Genève : Une Maison de la Parole

Trouver quelqu’un avec qui parler

Michel Bavarel, pour l’Agence Apic
Genève, le 7 avril (APIC) «Dans le quartier où vit ma communauté, j’ai souvent entendu dire : Je n’ai personne à qui parler», raconte sœur Marie Bosco Berclaz, religieuse ursuline. Cette observation a nourri un rêve : ouvrir un lieu de parole ouvert à tous. Un rêve aujourd’hui concrétisé dans un appartement mis à disposition par la paroisse du Christ-Roi, au Petit-Lancy (GE).

Cinq femmes autour d’une table, en silence. Elles pétrissent un morceau de terre noire, posé sur un carré de bois. L’animatrice a d’abord cité, dans la Genèse, les récits de la création où il est question d’un jardin et de la poussière avec laquelle Dieu a façonné l’homme. Elle a aussi lu un poème sur le printemps. Et donné ses consignes : «On ferme les yeux, on touche cette terre et l’on se laisse toucher par elle. On la regarde avec les doigts qui font ce qu’ils ont envie de faire».

«Qu’est-ce qui s’est passé ?» demande-t-elle un moment plus tard.»La terre est dure, elle fait mal aux mains. C’est comme un écho à une situation difficile que je suis en train de vivre», répond l’une. «Quand j’ai rouvert les yeux, j’ai vu entre mes mains un personnage qui m’a touchée, un infirme», dit une autre. Le personnage deviendra un peu plus tard Lazare sortant du tombeau. Il y aura aussi un serpent qui tire la langue ou une soucoupe avec une boule sculptée en forme de pomme de pin…

La parole n’est pas seulement verbale. Cet atelier, intitulé «Parole et terre», se déroule durant trois après-midi d’avril. Divers ateliers ont lieu dans ces locaux, comme Rencontre et écoute, Méditation guidée ou Notre corps, racine de l’être, avec une musicothérapeute, etc. Certains se tiennent tout au long de l’année, d’autres sont temporaires et reviennent périodiquement.

Une soupe et du pain

A l’origine, donc sœur Marie Bosco Berclaz qui, approchant de l’âge de la retraite, terminait son engagement au service de la catéchèse d’adultes. Elle avait constaté que bien des personnes qui prenaient contact avec ce service avaient besoin non seulement d’une catéchèse, mais d’un accueil plus large, de raconter leur histoire, d’être écoutées. Ou, ne pouvant pas parler de leur foi avec leur entourage, d’être reliées à d’autres croyants. Elle avait aussi expérimenté combien la Parole de Dieu, lorsqu’on l’écoute ensemble, est à même de libérer la parole humaine.

Elle a appris l’existence d’une Maison de la Parole à Bruxelles. «Cette expression a résonné en moi». Elle s’est rendue en Belgique, avec une amie, et bientôt tout un groupe est entré dans le rêve. On s’est mis à élaborer un concept, différent de celui de Bruxelles. Puis l’idée s’est concrétisée, des locaux ont été trouvés et rénovés. «Ma congrégation a décidé de soutenir le projet, en tout cas pour la phase de démarrage. Nous avons assez rapidement trouvé une vingtaine de bénévoles et constitué une association, présidée par une laïque, Caroline Baertschi.»

«Notre première vocation est l’accueil», souligne cette dernière. Une permanence est assurée du lundi au vendredi, de 14 à 17 heures, puis, par une autre équipe, de 17 à 20 heures. L’après-midi on offre le thé et le soir une soupe avec du pain. «Il y a des jours où il y a plusieurs passages, d’autres jours aucun. Mais les bénévoles nous ont dit que cela ne les gênait pas : si personne ne vient, elles peuvent prendre ce temps pour elles-mêmes, lire, faire de la musique…»

Parole et silence

Bénévoles – des femmes pour la plupart – et visiteurs sont d’âges divers et viennent de différents coins du canton de Genève. «Il y a des habitués et, de temps en temps, une personne toute nouvelle». On peut faire du tissage, prendre un livre dans la bibliothèque. Ou ajouter quelques paragraphes à la Bible manuscrite: il s’agit de copier le texte à la main sur un cahier – on a commencé par l’Évangile selon saint Jean. Une activité qui remporte un succès surprenant.

Si des bénévoles – qui peuvent bénéficier d’une formation à l’écoute – discernent qu’un visiteur aurait besoin d’aller au-delà d’une simple conversation et le souhaite, on lui propose un accompagnement individuel, inspiré par la spiritualité ignacienne qui est celle des Ursulines. Dans certains cas, on recourt à des membres de l’équipe possédant des compétences particulières, dont un psychologue qui vient une fois par mois.

Et le silence ? «Il ne peut pas y avoir de parole s’il n’y a pas d’écoute et pas d’écoute s’il n’y a pas de silence», répond sœur Marie Bosco. Les ateliers sont également des lieux de silence et d’écoute. À côté de la cuisine où l’on fait le pain et prépare la soupe, il y a la salle d’accueil sur le mur de laquelle on peut lire cette inscription : «Par le seul fait d’exister, toute personne est digne d’être aimée», puis une salle d’activités, une salle de réunion et, tout au fond, un espace de recueillement. www.maisondelaparole.ch (apic/mba/mp)

Des photos sont disponibles à l’adresse: kipa@kipa-apic.ch. La première photo est facturée CHF 80.-, et à partir de la deuxième photo utilisée dans le même texte, le prix est de CHF 60.-

7 avril 2011 | 12:14
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
Genève (410)
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