Un Christ pharaonique devrait contempler l'Arménie en 2025
Son chantier fait polémique depuis 2022 et a pris du retard, mais son baptême reste annoncée pour 2025. La construction en Arménie sur le mont Hatis de la plus grande statue du Christ au monde, projet de l’oligarque arménien Gagik Tsarukyan, aura bien lieu malgré l’opposition de l’Église apostolique arménienne. Ses défenseurs la conçoivent, notamment, comme une attraction touristique prometteuse.
Annoncée comme la plus haute au monde, la sculpture devrait prendra place sur le mont Hatis, à 2528 mètres de hauteur et à 30 km au nord-est d’Erevan, un site classé au patrimoine naturel. Ce Christ pharaonique, haut de 77 mètres, en comptant son socle de béton, pourra ainsi contempler de sa hauteur l’Arménie, et surtout battre largement les 52,5 m du Christ-Roi de Swiebodzin, actuel détenteur du record mondial.
La cérémonie du lancement des travaux de la statue géante a eu lieu le 9 juillet 2022, en présence du ministre arménien de l’Économie Vahan Kerobyan et du secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme Zurab Pololikashvili. Mais le projet s’est heurté aux oppositions d’archéologues et du Saint-Siège de l’Église apostolique arménienne, qui se trouve à Etchmiadzin.
Affaires, politique et religion
À l’arrêt pendant presque deux ans, il a été relancé cet été. Le site abrite plusieurs vestiges archéologiques d’importance, dont les ruines d’une forteresse de l’âge de bronze datant du IIIe millénaire av. J.-C., découverte au sommet en 2019, par une expédition archéologique arméno-italienne. Depuis, quatre experts de l’Institut national d’archéologie ont cependant été dépêchés pour son excavation express, après avoir subi, selon leurs dires, des intimidations, indiquait cet automne le journal La Croix.
Le concepteur du projet, Gagik Tsarukyan, 68 ans, est de fait un oligarque arménien proche des milieux politiques. L’homme d’affaires a bâti sa fortune après la chute de l’empire soviétique, dans l’immobilier et les médias, la vente de voitures de luxe, la production de vodka ou les cryptomonnaies, rappelle l’hebdomadaire La Vie. Il s’est lancé en politique en 2004, sans grand succès. Après s’être opposé un temps au Premier ministre actuel Nikol Pachinian, il lui apporte son soutien depuis 2019.
En 2020, Gagik Tsarukyan a donc obtenu le feu vert pour son projet de construction d’un Christ monumental. Contacté par La Croix, il a déclaré que «la statue du Sauveur s’élèvera, en tant que symbole d’unité entre les Arméniens d’ici et ceux de la diaspora». Elle devrait être recouverte de phosphore pour luire dans la nuit.
L’Église d’Arménie ne se reconnait pas dans ce Christ
Ce projet s’est attiré les foudres du Saint-Siège de l’Église apostolique arménienne, qui s’est publiquement prononcé contre. Une telle sculpture va, en effet, à l’encontre des traditions de cette Église orientale ›pauvre’. En 1700 ans d’existence, aucune représentation divine sous forme de statue ornementale n’a été érigée par elle, mais on lui doit plutôt l’érection de khatchkars, ces croix sculptées dans des bas-reliefs de tuf rose, sans représentation humaine. Des réunions ont eu lieu entre des hauts responsables de l’Église et l’équipe de l’oligarque pour amender le projet, mais sans succès.
Ce type de projets gigantesque a rarement bonne presse. Le fait que son financement soit assuré dans ce cas précis par les fonds privés de Gagik Tsarukyan et qu’il s’inscrive dans un projet de développement touristique a certainement fait pencher la balance vers le ‘oui’ des politiques. Sont en effet prévus sous la statue, pour attirer du monde, des boutiques de souvenirs et des restaurants, voire un casino… accessibles par téléphérique.
Au Brésil et au Nigeria
Un autre projet gigantesque a de son côté été refusé en 2019 au Brésil, car son financement devait, à contrario, revenir à la collectivité publique. Il s’agissait d’une statue géante de Notre Dame d’Aparecida, dans la ville éponyme. Confiée à l’artiste Gilmar Pinn, l’œuvre devait dépasser les dimensions de la statue du Christ Rédempteur de Rio de Janeiro, haute de 38 mètres. La magistrature de la ville a rappelé que les fonds publics ne doivent pas servir pour la construction d’œuvres à caractère religieux, et cela même si les habitants de la région d’Aparecida tirent une large part de leurs revenus du tourisme lié au sanctuaire marial.
Dans une échelle plus modeste, un homme d’affaires nigérian a fait construire au Nigeria un Christ de 8 mètres et demie en marbre blanc, dénommé «Jésus de Greatest» et réalisé par un sculpteur chinois. Inauguré en 2015, ce Christ géant, le plus grand d’Afrique, il reste un symbole fort dans un pays marqué depuis 30 ans par les persécutions religieuses anti-chrétiennes, en recrudescence depuis une quinzaine d’années avec l’arrivée des combattants islamistes de Boko-Haram. (cath.ch/LaCroix/LaVie/lb)