Un «faux» Ordre de Malte célèbre la Saint-Jean à Greifensee (ZH)
L’»Ordre de Saint-Jean de Jérusalem» a célébré en été 2022 la fête de la saint-Jean à l’église réformée de Greifensee (ZH). Selon l’enquête de kath.ch, cet ‘ordre’ usurperait en fait l’identité des Chevaliers de Saint-Jean et de l’Ordre de Malte suisses avec lesquels il n’a pas de lien.
Barbara Ludwig kath.ch / traduction adaptation Maurice Page
La fête de la Saint-Jean qui s’est déroulée dans l’église de Greifensee était organisée par la branche suisse alémanique de l’»Order of Saint John of Jerusalem, Knights Hospitaller (Malta)» Chapes rouges surpiquées d’une grande croix de Malte à huit pointes, tous les symboles de l’Ordre de Malte étaient présents pour la fête.
Dans la publicité annonçant l’événement, l’organisation se présente comme un ordre de chevalerie «qui remonte au XIe siècle lors des croisades à Jérusalem».
Une origine que contestent tant l’Ordre de Malte suisse (catholique) que les Chevaliers de Saint Jean suisses (protestants). Pour Martin von Walterskirchen, président de l’Association helvétique de l’Ordre de Malte, l’Order of Saint John of Jerusalem, Knights Hospitaller (Malta) est un «faux ordre» qui se présente à tort comme l’Ordre de Saint-Jean. Daniel Gutscher, chef de la Commanderie suisse de l’Ordre de Saint-Jean, fait savoir que l’organisation n’a rien à voir avec eux.
«Nous avons bien la même origine»
Une accusation qu’Othmar Züger vice-prieur de Suisse alémanique de l’»Order of Saint John of Jerusalem, Knights Hospitaller (Malta)» rejette catégoriquement. «Cette accusation n’est pas nouvelle. C’est une vieille querelle que nous avons avec l’Ordre de Malte. Or nous avons le même âge que lui», souligne-t-il.
Il explique ensuite comment la conquête de l’île de Malte par Napoléon en 1798 a mis fin à la longue histoire commune: dispersion des chevaliers, élection d’un nouveau Grand Maître en Russie par la majorité des chevaliers sous la protection du tsar, refondation par le pape à Rome, où peu de chevaliers se seraient toutefois rendus.
Rattachement au Grand Prieuré russe
Au 19e siècle, l’Ordre de Malte originel a ainsi donné naissance à différentes lignées, explique Züger. L’»Order of Saint John of Jerusalem, Knights Hospitaller (Malta)», dont peuvent faire partie les catholiques et les réformés, fait remonter sa tradition au Grand Prieuré russe fondé en 1798. Celui-ci a reçu un protecteur au 20e siècle en la personne du roi Pierre II de Yougoslavie. Othmar Züger souligne que ce roi était issu de la famille impériale russe. Pierre II aurait donné en 1964 une nouvelle constitution à l’Ordre. «Il ne l’a pas refondé. C’est une évolution».
Othmar Züger ne veut pas être en guerre avec l’Ordre de Malte. «C’est une organisation fantastique». Mais il regrette que les Maltais ne puissent pas accepter qu’il y ait aujourd’hui plusieurs lignées.
Querelles fratricides
Pour le théologien catholique et expert en ordres de chevalerie Michael Autengruber l’»Order of Saint John of Jerusalem, Knights Hospitaller (Malta)» est bien un imposteur. Il confirme qu’un Grand Prieuré russe de l’Ordre de Malte a bel et bien existé. Mais seulement de 1798 à 1817.
Cette année-là, l’empereur russe Alexandre Ier a supprimé le prieuré. Les commanderies héréditaires qui se transmettaient de père en fils ont ainsi disparu. «Le grand prieuré orthodoxe russe a donc cessé d’exister», explique Autengruber.
Sans souverain, pas d’ordre
Douze descendants de commandeurs héréditaires russes ont recréé un ›Grand Prieuré russe’ à Paris, en 1928. Et c’est à partir de ce «pseudo-grand prieuré» que s’est développé l’»Order of Saint John, Knight Hospitaller», «avec ses nombreux grands prieurés, ses prieurés et ses scissions qui se combattent violemment entre elles», explique Autengruber.
Selon lui, l’Ordre est «frauduleux», car il n’y a plus de souverain. Pierre II de Yougoslavie ne peut pas être considéré comme tel, car il avait déjà dû quitter le pouvoir en 1945 en tant que dernier roi du pays. Seul un souverain russe aurait pu faire revivre le Grand Prieuré russe, estime l’expert.
Les ordres imposteurs ont inventé leur propre historiographie, dont ils ont besoin pour se justifier, souligne Autenburger. Il est par exemple faux de dire que l’Ordre de Malte a été refondé par le pape au 19e siècle. En revanche, l’Ordre a bien établi son siège permanent à Rome en 1834. «Le pape lui a attribué une résidence et l’a ainsi confirmé». (cath.ch/kath.ch/bl/mp)