Un millier de manifestants à Berne réclament la reconnaissance du génocide arménien
Berne, 25 avril 2015 (Apic) Plus d’un millier de manifestants, réunis sur la Münsterplatz à Berne, ont réclamé vendredi soir 24 avril la reconnaissance du génocide arménien par le conseil fédéral.
Une telle reconnaissance officielle est absolument nécessaire tant de la part de la Suisse que de la Turquie, qui persiste dans son attitude négationniste, pour qu’un tel crime contre l’humanité ne puisse plus se reproduire alors que les chrétiens sont à nouveau ciblés en Syrie et en Irak par les terroristes de «Daech», le soi-disant «Etat islamique».
Avec force de bannières colorées et de pancartes rappelant le génocide et les massacres de 1915 commis par le régime des «Jeunes Turcs», aux cris de «Vive la solidarité internationale», «Plus jamais de génocide», «Les martyrs ne meurent pas», les participants se sont rassemblés devant la collégiale, dans la vieille ville de Berne.
Présence massive des organisations assyro-chaldéennes de Suisse
Invités au rassemblement dans la capitale fédérale sous le slogan: «1915 – 2015: 100 ans de négation, ça suffit!» par l’Eglise Apostolique Arménienne ainsi que par de nombreuses associations arméniennes en Suisse, ils ont été rejoints par les organisations assyro-chaldéennes venues en masse de Suisse alémanique.
Tous les orateurs invités – notamment les conseillers nationaux argovien Cédric Wermuth, du parti socialiste, et saint-gallois Lukas Reimann, de l’Union démocratique du centre, ainsi que l’ancien conseiller national démocrate-chrétien bernois Remo Galli – ont fustigé la politique officielle de la Suisse. Ils ont accusé les autorités fédérales de sacrifier le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine des victimes sur l’autel des intérêts économiques de la Suisse en Turquie. Les discours ont été fréquemment surmontés par le slogan «Turquie, coupable de génocide!»
«Seyfo»: génocide des populations assyriennes ou araméennes
Alors que s’effondrait l’Empire ottoman, ce sont toutes les minorités qui ont subi le génocide: les peuples arménien, assyro-chaldéen-syriaque, grec pontique et yézidi. Le génocide de ces populations assyriennes ou araméennes durant la Première Guerre mondiale est connu sous le nom de «Seyfo». Plusieurs militants présents à Berne étaient en grève de la faim depuis lundi pour exiger la reconnaissance du génocide de ces communautés chrétiennes orientales il y a 100 ans.
L’extermination par le régime des «Jeunes Turcs» de ces populations syriennes, assyriennes et chaldéennes durant la Première Guerre mondiale est connue sous le nom de «Seyfo». Les Grecs «pontiques» (du Pont, de Thrace orientale et d’Anatolie) ont subi le même sort dans la phase finale de la Deuxième Guerre gréco-turque.
Hitler: «Qui se souvient encore de l’extermination des Arméniens?»
Dans son allocution, Felix Ziegler, de l’Association Suisse-Arménie, a cité les paroles du pape François le dimanche 12 avril dernier, parlant du «premier génocide du XXème siècle», qui a frappé le peuple arménien, a souligné le devoir de mémoire. Laisser de telles plaies ouvertes prépare de nouveaux génocides. Hitler n’aurait-il pas dit en 1939: «Qui se souvient encore de l’extermination des Arméniens?»
«Nous exigeons, a-t-il lancé, la reconnaissance par la Turquie de ce génocide, estimant que ce n’est qu’une question de temps, car les pressions extérieures – toujours davantage de pays reconnaissent qu’il y a bien eu ‘génocide’ – se font de plus en plus fortes. D’autre part, l’opinion publique turque – qui a subi à ce propos un véritable ‘lavage de cerveau’ dès l’école primaire – est de plus en plus renseignée par les médias sociaux et internet. Hülya Gabriel, de l’Union syriaque européenne, a exprimé avec force la douleur des descendants des familles qui ont subi les massacres de masse des populations syriennes, assyriennes et chaldéennes (Seyfo).
2,5 millions de personnes sans défense ont été tuées
Les images de ces milliers de femmes violées devant leur mari assassiné, les innombrables victimes décapitées, crucifiées, brûlées vivantes, les bébés égorgés, les églises et les monastères pillés et incendiés, les prêtres tués, les villages rasés, «ne sont que quelques-unes de celles qui nous accompagnent depuis un siècle et qui nous marquent».
2,5 millions de personnes sans défense ont été tuées à cette époque, «ce qui représente presque un tiers de la population suisse actuelle!», a-t-elle martelé. «Chers conseillers nationaux, conseillers aux Etats, conseillers fédéraux, si cela n’est pas un génocide, qu’est-ce que c’est alors ?», a-t-elle poursuivi, en ajoutant que la réconciliation est le fondement d’une paix réelle, «mais sans reconnaissance de ce qui s’est réellement passé, aucune réconciliation n’est possible!»
Le «négationnisme d’Etat» de la Turquie fustigé
Le Genevois Vicken Bayramian, du Comité suisse de la commémoration du centenaire du génocide arménien, a fustigé le «négationnisme d’Etat» de la Turquie, en soulignant que le déni, le mensonge et l’impunité engendrent frustration et haine. «Notre message aux autorités turques: lisez vos propres archives!»
L’ancien conseiller national Remo Galli, qui a milité pour la reconnaissance par la Suisse du génocide arménien – postulat adopté par le Conseil national en 2003 – a déploré qu’il n’y ait pas eu de suite au niveau du Conseil des Etats et du Conseil fédéral, «pour de soi-disant craintes au plan économique». Il a déploré que la Suisse n’ait été représentée que par un ambassadeur à la commémoration du centenaire du génocide à Erevan, en Arménie.
Le fait que le Conseil fédéral ne parle que des «tragiques événements en Arménie» est la preuve que l’on se plie devant les menaces économiques brandies par la Turquie. Et de lancer un appel pour que «nous les chrétiens, ayons le courage de nous engager activement, en tant que personnes, organisations et partis, contre la persécution religieuse, celle aussi qui vise les chrétiens et les Arméniens». JB
Encadré
La Communauté juive de Berne – par la bouche de son président Ralph Friedländer, est venue saluer les manifestants, en lançant «Plus jamais de génocide!» La Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) commémore elle aussi les nombreuses personnes assassinées au seul motif de leur origine. «Commises il y a cent ans, ces horreurs montrent combien il est important de déceler les premiers signes de danger pour combattre un génocide». (apic/be)