L'agent pastoral saint-gallois Matthias Wenk s'est immergé dans la solitude de l'ermite | © Claudia Koch
Suisse

Trois semaines de solitude en forêt: une expérience spirituelle

Matthias Wenk, théologien et assistant pastoral, a décidé de passer trois semaines en ermite dans la forêt de Saint-Gall. Sur les traces de saint Gall il évoque pour kath.ch son cheminement spirituel et son intention d’être «davantage inefficace».

Comment se fait-il qu’un assistant pastoral et père de famille, pleinement occupé, se retire seul dans la nature pendant trois semaines? Le facteur décisif pour Matthias Wenk remonte à l’hiver passé, lorsque l’expérience de solitude du saint ermite suisse a été promue par l’équipe de la Cityseelsorge (animation pastorale de la ville). «Pendant l’Avent, nous avons voulu offrir aux gens l’occasion de se retirer et de faire silence dans cette période souvent mouvementée et orientée vers la consommation».

Pluie et hamac

Cette sensibilisation devait être poursuivie à un autre moment. L’élément déclencheur, pour Matthias Wenk, a été l’expérience vécue par le pasteur Patrick Schwarzenbach en 2012, l’année de la commémoration de saint Gall (612-2012, les 1400 ans de l’Abbaye de Saint-Gall). Ce dernier avait passé trois mois, seul, dans la forêt, à l’abri la nuit dans un vieux bunker. En creusant l’idée, il réduit la durée du séjour à trois semaines, mais met l’accent sur la proximité avec la nature. «J’ai dû me préparer à dormir dehors dans un hamac», confie l’assistant pastoral saint-gallois.

Matthias Wenk atteint rapidement ses limites, même avec une infrastructure supposée bien pensée. Peu après la Pentecôte, il pleut énormément, le sol de la forêt est détrempé et même ses sous-vêtements prennent l’eau. Il envisage sérieusement d’arrêter l’expérience. Entre-temps, il a développé une attitude positive à l’égard de la météo. «J’ai aussi attaché plusieurs draps par-dessus le hamac», avoue-t-il.

Sac à dos et cœur lourds

La pluie n’est pas le seul problème, au début. Il y a aussi la séparation avec la famille. «J’y suis allé avec un sac à dos lourd et un cœur lourd». Son épouse ne prend pas beaucoup de plaisir à l’absence de son mari pendant trois semaines, sa fille de 14 ans est triste. Entre-temps, la famille lui rend visite et sa fille passe même une nuit avec lui en forêt. Proche des animaux, le Saint-Gallois vit l’expérience de la solitude en compagnie de sa chienne Eni. «Nous avons appris à mieux nous connaître et à nous respecter», dit-il. Comme Eni aboyait à chaque bruit suspect et qu’elle prenait peu de temps pour se reposer, elle dormait dans une tente où l’ermite temporaire conservait aussi la nourriture et le linge sec.

Matthias Wenk s’est débrouillé avec les moyens du bord | © Claudia Koch

La journée comprend deux heures de méditation à 12h et à 17h. Parfois, jusqu’à sept personnes viennent passer un quart d’heure avec lui en priant au Rütibach. Au final, Matthias estime n’avoir été vraiment seul qu’environ un sixième du temps.

Les visiteurs sont venus le voir pour diverses raisons: «Certains pour savoir où j’étais, d’autres pour parler de Dieu et du monde, d’autres pour apporter de la nourriture et, paradoxalement, même du bois sec. Je n’ai utilisé qu’une petite partie de la nourriture que j’ai apportée».

L’herbe haute, caressée

Dans cette expérience, il voit des parallèles avec la vie de saint Gall. «Je vis le divin plus directement ici dans le silence», dit-il. Il explique que, pendant un moment de prière, il a observé une araignée faire sa toile. Ou comment l’herbe haute, comme caressée, se balance dans une direction. Il y a beaucoup de petits moments d’émerveillement qui le rendent plus sensible et attentif. «Tous ces petits événements prennent une grande importance et font de moi un ambassadeur de la pleine conscience «, dit Wenk.

Il souligne que son expérience doit être comprise comme un travail. Il n’était pas dans les bois pour un plaisir privé, mais pour promouvoir la spiritualité. C’est pourquoi il a partagé ses expériences sur des blogs, dont certains renvoient des sentiments très personnels. Les contributions manuscrites ont été collectées quotidiennement par des bénévoles – appelés pigeons voyageurs – et mises sur le net afin que Matthias puisse rester à l’écart de tout moyen de communication.

«Etre connecté à tout»

Que ramène-t-il après trois semaines en forêt? «J’ai appris à ne pas faire plusieurs choses en même temps.» Ce n’est pas très efficace, mais chaque action est plus consciente. Il s’est donc fixé comme objectif d’être moins efficace dans la vie quotidienne. Il a également constaté qu’il condamnait trop rapidement et qu’il ne prenait pas assez de temps pour écouter et regarder.

Revenu à la vie de tous les jours, avec sa famille qui l’a attendu impatiemment, il milite pour une façon moins compliquée d’être avec eux, mais aussi avec ses collègues qui lui ont manqué. Pendant trois semaines, il a eu l’occasion de s’écouter et de vivre la spiritualité. «Pendant trois semaines, être connecté à tout», comme le décrit Matthias Wenk. (cath.ch/kath/ck/bl)

L'agent pastoral saint-gallois Matthias Wenk s'est immergé dans la solitude de l'ermite | © Claudia Koch
4 juillet 2019 | 12:02
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
ermite (12), Saint-Gall (19)
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