, fonction occupée par Rowan Williams depuis 2003. Le Gouverneur suprême de l’Eglise d’Angleterre est le souverain du Royaume-Uni. C’est donc Elisabeth II qui porte ce titre honorifique depuis 1952. L’Eglise d’Angleterre est «l’Eglise mère» de la Communion anglicane.
L’origine de la rupture avec la papauté fut le désir du roi Henri VIII de divorcer de Catherine d’Aragon pour épouser Anne Boleyn. Le pape Clément VII refusa d’annuler le premier mariage du roi. En 1531, le roi rompit les liens avec le pape, ce qui fut l’origine de l’indépendance de l’Eglise anglicane. En 1534, Henri VIII fit rédiger l’Acte de suprématie qui fait du roi et de ses successeurs «le chef unique et suprême de l’Eglise d’Angleterre». En 1539, le «Bill» ou «acte des Six Articles» organisa l’Eglise anglicane, et en 1562, Elisabeth Ière fit promulguer la confession de foi de l’Eglise.
«Il y a eu rupture avec la papauté, mais pas de Réforme», tient à préciser le Révérend Peter Potter, pour expliquer les très nombreuses similitudes avec la tradition catholique, et notamment le maintien des ministères d’évêque, de prêtre et de diacre.
Indication aux médias: Des photos de ce reportage peuvent être commandées à apic@kipa-apic.ch. Prix pour publication: 80 frs la première, 60 frs les suivantes.
(apic/bb)